Un Nobel de littérature pour les gens qui ne lisent pas

Paroles, paroles, paroles

Je me rappelle, en 2012, ce fut Mo Yan, écrivain chinois qui l'obtint. Grande découverte que même Assouline avait reconnu ne jamais avoir lu. On s'est alors plongé avec délices à la découverte de cette littérature picaresque et colorée. Une belle porte littéraire s'ouvrait alors. On pouvait butiner de ses nouvelles truculentes se déroulant dans un Moyen-Age chinois inconnu à d'épais romans dans lesquels on se perdait avec délice. En 2013, le Nobel nous fit découvrir l'élliptique Alice Munro. Ses nouvelles sont des chef d'œuvre de concision comme des parois un peu lisses où on ne trouve pas de prise de prime abord et s'ouvrant peu à peu sur mille interprétations. Jelinek, Modiano, Pamuk, des livres et des livres. Pour chaque auteur un territoire immense à découvrir et savourer.

En 2016, on a Dylan qui n'a même pas daigné remercier et qui a composé des chansons que tout le monde connaît. Pas de livre à ouvrir avec fébrilité, pas d'univers dans lequel se plonger des heures durant, pas de fulgurances, d'étrangeté. Le song writing entre dans le cercle large de la littérature mais cette consécration sans surprise va sans doute plaire aux foules mais laisser comme deux ronds de flan les lecteurs avides de leur monstre annuel d'écriture. Donc, cette année, on a couronné Dylan et après ? Pourquoi pas Cohen, Springsteen, Lennon, Ferré, Nougaro ?

Le Nobel de littérature a vendu son âme à la peopolisation du monde. Il a hypostasié un nom sur lequel il y avait forcément consensus et comme notre époque compte cent fois plus de non lecteurs que de lecteurs assidus, toutes les raisons seront bonnes pour justifier ce choix. le Nobel de littérature s'est offert une tête de gondole pour annoncer sans doute la mort du livre.