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Un poème de Franck Venaille

Par Etcetera

escaut_venaille
L’angoisse et la peur, l’appréhension, la contrainte ah !
j’oubliais la vile anxiété : voilà mes cinq sœurs malades.
Pourtant elles sont respectueuses de la vie qui, ainsi,
leur est faite,
entreprenantes et gaies, d’une moralité sans faille :
je l’atteste.
Dès lors, pourquoi ces cinq gros doigts enlaidissent-ils leurs mains fines
dites ! Pourquoi
ces pleurs et ces malaises, cette respiration hachée, ces soubresauts, tout ce
qui les conduit à fuir, se cacher, à se morfondre sur la berge ?
La peur et l’angoisse, l’appréhension, la vile anxiété, la contrainte :
Où ça ? – Pour qui ?
Au nom de quelle doctrine ?
Qu’ont-elles fait les sœurs malades ?
D’où vient-elle la bête aux cinq ongles ?
Ainsi, plus modeste qu’un nain, vais-je sur la rive à la recherche de notre ancienne
grandeur familiale.
Le père est mort.
La mère est mère avant tout.
C’est ce que confirment les rapports de la police fluviale.
Ô peur de vivre, de bouger de parler, de sortir de chez soi
Ô appréhension
Miennes sœurs malades que vous me faites mal !
Je suis celui qui marche, interrogeant jusqu’à la forme du Verbe et chacune des fibres
de la Connaissance. Je suis – j’étais – je fus celui-là.
Désormais mon âme, elle aussi est souffrante et, à mes sœurs alitées, tristement
j’apporte le breuvage mortel qu’elles m’ont demandé.
L’angoisse et la peur, l’appréhension, la contrainte, ah !
j’oubliais la vile anxiété !

***

J’ai trouvé ce poème dans La descente de l’Escaut de Franck Venaille, paru chez Poésie Gallimard.



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