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La transition énergétique est-elle fermée de l’intérieur ?

Publié le 09 février 2015 par Abracarioca
La logique du moindre mal ne sauvera pas notre climat. Ralentir ?

L'hydrogène ? L'hydrogène n'est pas une source d'énergie, seulement un vecteur. Il ne peut être neutre pour le climat qu'à condition d'être produit par électrolyse de l'eau. Mais à cause de bêtes questions de rentabilité, la synthèse de l'hydrogène se fait essentiellement à base d'hydrocarbures, au cours d'une réaction émettrice de CO2. Ainsi, les 200 installations productrices d'hydrogène de la firme française Air Liquide (laquelle pose en parangon du développement durable) fonctionnent à 95 % au gaz naturel.

Le gaz naturel ? La forme la plus légère des hydrocarbures, moins polluante que le charbon ou le pétrole, est désormais présentée comme la voie royale de la transition énergétique vers une économie dite 'bas carbone'. Quand le soleil se cache et le vent ne souffle pas, les centrales électriques au gaz naturel offrent en effet le meilleur rapport efficacité-prix pour prendre le relais des panneaux solaires et des éoliennes.

Le patron de GDF Suez, Gérard Mestrallet, m'a affirmé il y a peu que grâce au gaz naturel, son entreprise occupe la meilleure des positions stratégiques pour devenir un leader mondial du développement durable. Poussant à peine plus loin cette logique - écologique sinon économique - un responsable de Total m'a expliqué à Davos (sic) que l'exploitation des gaz de schiste est le meilleur recours de la France pour pallier l'intermittence du solaire et de l'éolien, et ainsi favoriser leur développement massif.

Cette place qu'occupe le gaz naturel sur la pente de plus faible résistance vers une transition énergétique fait si bien consensus aujourd'hui, parmi les cercles décisionnaires des stratégies industrielles, que... le gaz naturel est parti pour devenir la première cause d'augmentation des émissions de CO2 dans les décennies à venir, d'après l'Agence internationale de l'énergie :

La logique du moindre mal ne sauvera pas notre climat.

Pour contenir le réchauffement climatique en-deçà de la limite des 2°C, il faudra(it) laisser sous terre un tiers des réserves de pétrole, 80 % des réserves de charbon et... la moitié des réserves de gaz naturel, précise une étude récemment publiée par la revue Nature (confirmant un état de fait connu hélas depuis beau temps).

Alors, on fait comment ?

Séquestration du CO2, Stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), " " , etc. : les procédés répondant peu ou prou au problème crucial de l'intermittence du solaire et de l'éolien coûtent cher. On estime qu'ils deviendraient rentables pour un développement massif si la valeur de la tonne de CO2 dépassait un seuil supposé être situé aux alentours de 50 euros.

On en est très loin.

Le prix de la tonne de CO2 demeure encore et toujours scotché bien en-dessous des 10 euros, pour l'heure en dépit des initiatives de Bruxelles - sophistiquées, voire ésotériques - visant à redonner vie au fort mal né marché européen des quotas d'émission.

L'Union européenne a émis 3,7 milliards de tonnes de CO2 en 2012. A 50 euros la tonne (en comptant les transports et les autres secteurs non-assujettis au marché des quotas), ça fait quelque 185 milliards d'euros, sur un PIB de 13 000 milliards : on aboutit à l'ordre de grandeur des 1,5 % de croissance après lesquels soupirent les dirigeants européens depuis la crise de 2008, au moins.[*] Une croissance dont toutes les danses de la pluie et tous les subterfuges monétaires ne sauraient masquer qu'elle est essentiellement appelée par davantage de dette, laquelle atteint désormais 210 % du PIB mondial, contre 180 % en 2008.

Bref c'est pas gagné.

D'autant que, non contentes d'être chères, les solutions techniques de la transition énergétique sont complexes ; une voiture hybride a deux moteurs, etc.

C'est parce que leur puissance se manifeste de façon simple et directe que les hydrocarbures ont " un rapport compact avec la force politique, économique et militaire d'une nation " ( phrase inscrite à l'entrée du musée du pétrole chinois).

Les solutions techniques post-carbone sont par nature délicates. Elles consistent à se détourner des pentes de plus faible résistance épousées depuis la révolution industrielle : au mieux, ces solutions tentent de percer à travers des cols jusqu'ici inaccessibles, au pire elles se perdent en marécages.

" La soutenabilité [" sustainability" , la capacité à faire durer, principe du " développement durable "] est une condition active à la résolution de problèmes, et non une conséquence passive d'une plus faible consommation ", par conséquent " la soutenabilité peut demander une plus grande consommation de ressources, et non une consommation moindre ", a mis en garde l'anthropologue américain Joseph Tainter.

La Chine, au demeurant, s'est imposée comme leader tonitruant du renouvelable, tout en devenant le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre et le premier importateur de brut.

Bref, c'est pas gagné.

D'autant que non-contentes d'être chères et complexes, les solutions techniques de la transition énergétique ne sont pas forcément écolos.

Revenons à cette histoire d'intermittence.

L'éolien et le solaire, pour être développés massivement, réclament de sacrées capacités de stockage d'énergie ; c'est là leur limite principale, consciencieusement éludée par la plupart de leurs avocats. Si nous ne voulons pas recourir au gaz naturel, ni stocker l'électricité générée dans de très, très grosses batteries, la seule solution viable consisterait à construire plein de STEP (des Stations de transfert d'énergie par pompage), autrement dit des barrages. Combien ? Peut-être 10 à 100 structures d'une taille comparable à celle du barrage d'irrigation de Sivens " dans chaque département ", estime au doigt mouillé André-Jean Guérin, pilier de la Fondation Nicolas-Hulot. Cet ingénieur chevronné rassure aussitôt : " Il n'y a pas les sites, il n'y a pas l'eau pour un tel programme et il n'y aurait pas les forces de l'ordre pour s'opposer aux opposants ! "

On entend toujours parler (chez Nicolas Hulot notamment) de faire virer de bord le Titanic avant qu'il ne soit trop tard. Ne pourrait-on commencer par ralentir les machines, au lieu de nous obstiner à faire fondre l'iceberg ?

Je suis blogueur invité de la rédaction du MondeSignaler ce contenu comme inapproprié . L'information n'est pas gratuite, si vous souhaitez soutenir mon travail, merci de cliquer ici :

[*] Voire depuis que l'économie de croissance n'est plus capable d'accroître suffisamment la quantité d'essence injectée dans son carburateur ?


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