Magazine Culture

Que ceux qui ne peuvent pas mourir lèvent la main – #2

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Bonne lecture à vous !

chapitre-2

Devant sa demeure de la rue des Marmousets-en-la-Cité, Gabriel marqua un arrêt le temps d’être rejoint par une Rose à bout de souffle dont les traits disparaissaient derrière un nuage de buée. Au premier étage de la maison, qui en comportait trois, les fenêtres du petit salon étaient faiblement éclairées. Gabriel resta un long moment à observer la lueur dansante qui se reflétait sur les vitres. À ses côtés, Rose, qui tentait de dompter sa respiration, était de plus en plus intriguée par l’attitude étrange de son protecteur. L’inquiétude n’était pas un trait de caractère habituel chez cet homme trop souvent désinvolte. De plus, elle l’avait vu affronter bien pire qu’un prêtre. À moins qu’il ne s’agisse encore d’une de ces créatures diaboliques travesties en humain que son maître traquait. Un sourire sarcastique lui échappa. Si cela était le cas, on pouvait dire que la chose qui attendait à l’étage avait un curieux sens de l’humour et d’autodérision !

Gabriel se décida à entrer dans le vestibule. L’entrée aux tentures murales sombres ne comportait rien d’autre qu’un escalier qui menait aux premières pièces de l’habitation et une collection de cannes, ornées de pommeaux différents, que Rose savait être bien plus que de simples ornements de gentilhomme. En passant devant le présentoir dans lequel elles étaient fichées, Rose fut surprise de voir leur propriétaire se débarrasser de celle qu’il tenait à la main.

— Vous montez sans arme ? s’étonna-t-elle en lui emboitant le pas dans l’étroit escalier qui craquait sous chacun de leur pas.

— Monte te coucher.

— Mais je croyais que cet homme…

Gabriel fit brusquement volte-face au milieu de l’escalier, surplombant ainsi la jeune fille de toute sa taille. Si en temps normal, il la dépassait d’une tête, Rose dut d’autant plus se tordre le cou pour observer le visage fermé, à peine éclairé par l’éclairage moribond de l’unique lampe du vestibule.

— Fais ce que je te dis pour une fois ! souffla-t-il entre ses dents.

D’un geste autoritaire, il lui désigna les étages supérieurs et en particulier le dernier où se trouvaient les chambres des domestiques. Ou plutôt de la gouvernante. La taille de la maison ne justifiait pas un étalage de gens de maison ; Gabriel ayant renoncé dès les premiers jours suivant l’arrivée de Rose à la considérer comme tel. Il s’écarta pour laisser passer l’adolescente qui manifesta son mécontentement par quelques grommèlements incompréhensibles et un port de tête exagérément altier. Gabriel attendit qu’elle eût disparu de son champ de vision pour poursuivre son ascension jusqu’au couloir desservant les pièces principales.

Le salon dans lequel il accueillait ses hôtes se trouvait à son extrémité et donnait sur la rue qui s’étranglait à ce niveau en un étroit goulot pavé. En entendant les pas dans le couloir, Madeleine, la gouvernante qui tenait de main de maître la maison, sortit de la cuisine. La vieille femme, à laquelle Gabriel n’était jamais parvenu à donner un âge précis, l’accueillit avec un froncement de nez éloquent et enchaîna sans préambule :

— J’apprécierais que les visiteurs de Monsieur daignent respecter des heures de visites convenables !

Elle croisa les bras sur son opulente poitrine et le jaugea de pied en cap.

— Je suggérerais également à Monsieur de faire au moins semblant de ne pas sortir du bordel. Je crains que cela ne fasse mauvais genre pour accueillir un prêtre.

Gabriel se retourna pour contempler l’objet du reproche dans le miroir en pied qui ornait le mur du palier.  Effectivement, son allure était en tout point contestable. Avec des gestes précipités, il repeigna ses cheveux noirs en bataille, lissa de son pouce et de son index sa moustache coupée courte et contourna sa bouche fine pour redessiner les contours de son bouc. Rien à faire en revanche pour ses lèvres pincées de contrariété ni pour ses sourcils froncés malgré lui.

— Vous pouvez disposer Madeleine. Je ne veux pas être dérangé, conclut-il en rajustant son foulard de soie défait dans le col de sa redingote.

