Magazine Médias

Suppression (discrète) du Tribunal correctionnel pour mineurs

Publié le 21 octobre 2016 par Patrick84

S’agissant de la justice de mineurs on retiendra quelques dispositions a minima qui une nouvelle fois « corrigent »  la célèbre ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante.

On est bien loin du projet de C. Taubira annoncé en 2013 qui, après une deuxième écriture en fin 2015, devait définitivement disparaitre de l’horizon  avec le départ du ministre de la justice.  Ce projet visait, au sens littéral, à refonder l’ordonnance de 1945 c’est-à-dire à relégitimer ses principes fondamentaux – priorité éducative, atténuation de responsabilité, juridictions dédiées – de la justice des mineurs à la française quitte à la moderniser. Ce texte entendait également et surtout lever l’insécurité juridique qui depuis 2011 pèse sur notre dispositif après la décision du Conseil constitutionnel qui interdit au même juge d’instruire et de juger au point de pourvoir prononcer des peines. En faisant  du juge des enfants un magistrat qui se contenterait de juger, le projet Taubira levait l’hypothèque qui résulte de la loi dite Ciotti de décembre 2011 où il suffit que le juge fasse signer son ordonnance de renvoi par un autre magistrat pour retrouver l‘affaire  à l’audience du Tribunal pour enfants.

  1. Urvoas arrivant en ce début 2016 sur une fin de mandature a fait le service minima. L’ordonnance de 1945 ne serait pas réécrite, mais à l’occasion de la loi Justice XXI° il veillerait à introduire quelques dispositions intéressantes sinon importantes. Engagement tenu.

En vrac :

  • la présence d’un avocat devient obligatoire pour le jeune placé en garde à vue sans qu’il ait à faire de démarche comme c’est déjà le cas pour les moins de 13 ans places en retenue ;
  • on rétablit la possibilité pour le juge des enfants de juger dans son cabinet sur convocation délivrée par officier de police judiciaire sur ordre du procureur mesure paradoxalement supprimée en 2007 quand le gouvernement Fillon avançait qu’il fallait juger vite ;
  • le juge des enfants pourra user de moyens coercitifs – l’appel à la force de police – pour exécuter une décision de placement en institution ;
  • la césure (1) du procès pénal sans devenir obligatoire est facilitée
  • On généralise la possibilité de prononcer une mesure éducative en parallèle à une peine. Sous entendu une peine pour utile, même si elle a une dimension éducative ne doit pas être exclusive d’un suivi éducatif

Enfin deux mesures phares sont adoptées.

Déjà il ne sera plus possible de condamner à la réclusion criminelle à perpétuité une personne de moins de 18 ans.  On relèvera que peu de nos concitoyens savent que cette mesure était possible. Situation exceptionnelle bien évidemment mais tout à fait légale. Patrick Diels le fut, avant d’être définitivement acquitté. Le jeune Mathieu M.  qui viola et tua une adolescente au Chambon sur Lignon l’a été par la cour d’appel d’assises de Riom le 30 septembre 2013. Les USA ont su en terminer récemment avec la réclusion criminelle pour les enfants criminels ; la France se devait d’en faire autant. La peine encourue dès lorsqu’un mineur de 16-18 ans au jour des faits criminels qui lui sont reprochés  se voit retirer le bénéfice de l’excuse atténuante de responsabilité sera désormais de 30 ans maximum.

La deuxième mesure symbolique introduite dans la loi Justice du XXI° siècle est la suppression (enfin) du Tribunal correctionnel pour mineurs (TCM) qui comme son nom l’indique entendait rompre  avec les juridictions pour mineurs. En 2011 à défaut de pourvoir abaisser la majorité de 18 à 16 ans, au risque de se heurter au Conseil constitutionnel, on a entendu faire en sorte qu’il soit jugé, comme pourrait l’être un majeur par trois juges, donc un seulement serait un juge des enfants. Deux jurés populaires devaient même se joindre à cette composition de telle sorte que le juge des enfants obligatoirement présent, tenu a prioiri comme laxiste, soit bien « encadre ».  Outre que l’on a débouché sur une composition de TCM variable selon les tribunal avec souvent un,  parfois deux, voire trois juges des enfants ; outre que cette juridiction s’avéra chronophage quand avec 500 postes de magistrats vacants on y affectait trois professionnels à des affaires qui jusqu’à présent n’en exigeraient qu’un ; outre que cette juridiction n’était pas autorisée à gérer les urgences voire qu’elle avait annihilé pour les récidivistes le recours à la reforme précédente qui avait introduit le flagrant délit, force était de constater que cette formation ne punissait pas plus que le classique tribunal pour enfants. Exit le TCM comme cela avait été promis avant  l’élection présidentielle pour être sans cesse renvoyé à un texte global.

