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Abdeslam va-t-il être livré à la France ?

Publié le 19 mars 2016 par Framcisco

Après l'arrestation rocambolesque, en Belgique, de celui qui semble le dernier survivant du commando du 13 novembre 2015, la question se pose de savoir si Salah Abdeslam va être remis aux autorités françaises. Pour François Hollande, cela semble ne faire aucun doute : " Le procureur de Paris va demander l'extradition ", a-t-il dit. Euh !...

Depuis maintenant une douzaine d'années, il existe un truc qui s'appelle le mandat d'arrêt européen (MAE), qui a remplacé les procédures d'extradition entre les États membres de l'Union européenne. C'est d'ailleurs la seule réponse importante qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001.

Abdeslam va-t-il être livré à la France ?
Quelles différences entre l'extradition et l'exécution d'un MAE ? Il y en a une, de taille, qui concerne la séparation des pouvoirs. En France, la décision d'extrader un étranger se prend au sein du gouvernement. C'est une décision politique. Or, depuis le 1 er janvier 2004, date de la prise d'effet du MAE, on a passé la main au pouvoir judiciaire. Le MAE est donc délivré par un magistrat, le plus souvent par un juge d'instruction. Il n'a pas besoin d'être notifié à un État pour être applicable. Ainsi, un signalement spécifique dans le système d'information Schengen (SIS), dans la mesure où il comprend les informations suffisantes (identité, faits reprochés, peines encourues...), vaut MAE provisoire. En ce qui concerne Salah Abdeslam, on peut espérer que c'est le cas et que les recherches ne sont pas limitées à l'appel à témoins lancé par la police nationale et au simple mandat de recherche dont il est fait mention... A défaut, Abdeslam a été arrêté dans le cadre d'une procédure judiciaire belge qui justifie sa garde à vue et sa détention. Et ce n'est qu'ensuite que le mandat d'arrêt lui sera notifié. D'une certaine manière, la justice française perdrait la main sur l'individu.

Mais que va-t-il se passer maintenant ?

En France, ce sont les chambres d'instruction qui sont compétentes pour statuer sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, sous le contrôle de la chambre criminelle de la Cour de cassation. La personne suspectée est évidemment assistée d'un avocat. Il existe deux cas de figure.

Si le suspect accepte d'être remis à l'État demandeur, les magistrats se contentent de vérifier que les conditions légales sont remplies. Puis ils rendent un arrêt dans lequel ils donnent acte à l'intéressé de son accord. Son départ est alors une question de jours. Celui-ci doit également préciser s'il renonce ou non à la " règle de la spécialité ". Cette règle énonce, qu'en principe, il ne peut y avoir de poursuites ou de condamnations pour un fait antérieur et différent de celui qui justifie le mandat ( Queyrol avocats).

En revanche, si le suspect refuse son transfert, ce qui semble le cas d'Abdeslam, la Chambre va alors statuer sur la mise en exécution du mandat. Auquel cas, il n'est tenu aucun compte de son refus - sauf si celui-ci est motivé. La décision des juges est susceptible d'un recours en cassation de la part de la personne concernée ou du procureur général. Le délai s'allonge.

Je ne connais pas la procédure belge, mais il est vraisemblable qu'elle soit très proche de la nôtre. Le Premier ministre de ce pays a d'ailleurs prévenu que la décision de justice pourrait prendre du temps. D'autant qu'une enquête est en cours pour " meurtres terroristes et participation aux activités d'un groupe terroriste ". Enquête dans laquelle quatre autres individus sont sous les verrous.

La Belgique est-elle prête à renoncer à un procès ? La question vaut d'être posée car l'exécution du mandat d'arrêt peut être refusée si les faits pour lesquels il a été émis ont été commis en partie sur le territoire belge. Or le projet des attentats du 13 novembre a vraisemblablement été mis au point à Molenbeek. Et du coup, cette infraction d'association de malfaiteurs pourrait différer la remise à la France de Salah Abdeslam.

Je pousse le bouchon, mais nos voisins, à force de s'entendre dire qu'ils ne font pas le job, pourraient bien se permettre un mouvement d'humeur... Ils ont quand même réussi à coincer le terroriste le plus recherché d'Europe - et il est vivant ! Tout cela sans mettre à mal la démocratie.

Lorsque la baignoire fuit, ce n'est pas à cause du robinet.

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