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Toronto 2016 : Michelle Williams, tragédienne sur le rivage

Publié le 16 septembre 2016 par Stenograf
Michelle Williams dans « Manchester by the Sea », de Kenneth Lonergan © UNIVERSAL FOCUS PICTURES

Michelle Williams dans « Manchester by the Sea », de Kenneth Lonergan © UNIVERSAL FOCUS PICTURES

Pour obtenir une interview, il faut la demander avant d’avoir vu le film. Je n’avais pas vu Manchester by the Sea, de Kenneth Lonergan, quand j’ai pris rendez-vous avec Michelle Williams, avant le Festival de Toronto où le film a été présenté, après l’avoir été à Sundance. Je ne savais pas qu’elle n’a qu’une demi-douzaine de scènes dans ce long film, déchirant et majestueux, qui tourne autour de la figure de Lee Chandler, un homme frappé par un deuil irréparable, dont on découvre la vie grâce à une marqueterie de flash-back. Elle en incarne l’épouse, Randi et Casey Affleck joue Lee. C’est probablement lui qui sera nommé à l’Oscar.

Je ne regrette pas ce choix à l’aveugle : aussi sporadiques que soient les apparitions de Michelle Williams dans Manchester by the Sea, elles sont un élément essentiel de la force du film. Elle répond bien sûr, comme tous les comédiens placés dans la position du second rôle qu’« il n’y a pas de petits rôles, seulement de petits acteurs ». Au delà la formule convenue, elle poursuit : « J‘y mets autant d’énergie, de persévérance que dans les premiers rôles ». Avant le tournage, l’actrice, qui vit à New York, a pris à plusieurs reprises sa voiture pour aller jusqu’à Manchester, port de pêche voisin de Boston. Elle a regardé les passants dans la rue, les mères qui allaient chercher leurs enfants à l’école. « Je me pénétrais des détails, je comptais les piercings à leurs oreilles, je calculais la hauteur du talon de leurs bottes. » Le résultat est une composition extraordinairement nuancée de survivante, de femme qui a dû reconstruire une vie dévastée « d’une bravoure peu commune, qui s’est forcée à choisir de vivre ».

Michelle Williams détaille si précisément ce processus – la décision de s’habiller chaque matin plutôt que de rester en pyjama, le choix très conscient de vêtements qui protègent de l’extérieur – qu’on lui demande si elle écrit elle-même. Elle s’en défend vigoureusement. Son métier, c’est jouer. Si on l’a peu vue au cinéma ces dernières années, c’est qu’elle ne veut pas s’éloigner de New York où sa fille, qui a huit ans, fréquente la même école depuis des années. « Je me suis mise au théâtre, ce qui suppose un savoir-faire qui est presque mutuellement exclusif de ce qu’on apprend à faire au cinéma », explique-t-elle. En 2015, elle a été Sally Bowles pendant un an sur Broadway dans une reprise de la mise en scène de Cabaret par Bob Fosse, puis elle a tenu l’affiche avec Jeff Daniels dans Blackbird, pièce de l’Ecossais David Harrower qui met en scène l’affrontement entre une victime et l’homme qui a abusé d’elle alors qu’elle avait treize ans. Je lui demande si elle a revu le film de Bob Fosse avec Liza Minnelli avant de prendre le rôle de Sally Bowles, elle élude la question sur sa consœur et se met à citer longuement Goodbye to Berlin, le texte de Christopher Isherwood dont est inspiré le film.

Sa science nouvelle du théâtre lui a été utile pour servir les intentions du scénario de Kenneth Lonergan, lui-même dramaturge : « Il est rare que chaque mot compte dans un scénario. Si on oublie un paragraphe sur scène, c’est la catastrophe. Sur un plateau, ça peut passer. Pas dans ce film. » Dans les longs duos qui l’unissent à – ou la séparent de –son époux, elle parvient – tout comme Casey Affleck – à donner à ce magnifique texte cinématographique l’ampleur d’une tragédie.


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