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Quand la ville s’adapte aux cadres surmenés

Publié le 14 juin 2012 par Ethiqueemois

Ils partent tôt le matin, rentrent chez eux le soir à pas d’heure. Mais surfent longuement sur Internet au bureau et sur leur smartphone dans les transports. Les commerçants de Sceaux (Hauts-de-Seine) ont décidé de s’adapter aux modes de vie de ces 7 000 actifs surmenés qui quittent chaque jour la ville pour se rendre au travail et y reviennent trop tard le soir pour faire leurs courses dans des boutiques déjà fermées. En octobre ouvrira une conciergerie numérique de proximité. Nouveau concept que tenteront de développer conjointement la ville et ses commerçants, La Poste et la chambre de commerce et d’industrie (CCI) des Hauts-de-Seine. Bien d’autres villes scruteront cette expérience unique en France. Gadget ou avenir du commerce de proximité ?

Dans la rue Houdan, où les commerces ne sont plus ouverts le soir quand les cadres rentrent du travail. © Elodie Ratsimbazafy

Dans la rue Houdan, où les commerces ne sont plus ouverts le soir quand les cadres rentrent du travail. © Elodie Ratsimbazafy

Première étape, le 4 juillet. Face à la gare RER de Robinson ouvrira une borne Cityssimo de La Poste. La dalle est déjà coulée, l’électricité en attente. Le principe : comme il est compliqué d’acheter en ligne quand on n’est jamais présent chez soi pour la livraison, La Poste permet désormais de commander sur le Net (sur les sites marchands français), puis d’être avertis par mail ou SMS que le produit est livré dans une consigne automatique Cityssimo. Il suffit de s’inscrire (gratuitement) sur un site Internet, un code est attribué, le client de l’e-commerce reçoit ensuite à chaque achat un numéro de retrait qui permet l’ouverture du casier. Contrairement aux postiers et aux commerçants qui jouent les « points relais », ces bornes de retrait ont l’avantage d’être des automates, donc accessibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Ce système n’est pas nouveau, il date de 2005. Trente-deux bornes Cityssimo ont déjà été installées à Paris, en région parisienne et dans quatre métropoles régionales. En revanche, l’espace retrait de Sceaux sera le premier directement accessible depuis la rue, et non positionné dans un espace fermé, ce qui accélérera la manœuvre. Pas de code d’entrée à taper. Surtout, il est le préalable à une seconde étape plus innovante.

LUNETTES CASSÉES

Les commerçants de Sceaux et la mairie de cette ville qui les choie, le commerce étant la première activité économique – au point d’avoir créé un poste de « manager de centre-ville » à temps plein – avaient un problème à résoudre : celui de la désynchronisation des temps. A quoi bon aligner les commerces haut-de-gamme dans une bien jolie rue piétonne si ces boutiques demeurent vides cinq jours sur sept, leurs horaires de fermeture ne correspondant pas aux retours du bureau ? La solution d’évidence, c’est le commerce en ligne, mais comment les boutiques du centre-ville peuvent-elles se positionner dans ce domaine complexe et coûteux du e-commerce ? Le maire de Sceaux a pris langue avec le président de La Poste, la CCI des Hauts-de-Seine, et l’idée a germé d’une conciergerie numérique qu’annonce l’installation du Cityssimo.

Un dispositif pilote qui sera testé à partir du mois d’octobre. Depuis leur ordinateur ou smartphone, les Scéens pourront passer commande chez les commerçants de proximité via le futur portail Internet commun www.sceaux-shopping.com, une sorte de boutique virtuelle où les commerçants présenteront produits et promotions. La Poste assurera la collecte des produits achetés et la mise en consigne Cityssimo, dans laquelle les internautes viendront retirer leurs achats à toute heure dans les dix jours suivants. Plus tard, une livraison à domicile devrait se mettre en place.

« Vous apportez vos lunettes cassées ou du linge au pressing le matin, vous les récupérez en sortant du boulot », détaille le président de l’Union des commerçants et artisans de Sceaux, président, Frédéric Schweyer, qui rêve à haute voix de l’étape suivante : « Vous avez une réception impromptue le soir chez vous, vous passez commande sur le site où tous les produits sont bien présentés en images, et où vous avez même bientôt la possibilité de dialoguer en direct avec le commerçant, et vous êtes livré le soir chez vous. » Pour l’instant, seule l’épicerie sèche peut être mise en consigne, mais La Poste dit réfléchir, en cas de succès du dispositif, à des consignes réfrigérées.

Devant la gare RER de Robinson : le 4 juillet, sur cette dalle, la borne de retrait sera opérationnelle. © Elodie Ratsimbazafy

Devant la gare RER de Robinson : le 4 juillet, sur cette dalle, la borne de retrait sera opérationnelle. © Elodie Ratsimbazafy

Service à la personne, compléments de vente, renforcement des relations de proximité entre le commerçant et sa clientèle, donc fidélisation, adaptation du commerce de proximité aux nouveaux modes de consommation nomades des Franciliens… « C’est l’avenir, poursuit le président des commerçants, c’est inéluctable. Il n’y a qu’à voir la progression incroyable des ventes sur Internet. » L’adjointe au maire chargée de la vie économique et du commerce, Sylvie Bléry-Touchet, donne les chiffres : « En 2011, le e-commerce a augmenté de 25 %, pour atteindre 37 milliards d’euros. On parle de 72 milliards en 2015. Le commerce de proximité, lui, baissé de 0,5 % en 2011. Il faut inverser la tendance. »

TOURISTES

En permettant aux commerçants locaux, et pas seulement à la grande distribution, de profiter de ce boom. « 7 000 cadres, chefs d’entreprises, professions libérales partent de Sceaux chaque matin et consomment là où ils travaillent et non en ville. A cela s’ajoutent deux millions de touristes qui fréquentent le parc de Sceaux. Des personnes âgées qui seraient intéressées par la livraison, il y a ici 25 % de plus de soixante ans. Et des étudiants très connectés : nous en comptons 9 000 dans une ville de 20 000 habitants. Ils pourront envoyer leurs travaux à imprimer sur le Net et les récupérer en ville ! »

Un leitmotiv, comprend-on : continuer de rendre la ville attractive aux cadres sup’. Autolib’ en fait partie. Comme le projet d’implanter dans deux quartiers des centres de télétravail où les Scéens pourront venir s’installer comme au bureau certains jours de la semaine, pour éviter le RER.

La bijouterie Rullière © P.K

La bijouterie Rullière © P.K

Post scriptum/ Toujours à la rubrique commerces, mais moins guilleret. Nous avons appris ce matin en lisant Le Parisien des Hauts-de-Seine que la bijouterie du 33, rue Houdan avait subi une attaque à main armée, mercredi en début de soirée. La Brigade de répression du banditisme est saisie de l’affaire. Selon la Direction territoriale de la sécurité de proximité du 92, deux malfaiteurs encagoulés, porteurs d’une arme de poing, attendaient l’employée de la bijouterie à sa sortie vers 19h20. Ils l’ont séquestrée dans un véhicule utilitaire en attendant le départ du patron de la bijouterie, puis l’ont contrainte à rouvrir la boutique. Le butin (bijoux et pierres précieuses) est estimé à 1 million d’euros.


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