La gouvernante ne se fit pas prier. Il était plus d’une heure du matin et, malgré les nuits mouvementées que passait le maître des lieux, à six heures tapantes, il fallait être de nouveau sur le pont. Madeleine soupira en grimpant péniblement les escaliers. Elle avait passé l’âge de ce genre de turpitudes. Elle n’était au service de Gabriel Voltz que depuis son arrivée à Paris, trois mois plus tôt, et elle en était déjà épuisée. Le rythme et les habitudes de vie de ce jeune homme la dépassaient. À l’étage des serviteurs, la vieille femme tendit l’oreille contre la porte de la « teigne » comme elle l’avait surnommée. Une autre bizarrerie de son employeur.

À peine installé dans la capitale, Monsieur Voltz avait disparu pendant des semaines en lui laissant comme seule consigne de ne dire à personne où il se trouvait. La belle affaire ! Étant donné qu’il venait d’emménager et qu’elle ne savait pas où il avait bien pu partir en pleine nuit, elle voyait très mal comment elle aurait pu vendre la mèche ! Il était réapparu cinq semaines plus tard, affublé de cette exaspérante gamine qui lui donnait plus de travail qu’une garnison de soudards à mettre au pas. « Elle est orpheline et n’a nulle part où aller » fut la seule explication qu’il daigna lui fournir comme si c’était une raison suffisante pour accueillir tous les traine-savates qu’il allait croiser. Il y avait quelque chose de louche là-dessous. Madeleine en était persuadée. Au début, en voyant la vie dissolue de Monsieur Voltz, elle avait cru à quelque maîtresse hébergée sous couvert d’un emploi de domestique. Elle tira rapidement un trait sur son hypothèse. La jeunesse de la jeune fille était moins choquante que son manque d’éducation. Gabriel Voltz était certes un jeune libertin affirmé, mais, lui, savait se tenir en société. Pas comme cette peste arrogante à la langue bien pendue !

Aucun bruit ne filtrait derrière la porte de la chambre de la gamine. Madeleine, fourbue de fatigue, se dirigea sans plus attendre vers sa chambre en espérant que leur visiteur nocturne ne fasse pas un boucan de tous les diables en partant.

o.O.o

Gabriel, en revanche, aurait volontiers offert au prêtre une sortie fracassante : directement du premier étage sur le sol pavé de la ruelle. Confortablement installé dans son fauteuil favori près de l’âtre, Barnabas Varga, dans sa robe noire, avait pris ses aises et dégustait en connaisseur l’une des meilleures liqueurs que son hôte gardait précieusement dans son bureau de l’autre côté du couloir. Étant donné que Madeleine n’aurait jamais pris la liberté de la lui servir et encore moins de le faire entrer dans son espace privé, le prêtre l’avait prise de lui-même. Tendu comme un arc, Gabriel avança sans un mot et prit place dans le fauteuil nettement moins confortable face à son interlocuteur. L’homme d’une cinquantaine d’années, fasciné par le liquide translucide qu’il faisait tourner dans son verre, ne lui avait pas encore adressé la parole. Les flammes de l’âtre qui projetaient des lueurs dansantes sur son visage osseux ne parvenaient pas à égayer cette face austère, pâle comme un linge. Le regard cerné de l’ecclésiastique semblait fuir celui de Gabriel. En réalité, ce dernier savait que ce n’était qu’une marque de mépris de plus– amplement réciproque-  que lui vouait son visiteur.

— Cela fait longtemps que nous n’avons pas de nouvelles de toi, Gabriel, rompit-il le silence. Monseigneur Parietti exige un compte rendu régulier de tes activités. L’aurais-tu oublié, Gabriel ?

Sa manière d’insister sur son prénom avec dédain crispa encore davantage le jeune homme.

— Comment s’est déroulée ta dernière intervention ? À Saint-Malo, il me semble ?

— Un simple vampire. Rien de très remarquable. Je l’ai retrouvé dans une auberge à quelques lieues de la ville.

— J’ai entendu dire qu’il y avait eu trois victimes : l’aubergiste, sa femme et leur fille adolescente : c’est bien cela ?

