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La véritable origine de l’automne (51)

Publié le 20 octobre 2016 par Nicolas Esse @nicolasesse

Vue du sol, en contre-plongée, elle est immense et formidable, la première femme du monde. Il voudrait bien voir l’expression de son visage, ses yeux surtout, ses yeux noyés dans l’ombre portée qui coule des bords de l’arcade sourcilière. Elle n’a pas l’air d’avoir peur. Au contraire, elle attend. Alors sans bruit, le serpent remonte le long du tronc, se déploie jusqu’à l’extrémité d’une branche basse qu’il secoue vigoureusement.

Une pomme tombe. (Ou peut-être une figue.)
Adam se met à hurler.
Une pomme tombe. (Ou serait-ce une grappe de raisin ?)
Ève se baisse pour la ramasser.
– Lâche ça ! Lâche ça immédiatement.
– Trop tard, Adam.
– Repose ce fruit, je te dis.
– Non.
– Écoute…
– Non, c’est toi qui vas m’écouter. Tu as le choix entre deux propositions. La première : je jette ce fruit dans le fleuve et…
– Je prends !
– … Je jette le fruit dans le fleuve et tu t’occupes tout seul de ton petit serpent.
– Comment ça, tout seul ?
– Je ne sais pas, moi… Tu lui parles, tu le soignes, tu joues avec en pensant à moi…
– En pensant à toi ?
– Oui, en pensant à moi. Parce que tu n’auras pas l’occasion de me voir souvent dans les jours qui viennent.
– Pourquoi ? Tu vas où ?
– Je pars en voyage.
– Pendant combien de temps ?
– Pendant tout le temps qu’il faudra. L’éternité et au-delà.
– Et moi alors ?
– Toi, tu restes là.
– Et la deuxième proposition ?
– Tu manges ce fruit.
– Pas question.
– Tu manges ce fruit et je m’occupe de ton petit serpent.
– Tu t’en occupes… Comment ?
– De toutes les façons que tu ne peux pas imaginer.
– Tu t’en occupes… Souvent ?
– Je le laisse au repos juste le temps qu’il faut pour qu’il ait envie de se redresser.
– Alors, il sera bien traité, mon petit serpent ?
– Avec tous les honneurs dus à son rang.



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