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“Surfer amputée d’un bras est plus facile que lutter contre les préjugés”

Publié le 30 août 2016 par Jfa

La surfeuse Bethany Hamilton a refusé que son nom figure sur la liste des nominées pour le prix de la meilleure athlète avec un handicap de l’édition 2016 des ESPY Awards, alors qu’elle n’a jamais concouru dans cette catégorie, même après avoir perdu un bras dans l’attaque d’un requin. « Je ne me sens pas handicapée », confie-t-elle au Guardian.

Bethany Hamilton dans un tube à Cloudbreak (Fidji) © Ed Sloane

Bethany Hamilton dans un tube à Cloudbreak (Fidji) © WSL/Ed Sloane

Bethany Hamilton et sa meilleure amie Alana Blanchard, quelques semaines avant l'attaque de requin.

Bethany Hamilton et sa meilleure amie Alana Blanchard, quelques semaines avant l’attaque d’un requin-tigre alors que les deux meilleures amies surfaient à Hawaï. © NoahHamiltonPhoto.com

2003, Hawaï. Bethany, 13 ans, est une surfeuse promise à un bel avenir sportif. Un jour comme tant d’autres, elle va surfer en compagnie de sa meilleure amie Alana Blanchard, du père et du frère de cette dernière sur un spot de son Hawaï natal. « Mon bras [gauche] traînait dans l’eau », raconte-t-elle dans le documentaire de 2007 relatant l’attaque, Heart of a Soul Surfer.

Un requin-tigre de plus de 4 mètres de long

« Je tenais le nose de ma planche avec ma main droite. J’ai senti une forte tension. C’est arrivé si vite que je n’ai pas eu le temps de réfléchir. J’ai regardé vers le bas et j’ai vu que mon bras n’était plus là. Un requin venait de me l’arracher. » Le requin-tigre, de plus de 4 mètres de long, s’éloigne, emportant le bras gauche et un large morceau de la planche de la jeune fille. Elle se vide de 60 % de son sang et échappe de peu à la mort.

© NoahHamilton

L’empreinte de la mâchoire du requin qui a attaqué Bethany Hamilton donne une idée de la taille imposante de l’animal. © NoahHamiltonPhoto.com

Déterminée à ne pas laisser cette attaque l’éloigner du surf, Bethany retourne à l’eau vingt-six jours après l’accident. « Vaincre mes peurs était un challenge, déclarait-elle dans une interview en 2011. J’étais jeune et ma vie venait tout juste d’être bouleversée. Je n’étais pas certaine d’être en mesure de surfer avec un seul bras. » Sa première session se déroule sur un longboard. « J’ai eu du mal à me redresser sur les deux premières vagues. C’était vraiment difficile. Ça m’a fait peur, je me suis dit que je ne serais peut-être pas capable de le faire. A la troisième tentative, j’ai réussi à me lever et à suivre la vague. Ce n’était même pas une vague de bonne qualité, mais j’en ai pleuré de joie. »

Première session de surf vingt-six jours après que Bethany perdu son bras, emporté par un requin. © NoahHamiltonPhoto.com

Première session de surf vingt-six jours après que Bethany a perdu son bras. © NoahHamiltonPhoto.com

Pour s’adonner à sa passion, il lui aura quand même fallu s’adapter. La prothèse n’était pas une option envisageable. Alors, pour l’aider à passer sous les vagues, une poignée est fixée à l’avant de sa planche. Et, pour compenser le manque de puissance à la rame, elle doit non seulement battre énergiquement des pieds afin de générer suffisamment de vitesse, mais aussi veiller à se placer idéalement et prendre les vagues plus tard que les autres.

Retour à la compétition

Ça ne l’empêche pas de reprendre, dès 2004, les compétitions dans la même catégorie qu’avant la perte de son bras. En 2005, elle remporte les championnats de surf pour la jeunesse aux Etats-Unis. Les années passent sans qu’elle abandonne la compétition, mais ses résultats sont moyens. En 2014, elle monte sur la plus haute marche du podium du Pipeline Women’s Pro à Hawaï, une victoire qu’elle attribue à son mari, qu’elle a épousé l’année précédente.

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Bethany Hamilton remporte le Surf n Sea Pipeline Pro en 2014. © Betty Depolito

En janvier 2016, elle est nommée pour le titre de la meilleure performance féminine des WSL Big Wave Awards (compétition de grosses vagues), six mois après avoir donné naissance à son fils, Tobias. On l’a vue aux Fidji en juillet 2016, en tant que wild-card de la 5e étape du championnat du monde de surf féminin, se débarrasser avec brio de Stephanie Gilmore, sextuple championne du monde, après avoir disposé de l’actuelle numéro 1 mondiale Tyler Wright. Le tout sur la gauche de Cloudbreak, qu’on peut difficilement qualifier de pataugeoire. Et une fois sur la vague, rien ne permet de la distinguer des autres compétitrices.

© WSL/Kelly Cestari

Bethany Hamilton remporte son quart de finale sur la vague de Cloudbreak, aux îles Fidji. Elle chutera en demies face à la Française Johanne Defay © WSL/Kelly Cestari

Alors, lorsqu’elle constate qu’ESPY l’a nommée pour le titre de meilleure athlète féminine avec un handicap, elle ne comprend pas cette décision. « Pour moi, ce serait revenir à la case départ. Je ne me sens pas handicapée, affirme-t-elle au Guardian. Je pense que ce terme est dégradant pour les athlètes. J’encourage ESPY à modifier l’intitulé de la catégorie pour mieux correspondre aux athlètes qui ont simplement dû s’adapter à des situations exceptionnelles. »

Pour Bethany, surfer avec un seul bras est sans importance

Son père le confiait déjà dans le documentaire Heart of a Soul Surfer qui relate sa vie : « Elle n’utilise jamais le mot ‘handicap’, je ne sais même pas si elle emploie le terme ‘invalidité’. » Ce qu’en pense la principale intéressée ? Pour elle, le fait de surfer avec un seul bras est sans importance, rapporte le Guardian : « Je ne me dis pas ‘Ouah, j’ai fait du bon boulot avec un seul bras’, mais ‘Ouah, j’ai fait du bon boulot sur cette vague’. »

Prise de vue pendant le tournage du documentaire Surf Like A Girl, dont la sortie est prévue en 2017. © Elliot Leboe

Prise de vue pendant le tournage du documentaire Surfs Like a Girl, dont la sortie est prévue en 2017. © Elliot Leboe

Et c’est bien ce qu’elle souhaite faire valoir. « Je suis connue surtout parce que j’ai survécu à mon accident. C’est comme si le fait d’avoir été attaquée par un requin prenait plus d’importance que mon surf. Beaucoup de mes fans ne savent pas que je continue de surfer à ce niveau », déplore-t-elle dans son interview au Guardian. Alors, plutôt que de tenter de se qualifier pour le championnat du monde de surf 2017, Bethany Hamilton a décidé de s’investir dans un projet de film qui sortira en 2017, Surfs Like a Girl, un documentaire consacré à son surf, un point c’est tout. Pour devenir auprès du grand public plus que « celle qui a survécu à une attaque de requin ». Et entendre un peu plus souvent, comme elle le déclare au Guardian : « Ouah ! Elle déchire ! Je voudrais lui ressembler ! » plutôt que ‘Ouah, elle surfe avec un seul bras !’ »


Pour voir plus de photos de Bethany Hamilton : http://noahhamilton.photoshelter.com/


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