Gabriel s’était imperceptiblement redressé et croisa ses longues jambes pour se donner une contenance. Il n’était pas sans savoir que la Confrérie avait des yeux et des oreilles partout, mais dans ce cas il s’en serait bien passé. Rose était censée être morte dans l’incendie de l’auberge familiale et non pas accueillir l’ecclésiastique en pleine nuit dans la maison de celui qui aurait dû la tuer. Gabriel espérait seulement que la jeune fille ait été pour une fois discrète et ne l’avait pas ouvert à tort et à travers en présence du prêtre. Bien que sa gêne soit imperceptible, elle n’échappa pas à l’œil affuté de l’ecclésiastique.

— Je suis arrivé trop tard. Les détails sont consignés dans le registre si vous voulez le consulter.

Varga fit un geste désinvolte de la main.

— Plus tard. Je suis venu te remettre les documents relatifs à une nouvelle affaire. Tu trouveras les informations sur ton bureau. Tâche de les brûler dès que tu en auras pris connaissance. Trois meurtres près de Morlaix. Je te laisse lire les détails. Si tu as des questions, je loge chez Monseigneur Destouches pendant encore trois jours.

À son grand soulagement, le prêtre se leva et posa son verre à peine entamé sur un guéridon à ses côtés. La visite n’allait pas s’éterniser. Dans un bruit de froissement de tissu, l’homme, maigre et haut d’une toise, se dirigeait vers la porte quand il marqua un temps d’arrêt.

— Qui est cette jeune fille que tu as prise sous ton aile ? s’enquit-il en faisant volte-face.

Gabriel tressaillit.

— Une simple domestique.

— Elle n’est au courant de rien, n’est-ce pas ? Tu connais la règle.

Ça, pour la connaître, il la connaissait ! Afin de cacher son trouble, il se pencha pour se saisir du verre de liqueur abandonné et l’engloutit d’un trait avec désinvolture.

— Une simple domestique, un peu idiote. Je me vois mal lui confier un quelconque secret, assura-t-il dans un haussement d’épaules.

— Bien… Cela m’ennuierait de devoir faire une fois de plus le ménage derrière toi.

Gabriel se crispa. Il préférait encore affronter une armée de suceurs de sang que d’imaginer Rose entre les mains de la Sainte-Vehme.

© Tous droits réservés

Bonne lecture à vous !

chapitre-2

Devant sa demeure de la rue des Marmousets-en-la-Cité, Gabriel marqua un arrêt le temps d’être rejoint par une Rose à bout de souffle dont les traits disparaissaient derrière un nuage de buée. Au premier étage de la maison, qui en comportait trois, les fenêtres du petit salon étaient faiblement éclairées. Gabriel resta un long moment à observer la lueur dansante qui se reflétait sur les vitres. À ses côtés, Rose, qui tentait de dompter sa respiration, était de plus en plus intriguée par l’attitude étrange de son protecteur. L’inquiétude n’était pas un trait de caractère habituel chez cet homme trop souvent désinvolte. De plus, elle l’avait vu affronter bien pire qu’un prêtre. À moins qu’il ne s’agisse encore d’une de ces créatures diaboliques travesties en humain que son maître traquait. Un sourire sarcastique lui échappa. Si cela était le cas, on pouvait dire que la chose qui attendait à l’étage avait un curieux sens de l’humour et d’autodérision !

Gabriel se décida à entrer dans le vestibule. L’entrée aux tentures murales sombres ne comportait rien d’autre qu’un escalier qui menait aux premières pièces de l’habitation et une collection de cannes, ornées de pommeaux différents, que Rose savait être bien plus que de simples ornements de gentilhomme. En passant devant le présentoir dans lequel elles étaient fichées, Rose fut surprise de voir leur propriétaire se débarrasser de celle qu’il tenait à la main.

— Vous montez sans arme ? s’étonna-t-elle en lui emboitant le pas dans l’étroit escalier qui craquait sous chacun de leur pas.

— Monte te coucher.

— Mais je croyais que cet homme…

Gabriel fit brusquement volte-face au milieu de l’escalier, surplombant ainsi la jeune fille de toute sa taille. Si en temps normal, il la dépassait d’une tête, Rose dut d’autant plus se tordre le cou pour observer le visage fermé, à peine éclairé par l’éclairage moribond de l’unique lampe du vestibule.

