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L’âme des livres

Par Carmenrob

Carlos Ruiz Zafon est particulièrement connu pour L’ombre du vent, son premier roman pour adulte paru en 2001 dans la langue de Don Quichotte. En 2008, il revisitait l’univers du Cimetière des Livres oubliés avec Le jeu de l’ange, un beau gros bouquin, dodu comme je les aime.

ange
Cette histoire est antérieure à celle de l’Ombre du vent et nous ramène à la période précédant la guerre civile espagnole et la Deuxième Guerre mondiale. On y retrouve la librairie Sempere alors tenue par le grand-père du narrateur de l’Ombre du vent. On y retrouve aussi les livres, omniprésents, des livres aux pouvoirs bien supérieurs à ceux qu’on leur attribue généralement. Ils peuvent sauver des vies ou perdre des âmes. Une véritable religion du livre.

[Le Cimetière des Livres Oubliés] est un mystère. Un sanctuaire. Chaque livre, chaque tome que tu vois a une âme. L’âme de celui qui l’a écrit et l’âme de ceux qui l’ont lu, ont vécu et ont rêvé avec lui. Toutes les fois qu’un livre change de main, toutes les fois que quelqu’un parcourt ses pages, son esprit grandit et devient plus fort. Ici, les livres dont personne ne se souvient, les livres qui se sont perdus dans le temps, vivent pour toujours, en attendant d’arriver dans les mains d’un nouveau lecteur, d’un nouvel esprit…

Le Jeu de l’ange mélange avec succès les mêmes ingrédients que ceux qui ont fait la fortune du précédent opus : roman d’apprentissage, roman policier, roman fantastique, roman des amours impossibles. Barcelone, le Barcelone de l’époque, est une ville glauque, grise, inquiétante. On y déambule pourtant avec bonheur des hauteurs de Montjuïc aux bas fonds de la vieille ville, de la villa de Güel en passant par la Rambla. On y suit David Martin, apprenti journaliste et bientôt écrivain au talent indéniable, qui s’enferre pourtant dans un contrat désavantageux le liant à deux escrocs. Un personnage des plus mystérieux et inquiétant, que David appelle le patron, l’en délivrera pour mieux l’assujettir à son pouvoir. Contre une petite fortune, David s’investira dans l’écriture d’une étrange œuvre religieuse qui semble exercer sur son auteur un pouvoir maléfique. Zafon en profite d’ailleurs pour mettre dos à dos deux conceptions de la religion, celle aux accents obscurantistes, décrite par le patron, basée sur la peur et la menace, et celle atypique et discrète du vieux libraire dont la foi se passait d’église et de pratique religieuse.

[Sempere] croyait, et il me l’a fait croire, que tant qu’il resterait une seule personne dans ce monde capable de lire et de vivre les livres, il subsisterait un petit morceau de Dieu ou de vie.

La quête de David pour s’affranchir du patron sera émaillée de morts violentes pour lesquelles il sera soupçonné. À la fois traqué par l’invisible tueur et par les policiers, David est emporté par les événements qui s’accélèrent et nous tiennent en haleine jusqu’à la fin, une fin qui m’a un peu laissée sur mon appétit. Le jeu de l’ange nous fait passer un très bon moment de lecture en raison de l’efficacité de l’écriture, de l’humour qui colore les dialogues et allège un moment la tension, des rebondissements inattendus qui ravivent notre intérêt et le maintien tout au long du récit.

Carlos Ruiz Zafon, Le jeu de l’ange, Robert Laffont, Pocket, 2008, 667 pages


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