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Il lui a suffi de les aimer... un conte poétique d'aujourd'hui, pour Noël

Publié le 19 décembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
Il lui a suffi de les aimer... un conte poétique d'aujourd'hui, pour Noël

Il lui a suffi de les aimer...

Fabrice est au crépuscule du soir de sa vie. Son corps et son âme ne sont désormais plus d'accord que sur un seul point: la rupture. C'est du moins ce qu'aurait dit le poète de Sète en le voyant dans de telles circonstances.

On dit que lorsqu'on sent venir sa fin, les images marquantes du passé remontent à la surface de la mémoire. C'est bien ce qui se produit aujourd'hui pour lui. Comme Fabrice est lumineux, il se souvient avec bonheur qu'il a aimé.

Au long des saisons de sa vie, Fabrice a aimé une petite fille, une fille, une jeune fille, des jeunes femmes, mais il n'a jamais pu ou su s'en faire aimer. Et, maintenant, il se retrouve tout seul pour vivre ses derniers beaux jours.

Fabrice a aimé une petite fille. Il était alors un petit garçon. Sur la photo de classe de l'école maternelle qu'il a conservée, on peut voir cette petite fille à nattes et jupette tenir la main du petit garçon à culottes courtes qu'il était.

Fabrice et la petite fille se sont perdus de vue l'année suivante: le petit Fabrice a quitté l'école de filles où se trouvait la maternelle pour aller à l'école de garçons. Car, à l'époque, on séparait petites filles et petits garçons.

Fabrice a nagé très tôt. Un été, sur la plage, il a rencontré une fille de son âge. Ils ont construit des châteaux de sable, qui s'écroulaient quand l'eau de la mer montait, et leur idylle n'a pas davantage résisté à la fin des vacances.

Fabrice a joué très tôt au tennis. Un été, au club, il a rencontré une jeune fille de son âge. Ils ont fait des parties ensemble. Elle était belle. Il n'était ni beau ni laid. Un jour, ils se sont retrouvés à la plage et se sont même embrassés sous l'eau.

Fabrice et la jeune fille se sont vus tout l'été, un bel été, comme Dieu seul sait les faire. Alors que les grandes vacances touchaient à leur fin, ils se sont donné un dernier rendez-vous. Elle n'est pas venue. Il ne l'a jamais revue.

Fabrice a rencontré une jeune femme, un réveillon de Nouvel An, dans une boîte. Ils ont tournoyé le temps des rocks. Ils se sont collés l'un à l'autre le temps des slows. Ils se sont revus le lendemain et les jours suivants.

Fabrice aimait bien se promener avec elle. Ils n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre. Peu après elle a été victime d'un accident de voiture. Elle a été transfusée. Elle est morte du sida après une terrible agonie.

Fabrice a aimé plusieurs autres jeunes femmes sans qu'elles l'aiment en retour. Dernièrement il a aimé une jeune femme plus que les autres. Il lui a dédié des poèmes, mais elle ne l'aimait pas davantage que les précédentes et le lui a dit cash.

Fabrice était transi amoureux, mais, de ce fait, il était de plus en plus maladroit. Alors elle l'a rejeté sans ménagement, le menaçant même de le dénoncer pour harcèlement. Il ne s'en est jamais complètement remis.

Tout dernièrement Fabrice est à nouveau tombé amoureux d'une jeune femme. Il a passé quelques moments merveilleux avec elle. Elle était encore libre. Il ne s'est pas rendu compte tout de suite de ses sentiments.

Fabrice a attendu tant et plus que la belle a fini par rencontrer quelqu'un. Et, une fois de plus, cette dernière a rompu toutes relations avec lui. Elle n'a pas apprécié qu'il parle d'elle dans son dernier livre, car Fabrice est romancier.

Aujourd'hui, Fabrice dédicace son roman d'amour dans une librairie bien achalandée. Il vit de grands moments de solitude au milieu de cette foule qui se presse pour obtenir de lui un autographe. Mais cette solitude ne dure pas.

Fabrice lève les yeux. Il ne croit pas ce que ses yeux voient. Se sont-elles donné le mot ou est-ce un hasard qui fait bien les choses, mais il reconnaît dans la file qui attend nombre de celles qu'il a aimées et qui ne l'aimaient pas.

Comme c'est Noël et qu'il est d'un bon naturel, il ne veut pas croire qu'elles soient seulement venues pour sa relative célébrité: il lui a suffi de les aimer pour qu'elles l'aiment un peu et soient attendries par un coeur aussi vaste et profond.

Francis Richard


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