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Collection Gos et Gars : l'initiation à la fiction en Guinee

Par Gangoueus @lareus
A la fin de l'été dernier, j'ai produit une chronique sur un livre publié par les éditions Ganndal de Guinée Conakry. Victimes 2 l'amour. Ce n'est pas souvent que j'ai droit à une réponse aussi détaillée, un point de vue venant du milieu de l'édition. Marie-Paule Huet, directrice littéraire aux Editions Ganndal, nous donne dans sa réaction, l'approche que la collection Gos & Gars initie pour aller chercher de jeunes lecteurs. Cette discussion fait écho à un livechat que j'ai suivi sur Facebook en lien avec le festival Paroles indigo à Grand Bassam... Merci Marie-Paule pour cette réflexion

Collection Gos et Gars : l'initiation à la fiction en Guinee

Ccpyright Kazuend

L'article de départJe partage votre point de vue, nombre d'ado peuvent lire des romans puisés dans la littérature générale pour leur plus grand plaisir ! Le problème, c'est que tous ne le font pas.Pour avoir passé 30 ans de ma vie dans les bibliothèques à essayer de faire lire les ados, je ne suis pas devenue une spécialiste pour autant, mais j'ai vu à quel point ce public était fragile avec des niveaux de maturité extrêmement différents et en constante mutation.

Les collections créées pour les ados ont longtemps été des échecs alors pourquoi arrivée dans l'édition, me suis je lancée dans une telle entreprise ?
Peut être faut-il que je vous parle de la Guinée ou je travaille dans le domaine du livre depuis 2001 (d'abord dans les bibliothèques, lecture, formation, puis dans l'édition). Ici le français est appris  à l'école par 90% des enfants. et la plupart d'entre eux ne le parlent qu'à l'école. La maitrise de cette langue comme langue de communication n'est à peu près totale qu'à la fin de la scolarité. Comme dans la plupart des pays africains, les romans au programme de littérature sont ceux de Camara Laye, Thierno Monenembo, Alioune Fantouré, Amadou Kourouma, Oyono, Dongala, etc... Des grands noms, des grands moments de littérature.
Mais quand j'ai eu l'occasion de voir comment ça se passait à l'école, j'ai découvert, que

Collection Gos et Gars : l'initiation à la fiction en Guinee

copyright Julien Harnels

très peu d'élèves lisaient les livres du programme. Dans le meilleur des cas, 2 ou 3 élèves de la classe lisent un roman, font un résumé et un commentaire du livre et les autres élèves ne connaissent les classiques que par ces résumés. Parallèlement, j'ai prêté des livres à des élèves de mon quartier. J'ai vu leurs difficultés de lecture: pas par manque de curiosité, bien au contraire, mais par manque de pratique de la langue et de la lecture (Ils apprennent à lire à l'école, mais n'ont jamais l'occasion d'utiliser cet outil faute de matière première, de livres).

Mais leur envie de lire était là. C'est là que j'ai pensé à une collection qui leur serait destinée, pas pour les y enfermer, mais pour leur faire découvrir que la lecture n'est pas si difficile, leur donner une habitude de la lecture qui leur permette d'accéder à de la littérature plus complexe. Plus on lit, plus il est facile de lire. Mais faut-il avoir la possibilité de commencer. Cette collection est là pour amorcer la pompe !

Quant aux textes qu'on y publie, si le premier était un roman d'amour, les autres relèvent de la psychologie ou de l'aventure... justement pour ne pas enfermer les jeunes lecteurs dans un style.

Nombre de garçons ont eu la même réaction que vous en voyant Victimes 2 l'amour "du roman à l'eau de rose" et ajoutant avec une moue de dégoût "c'est bon pour les filles" ...Mais, ils ne se sont pas arrêtés à cette réaction: il se trouve que l'an dernier pour tester cette collection, nous avons organisé un jeu autour des livres qui incluaient les 2 titres de la collection G&G. Si la première réaction des garçons a été un peu méprisante comme je l'ai dit plus haut, finalement, ils ont tous aimé le livre ! Pourquoi? parce que cette histoire n'est pas si banale finalement: d'abord elle est racontée du point de vue du garçon ce qui n'est pas si fréquent dans les romans sentimentaux, ensuite ce garçon n'a pas spécialement le beau rôle, ça se termine sur un échec (pour lui) et sur un questionnement que tous les élèves ont relevé au sujet de l'amour et de l'amitié. Enfin, il faut croire que le contenu n'est pas si mièvre pour que des adultes aient pu, eux aussi, se retrouver dans cette histoire. Nous avons rencontré plusieurs classes autour de ce roman, de milieux très différents, et les débats ont toujours été intéressants, peut être justement parce que ce livre aborde un sujet qui est terriblement tabou dans la société guinéenne et que les jeunes sont avides d'informations. N'est ce pas le rôle de la littérature de mettre des mots sur les choses, les émotions, les sentiments? Et pour les ados, il est parfois plus facile d'aborder leur problème à travers l'histoire de quelqu'un d'autre. Du moins est ce ce que j'ai compris à travers les questions qu'ils posaient.

j'aspire pour ma part à proposer des romans plus costauds d'un point de vue littéraire (c'est la même maison d'édition qui a repéré Hakim Bah !) et j'espère que Gos&Gars n'est qu'une étape de lecture. Mais si je réussis à faire découvrir aux ados que la lecture n'est pas si difficile et qu'ils passent à une littérature plus complexe, alors j'aurai gagné mon pari.
Voilà, je ne voulais pas apporter la contradiction à votre article (dont je partage les principes), mais apporter quelque éclairage sur le pourquoi de cette collection pour ado. C'est moins une démarche commerciale qu'une démarche pédagogique. Et si vous avez l'occasion de venir à Conakry quand elle sera capitale mondiale du livre, j'aurai vraiment plaisir à poursuivre le dialogue avec vous, à vous faire rencontrer des élèves et à vous montrer à quel point il est compliqué de faire avancer la cause du livre ici! mais avec toutes les bonnes volontés, nous y arriverons !
Très cordialement,

Marie Paule

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