On est donc loin d’une réforme fondamentale, mais sur des adaptations techniques.

Comme cela était prévisible l’objectif de doubler le nombre des CEF n’aura pas été tenu. On était à 42 Centres éducatifs fers en 2012, on est rendu aujourd’hui à 51. En cause notamment les réalités financières. On pouvait même se demander s’il était utile tenir objectif. Somme toute, peu de jeunes ont besoin d’un séjour dans ce type de structure contenante. Il faut des structures plus légères voire des familles d’accueil et surtout  de potentialités de suivi en milieu dit ouvert. Comment imaginer qu’un éducateur puisse réellement suivre 25 jeunes ?

C. Taubira, puis M. Urvoas ont entendu ne pas faire subir à la Protection judiciaire de la jeunesse un nouveau bing bang après celui infligé de 2002 à 2011 où elle a du abandonner l’enfance en danger – sauf les mesures d’investigation – et les jeunes majeurs pour être recentrée sur les 15-17 ans délinquants … tout en se voyant confier la mission de coordonner l’orientation des Mineurs etrangers non accompagnes (MENA) sans pour autant en accueillir.

Ce recentrage au pénal reste le credo. Pourquoi pas ! Il faut maintenant veiller à une prise en charge rapide, et tout simplement une prise en charge, un suivi éducatif réel du jeune. Il ne suffit pas d’affirmer qu’une mesure est prise ; il faut que le même éducateur et la même équipe le  suivent sur la durée, soit présents auprès de lui quand il se cassera encore la figure, lui éclaire le chemin, l’aident et le soutiennent, bref pallient les carences éducatives sans négliger de mobiliser les compétences familiales.

En 2014 on aura supprimé les peines plancher, dispositif contradictoire avec l’objectif d’individualisation de la réponse judicaire, encore plus pour les mineurs, et au final pas  applique souvent à la demande du parquet.

On a su revoir les règles relatives à la suppression du benefice de  l‘excuse atténuante de minorité.  On est revenu à juste titre  sur les deux lois de 2007 pour retrouver le texte de 1992.

CouvLivreDaloz - Copie
Les scrutins de 2017 vont être cruciaux : soit ils conforteront la démarche visant à un renforcer et améliorer un dispositif  certes perfectible, mais efficient (3), soit une nouvelle fois on engagera un travail de déconstruction du droit pénal de mineurs. On relèvera ainsi que le candidat Juppé vise à enlever au juge des enfants ses compétences civiles pour le recentrer lui au pénal. On reviendrait à 1945, à avant la reforme fondamentale pour la justice des enfants moderne introduite par le général de Gaulle en 1958 qui partait du constat qu’avant toute chose un enfant délinquant était un enfant en danger et qu’il fallait donc s’y attacher pour qu’il ne soit pas délinquant.(4) Là encore éduquer avant de punir en cohérence avec l’ordonnance de 1945  signée … Charles de Gaulle.

(1) Le juge se prononce sur la culpabilité puis le temps de laisser prospérer les mesures éducatives une nouvelle audience est l’occasion de se prononcer sur la sanction

(2) 842 millions d’euros en crédit de paiement et 834 en crédits de paiement, soit 3,9% d’augmentation par rapport à 2016

(3) Rapport du sénateur Lecerf sur la loi de 2001

(4) On n’attendrait plus un délit pour intervenir

Signaler ce contenu comme inapproprié


Retour à La Une de Logo Paperblog