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Max | Là-bas

Publié le 27 décembre 2016 par Aragon

ocells.jpgLà-bas, la vie ne ressemble à rien de ce que nous connaissons. Cet après-midi j'étais là-bas avec mon oncle et c'était paisible. Dans le salon décrépit et pâlement éclairé par la lumière du jour ils étaient là, assis, chacun devant sa madeleine et sa tasse de café au lait sucré. Je les connais : Michou qui sourit en semblant toujours me dire "On ne me la fait pas à moi...", Nestor, Henriette qui sourit souvent elle aussi mais ne parle pas car elle ne sait ou ne veut plus, elle marmonne, le plus souvent gentiment, quelquefois en patois, Robert l'air toujours sévère, et puis Mado à la mâchoire en mouvement perpétuel, Lulu, madame Grandchamps, mon oncle. J'imaginais mon père, bientôt avec eux. Leurs serviteurs si dévoués étaient ailleurs, affairés dans les autres salons, nous étions seuls et j'avais mon livre de Noël dans mon sac. Je l'ai sorti et j'ai commencé à lire à voix haute, pas trop fort, lentement :

"Les sapins sont les arbres préférés des nuages. Ils poussent spontanément vers eux leurs cimes. Les nuages viennent, ils tournent, ils s'approchent, ils s'accrochent. Soudain ils pèsent. Ce sont des compagnons sûrs et certainement de merveilleux amants..."

J'ai poussé plus loin, ça n'avait aucune importance : "L'hiver en latin se dit au féminin.... dans le royaume catalan on coupe le cou à l'hiver, la vieille Hiems, au terme d'un parcours exécuté douze fois autour des murailles de la cité on brûle son mannequin de paille sur le bord de la mer... L'hiver est morte... Finis les mauvais jours..."

Ils écoutaient. Henriette a plongé deux doigts dans sa tasse pour en retirer un bout de madeleine qui se noyait, Robert s'était levé au bout d'un moment pour reprendre sa marche sans fin, son retour à la maison qu'il cherche, Nestor piquait du nez, je caressais toujours d'une main le creux de la nuque de mon tonton en tenant mon livre grand ouvert de l'autre, c'est alors qu'une palombe citadine s'est posée sur le rebord de la fenêtre. Elle semblait nous regarder à travers la vitre, en tournant sa tête curieusement, son bec tourné presque vers le haut. Un hélicoptère de l'école des jeunes apprentis pilotes l'a fait s'envoler. L’hélico ou la légende catalane qui dit que de la tête tranchée de la vieille Hiems le printemps surgit dans le chant des oiseaux - le cant dell ocells -

Le printemps n’est pas encore là mais des minutes de lumière s’arrachent déjà, depuis le solstice d'hiver, à l’obscurité qui rendra gorge bientôt, comme la vieille Hiems. J'ai remis Quignard dans mon sac. Je suis sorti. Sur le parking des gamins faisaient de la roue arrière en VTT, en riant comme les ocells bientôt dans le printemps.


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