— Fais ce que je te dis pour une fois ! souffla-t-il entre ses dents.

D’un geste autoritaire, il lui désigna les étages supérieurs et en particulier le dernier où se trouvaient les chambres des domestiques. Ou plutôt de la gouvernante. La taille de la maison ne justifiait pas un étalage de gens de maison ; Gabriel ayant renoncé dès les premiers jours suivant l’arrivée de Rose à la considérer comme tel. Il s’écarta pour laisser passer l’adolescente qui manifesta son mécontentement par quelques grommèlements incompréhensibles et un port de tête exagérément altier. Gabriel attendit qu’elle eût disparu de son champ de vision pour poursuivre son ascension jusqu’au couloir desservant les pièces principales.

Le salon dans lequel il accueillait ses hôtes se trouvait à son extrémité et donnait sur la rue qui s’étranglait à ce niveau en un étroit goulot pavé. En entendant les pas dans le couloir, Madeleine, la gouvernante qui tenait de main de maître la maison, sortit de la cuisine. La vieille femme, à laquelle Gabriel n’était jamais parvenu à donner un âge précis, l’accueillit avec un froncement de nez éloquent et enchaîna sans préambule :

— J’apprécierais que les visiteurs de Monsieur daignent respecter des heures de visites convenables !

Elle croisa les bras sur son opulente poitrine et le jaugea de pied en cap.

— Je suggérerais également à Monsieur de faire au moins semblant de ne pas sortir du bordel. Je crains que cela ne fasse mauvais genre pour accueillir un prêtre.

Gabriel se retourna pour contempler l’objet du reproche dans le miroir en pied qui ornait le mur du palier.  Effectivement, son allure était en tout point contestable. Avec des gestes précipités, il repeigna ses cheveux noirs en bataille, lissa de son pouce et de son index sa moustache coupée courte et contourna sa bouche fine pour redessiner les contours de son bouc. Rien à faire en revanche pour ses lèvres pincées de contrariété ni pour ses sourcils froncés malgré lui.

— Vous pouvez disposer Madeleine. Je ne veux pas être dérangé, conclut-il en rajustant son foulard de soie défait dans le col de sa redingote.

La gouvernante ne se fit pas prier. Il était plus d’une heure du matin et, malgré les nuits mouvementées que passait le maître des lieux, à six heures tapantes, il fallait être de nouveau sur le pont. Madeleine soupira en grimpant péniblement les escaliers. Elle avait passé l’âge de ce genre de turpitudes. Elle n’était au service de Gabriel Voltz que depuis son arrivée à Paris, trois mois plus tôt, et elle en était déjà épuisée. Le rythme et les habitudes de vie de ce jeune homme la dépassaient. À l’étage des serviteurs, la vieille femme tendit l’oreille contre la porte de la « teigne » comme elle l’avait surnommée. Une autre bizarrerie de son employeur.

À peine installé dans la capitale, Monsieur Voltz avait disparu pendant des semaines en lui laissant comme seule consigne de ne dire à personne où il se trouvait. La belle affaire ! Étant donné qu’il venait d’emménager et qu’elle ne savait pas où il avait bien pu partir en pleine nuit, elle voyait très mal comment elle aurait pu vendre la mèche ! Il était réapparu cinq semaines plus tard, affublé de cette exaspérante gamine qui lui donnait plus de travail qu’une garnison de soudards à mettre au pas. « Elle est orpheline et n’a nulle part où aller » fut la seule explication qu’il daigna lui fournir comme si c’était une raison suffisante pour accueillir tous les traine-savates qu’il allait croiser. Il y avait quelque chose de louche là-dessous. Madeleine en était persuadée. Au début, en voyant la vie dissolue de Monsieur Voltz, elle avait cru à quelque maîtresse hébergée sous couvert d’un emploi de domestique. Elle tira rapidement un trait sur son hypothèse. La jeunesse de la jeune fille était moins choquante que son manque d’éducation. Gabriel Voltz était certes un jeune libertin affirmé, mais, lui, savait se tenir en société. Pas comme cette peste arrogante à la langue bien pendue !

