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Architectes-Artistes au XIXe siècle à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris

Publié le 13 novembre 2016 par Les Lettres Françaises

fkdlmpoL’Ecole des Beaux-Arts de Paris possède, on le sait, un fonds d’archives exceptionnel, à l’origine d’expositions de ce fait originales, dont certaines sont présentées au Cabinet des dessins qui jouxte le Palais des Études, au fond de la cour d’accueil de l’École. Le Palais des Études (étude des moulages de plâtre servant de modèles aux étudiants, à l’origine) a été restauré en 2007-2009 et constitue un remarquable ouvrage d’architecture, dû à Félix Duban, avec verrière et structures métalliques apparentes, symbolique de l’architecture du milieu du XIXème siècle. Á cet égard, on  ne peut que regretter l’usage abusif qui en a été fait pour des manifestations assez peu culturelles (défilés, présentation de produits industriels, ceci contribuant à dénaturer et détériorer le bâtiment à peine restauré).

Heureusement, l’idée de présenter quelques-uns des « rendus » des architectes et artistes qui ont été pensionnaires de l’Académie de France à Rome, à cette période, permet d’exhumer des œuvres aujourd’hui souvent inédites, qui sont des exemples assez fascinants des qualités de dessinateurs et de coloristes des dits pensionnaires. L’exposition s’est concentrée sur leurs visions et inspirations du site de Pompéi, qui était par ailleurs, à leur époque, en cours de découverte et de mise à disposition d’abord de certains privilégiés, puis, progressivement, d’artistes et d’un large public. La découverte a été ainsi si nouvelle, si édifiante, que l’on a commencé à parler de « style pompéien », par l’inspiration des motifs, des figures des ornementations, des couleurs qui ressortent de l’univers de Pompéi. Si l’on pénètre dans le Palais des Études, d’inspirations multiples, celle de Pompéi est immédiatement perceptible, à commencer par les couleurs ocre et rouge du lieu. Elle ajoute à sa magie. « Si (les œuvres pompéiennes) furent en grande partie exécutées sur le sol italien, c’est à Paris qu’elles furent admirées, copiées et diffusées, créant un style pompéien prisé par tout le milieu artistique, dont le décors de la cour vitrée du Palais des Études des Beaux-Arts de Paris est sans doute l’un des exemples les plus emblématiques.» (Jean-Marc Bustamante, Directeur des Beaux-Arts de Paris).

Architectes « Prix de Rome » et artistes, peintres de paysages et de vedute et d’histoire, se promènent donc dans les ruines exhumées – après dix-huit-cent ans d’enfouissement – de Pompéi, souvent en promenades collectives, ce qui permettait des influences réciproques, ce qui produisit ces témoignages très précis, très délicats, très qualifiés, des visions impressionnant les visiteurs. Ainsi s’est constituée une « fabrique graphique du XIXème siècle », remarque Emmanuelle Brugerolles, commissaire de l’exposition, dont les plus remarquables représentants sont, à la suite du précurseur François Mazois (qui dessine de 1808 à 1819), des architectes (Destouches, Lesueur, Callet), des graveurs (Coiny), des peintres de paysages (Michallon, Rémond, Barbot)…).

On s’arrêtera inévitablement sur les plus qualifiés, les plus célèbres, de ces pensionnaires qui étaient en même temps des artistes, et en premier lieu sur Félix Duban, qui remporta en 1823 le Grand Prix de Rome. Il se rendit à Pompéi dès 1825, arpentant les lieux avec ses collègues, dessinant, recopiant, peaufinant son travail, à Rome même ou à Paris. On retiendra, entre autres exemples, le Relevé d’une paroi de la maison (dite de) de Joseph II, recopiée avec un soin extrême par le jeune architecte, d’après un dessin d’Abel Blouet. Outre la précision millimétrée du travail, Duban ajoute un coloris dans les tons bordeaux, grenat, azur et vert foncé qui contribue à en faire une pièce d’une parfaite élégance. De retour à Paris, il exécute, en 1832, un dessin synthétique qu’il intitule A Pompéia, composition représentant un intérieur de fantaisie, avec colonnes, paon en majesté et fragment de ciel, un décor superbe qui exprime poésie, sérénité, admiration pour un style qui l’inspirera, jusqu’au pastiche, pour toute son œuvre ultérieure. Ce dessin aquarellé, d’abord destiné à usage intime, puis exhumé et maintenant plusieurs fois représenté, sert avec bonheur d’affiche pour l’exposition.

Autre vedette, Charles Garnier, l’architecte de l’Opéra, qui obtint le Grand Prix de Rome en 1848 et se rendit à Pompéi en 1851, puis plusieurs fois par la suite. Il représente ainsi une paroi du Macellum (marché romain), dans lequel lui aussi montre ses capacités scéniques, en insistant sur le caractère de décors de son travail. D’autres peintures représentent, avec autant de raffinement, des éléments de La maison (dite) du poète tragique et autres décors muraux. Le goût du détail, des ornementations, la sophistication des ensembles, tout révèle l’aisance et l’art de l’architecte du grand monument de l’Empire, « l’Opéra-Garnier ».

Tous les autres participants de cet extrait des collections, présenté dans un espace restreint, participent des mêmes qualités : souci de la précision, du détail, du « relevé » presque exemplaire ; et sens de l’imagination, de la fantaisie, pour évoquer des univers intimes, ou au contraire théâtraux. Ils posent de multiples questions, sur la découverte d’un monde ancien, sur l’inspiration d’un monde nouveau, sur la transmission, sur le patrimoine aussi. Les « collections pompéiennes » des Beaux-Arts ont été le produit d’apports multiples : envois des pensionnaires, fonds d’ateliers des architectes, donnés par les artistes ou plus tard par leurs familles, achats ultérieurs, dons et acquisitions… Ce trésor a ainsi pu être exposé, notamment en 1981 et dans les années suivantes (Chapelle des Petits-Augustins). L’exposition en cours en est le rappel et le prolongement.

Philippe Reliquet


Pompéi à travers le regard des artistes français du XIXème siècle
École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, 
Cabinet  des dessins Jean Bonna, 
5 octobre 2016 – 14 janvier 2017. 
Commissariat Emmanuelle Brugerolles.


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