Aucun bruit ne filtrait derrière la porte de la chambre de la gamine. Madeleine, fourbue de fatigue, se dirigea sans plus attendre vers sa chambre en espérant que leur visiteur nocturne ne fasse pas un boucan de tous les diables en partant.

o.O.o

Gabriel, en revanche, aurait volontiers offert au prêtre une sortie fracassante : directement du premier étage sur le sol pavé de la ruelle. Confortablement installé dans son fauteuil favori près de l’âtre, Barnabas Varga, dans sa robe noire, avait pris ses aises et dégustait en connaisseur l’une des meilleures liqueurs que son hôte gardait précieusement dans son bureau de l’autre côté du couloir. Étant donné que Madeleine n’aurait jamais pris la liberté de la lui servir et encore moins de le faire entrer dans son espace privé, le prêtre l’avait prise de lui-même. Tendu comme un arc, Gabriel avança sans un mot et prit place dans le fauteuil nettement moins confortable face à son interlocuteur. L’homme d’une cinquantaine d’années, fasciné par le liquide translucide qu’il faisait tourner dans son verre, ne lui avait pas encore adressé la parole. Les flammes de l’âtre qui projetaient des lueurs dansantes sur son visage osseux ne parvenaient pas à égayer cette face austère, pâle comme un linge. Le regard cerné de l’ecclésiastique semblait fuir celui de Gabriel. En réalité, ce dernier savait que ce n’était qu’une marque de mépris de plus– amplement réciproque-  que lui vouait son visiteur.

— Cela fait longtemps que nous n’avons pas de nouvelles de toi, Gabriel, rompit-il le silence. Monseigneur Parietti exige un compte rendu régulier de tes activités. L’aurais-tu oublié, Gabriel ?

Sa manière d’insister sur son prénom avec dédain crispa encore davantage le jeune homme.

— Comment s’est déroulée ta dernière intervention ? À Saint-Malo, il me semble ?

— Un simple vampire. Rien de très remarquable. Je l’ai retrouvé dans une auberge à quelques lieues de la ville.

— J’ai entendu dire qu’il y avait eu trois victimes : l’aubergiste, sa femme et leur fille adolescente : c’est bien cela ?

Gabriel s’était imperceptiblement redressé et croisa ses longues jambes pour se donner une contenance. Il n’était pas sans savoir que la Confrérie avait des yeux et des oreilles partout, mais dans ce cas il s’en serait bien passé. Rose était censée être morte dans l’incendie de l’auberge familiale et non pas accueillir l’ecclésiastique en pleine nuit dans la maison de celui qui aurait dû la tuer. Gabriel espérait seulement que la jeune fille ait été pour une fois discrète et ne l’avait pas ouvert à tort et à travers en présence du prêtre. Bien que sa gêne soit imperceptible, elle n’échappa pas à l’œil affuté de l’ecclésiastique.

— Je suis arrivé trop tard. Les détails sont consignés dans le registre si vous voulez le consulter.

Varga fit un geste désinvolte de la main.

— Plus tard. Je suis venu te remettre les documents relatifs à une nouvelle affaire. Tu trouveras les informations sur ton bureau. Tâche de les brûler dès que tu en auras pris connaissance. Trois meurtres près de Morlaix. Je te laisse lire les détails. Si tu as des questions, je loge chez Monseigneur Destouches pendant encore trois jours.

À son grand soulagement, le prêtre se leva et posa son verre à peine entamé sur un guéridon à ses côtés. La visite n’allait pas s’éterniser. Dans un bruit de froissement de tissu, l’homme, maigre et haut d’une toise, se dirigeait vers la porte quand il marqua un temps d’arrêt.

— Qui est cette jeune fille que tu as prise sous ton aile ? s’enquit-il en faisant volte-face.

Gabriel tressaillit.

— Une simple domestique.

— Elle n’est au courant de rien, n’est-ce pas ? Tu connais la règle.

Ça, pour la connaître, il la connaissait ! Afin de cacher son trouble, il se pencha pour se saisir du verre de liqueur abandonné et l’engloutit d’un trait avec désinvolture.

— Une simple domestique, un peu idiote. Je me vois mal lui confier un quelconque secret, assura-t-il dans un haussement d’épaules.

— Bien… Cela m’ennuierait de devoir faire une fois de plus le ménage derrière toi.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Artemissia Gold 67457 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines