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La peinture balte du XXe siècle à nos jours

Publié le 12 janvier 2017 par Jigece
1929, Eduard Ole : Voyageurs

Après vous avoir présenté en détail les peintres du XXe siècle à nos jours de la Russie soviétique et de l’Ukraine, voici ceux des Pays Baltes qui, durant cette période, furent la moitié du temps (jusqu’en 1918, puis de 1944 à 1991) sous domination Russe.
Mais d’abord, un peu d’histoire :

Après la défaite suédoise dans la Grande Guerre du Nord, la Livonie (Estonie et Lettonie) est incorporée dans l’empire russe (1721 : traité de Nystad). Néanmoins, par souci d’efficacité, les barons germano-baltes, issus pour beaucoup de l’Ordre Teutonique, mais passés pour la plupart à la Réforme protestante, continuent à exercer leur emprise sur les sociétés baltes pour le compte de l’Empire russe et gardent leur immenses propriétés foncières. En 1795, lors du troisième partage de la Pologne, la Lituanie est, elle aussi, rattachée à la Russie.
Les nations baltes retrouvent leur liberté après la Première Guerre mondiale. Elles ont, au départ, de grandes difficultés à faire reconnaître leur indépendance par les Alliés qui préfèrent ménager une victoire possible de la Russie « blanche » contre les Bolchéviques. La victoire de plus en plus évidente des communistes pousse les puissances occidentales à accepter les indépendances baltes comme un « cordon sanitaire » en Europe.
Les trois États baltes deviennent indépendants entre 1918 et 1920. Ce sont à l’origine des républiques démocratiques avant devenir suite à des coups d’Etat des régimes autoritaires (Lituanie, 1926, Lettonie et Estonie, 1934). Alors que beaucoup de contemporaines pensaient à l’origine ces Etats comme non-viables, les dirigeants parviennent à stabiliser la situation économique et sociale des nouveaux Etats. Si le niveau de vie reste faible, les réformes agraires radicales aboutissent à la création d’une couche de petits et moyens propriétaires assurant la stabilité du pays.
En 1934, est signé le traité d’Entente baltique affirmant la volonté des trois États de défendre leur identité et leur autonomie par rapport à l’URSS et à l’Allemagne et d’affirmer au contraire leur appartenance au système international de Genève (Société des Nations).

Le 23 août 1939, l’URSS signe avec le Troisième Reich le pacte germano-soviétique, dont les protocoles secrets délimitent les « zones d’influence » des deux puissances. Lorsque l’Allemagne nazie envahit la Pologne, ce qui déclenche la Seconde Guerre mondiale, l’URSS envahit le reste de la Pologne et les États baltes.
Plusieurs déportations sont organisées par le pouvoir soviétique dans les pays baltes entre 1940 et 1949. On estime entre 200 000 et 300 000 le nombre total des personnes victimes de la première déportation (1940-1941), et à près de 100 000 pour la seconde déportation (1944-1949).
Dans les trois occupations successives des pays baltes et des autres territoires concernés par le pacte germano-soviétique (soviétique en 1940-1941, nazie en 1941-1944 et à nouveau soviétique après 1944), les clivages ethniques et religieux ont joué un rôle tragique : les communautés, qui vivaient globalement en paix sinon en bonne entente auparavant, furent dressées les unes contre les autres par les occupants successifs. Lors de la première occupation soviétique, des catégories de citoyens jugés « nuisibles » (anciens fonctionnaires – en priorité les enseignants, juristes, policiers et militaires -, les prêtres, les professions libérales, les propriétaires de biens immobiliers, de production et de terre) sont déportés avec leurs familles vers le Goulag. Un an plus tard, les occupants nazis accusent l’ensemble des juifs baltes, sans distinction, d’être « bolchéviques » et responsables des déportations soviétiques, incitant les populations chrétiennes locales (sortant d’un an de terreur rouge) à rechercher, arrêter et livrer les juifs locaux : ceux-ci sont massacrés avec leurs familles en une « Shoah par balles », moins connue que celle d’Europe occidentale et centrale, mais non moins meurtrière (environ deux millions de victimes en URSS dont cent cinquante mille dans les pays baltes).

Redevenus soviétiques de facto en 1944, les pays baltes restent annexés par l’Union soviétique jusqu’en 1990, devenant des républiques de l’Union. Mais, contrairement aux autres annexions soviétiques des années 1939-1945, l’annexion des pays baltes n’est pas reconnue internationalement et les trois pays sont considérés par l’ONU comme des territoires occupés.
C’est en 1986, avec la politique de glasnost de Mikhail Gorbatchev, que des groupes d’opposition baltes commencent à réclamer l’indépendance de ces pays, à demander des explications sur l’annexion dont ils ont fait l’objet en 1940 et à dénoncer l’absence de légitimité de la domination soviétique.
À la fin de l’été 1989, des dizaines de milliers d’Estoniens, Lettons et Lituaniens, de Tallinn à Vilnius, en passant par Riga, forméent sur 560 kilomètres un cordon de solidarité et de protestation pour dénoncer le pacte germano-soviétique annexant cinquante ans plus tôt les pays baltes à l’URSS, et affirmer tous ensemble leur volonté d’indépendance nationale. Mais ce n’est qu’en février-mars 1991, que des consultations officielles sont organisées, montrant la forte mobilisation des Baltes pour leur indépendance : 90 % en Lituanie, 77 % en Estonie et 73 % en Lettonie. L’échec du putsch soviétique d’août 1991 – où la ligne dure des communistes ne parvient pas à prendre le pouvoir – permet aux pays baltes de déclarer leur indépendance politique, que de nombreux pays occidentaux s’empressent de reconnaître. Ayant perdu toute marge de manœuvre, Moscou se voit obligé de suivre le mouvement et reconnaît leur indépendance le 4 septembre 1991, trois mois avant que ne disparaisse l’Union soviétique.
Depuis 1991, la volonté politique partagée de ces trois pays est de tourner le dos à la sphère d’influence russe pour ancrer définitivement les pays baltes au sein du monde européen. Ceci s’est traduit par la candidature à une adhésion à l’Union européenne. Les trois pays baltes se sont prononcés positivement par référendum en 2003 sur leur adhésion, qui a eu lieu le 1er mai 2004.

L’Estonie

La peinture Estonienne reprend grosso modo les caractéristiques des peintures russes, soviétiques et ukrainiennes (voir dans les articles que je leur ai consacrés ici et ici). La seule différence notable est un passage plus tardif au « réalisme socialiste » : après 1945 au lieu des années 1930 pour les pays déjà sous domination soviétique – et stalinienne. Deux tableaux emblématiques de cette période sont Le grain de l’État, de Viktor Karrus en 1953, et Allez-y les filles !, de Mihalis Korneckis en 1959.

L’Estonie a également connu deux périodes d’avant-garde : dans les années 1920, où l’art local veux s’aligner sur la norme internationale, et entre 1950 et 1980, pour maintenir la foi dans la liberté et chercher à empêcher la régression mentale de la nation – ce qui s’est largement exprimé visuellement par l’abstraction géométrique. Cette avant-garde implique un certain nombre d’artistes, tels que les membres du Groupe Art estonien des années 1920 – Märt Laarmann, Arnold Akberg, Henrik Olvi, Jaan Vahtra, Eduard Ole et, à partir des années 1960, Tõnis Vint, Raul Meel, Leonhard Lapin, Sirje Runge, Avo keerend, Jüri Kask, Siim-Tanel Annus, Vilen Künnapu et, en partie, également Kaljo Põllu, Aili Vint, Olav Maran. Ces artistes étaient intellectuellement connectés, en temps réel, avec les diverses tendances progressistes de l’art occidental du XXe siècle.
L’un des artistes les plus influents de l’art non-conformiste à Moscou était l’Estonien Ülo ​​Sooster (1924-1970). Il a fait parti des nombreuses personnes déportées en Sibérie depuis l’Estonie en 1950, où ils ont subi les horreurs des camps de prisonniers. Après sa libération en 1956 et son mariage, il est resté à Moscou, où il a trouvé un langage commun avec de nombreux artistes russes indépendants, notamment Ilya Kabakov. Ce dernier a d’ailleurs écrit une monographie sur Sooster, le considérant comme un de ses mentors (le manuscrit a dû attendre des années avant d’être finalement publié en 1996).
Voici donc cette peinture estonienne du XXe siècle à nos jours, avec 132 peintres en autant de tableaux.

1903, Ants Laikmaa : Abyssynien (Samuel Peters)
1904, Edurad von Gebhardt : Le sermon sur la montagne
1905, Gregor von Bochmann : In Erwartung
1906, Aleksander Promet : Le Gobelin
1907, Jaan Koort : Natüürmort
1903-08, Paul Raud : Self-Portrait
1908-10, Konrad Mägi : Paysage norvégien
1913, Nikolai Triik : Portrait of Ants Laikmaa
1914, Oskar Kallis : Kalevipoeg laudu kandmas
1915, Alfred Hirv : Still Life
1915, Andrei Jegorov : Harbour
1915-17, Konrad Mägi : Sügismaastik (Höstlandskap)
1917, Oskar Kallis : Linda kantaa kiviä
1918, Ado Vabbe : Kohvikus
1918-19, Villem Ormisson : Autumn Landscape
1920, Maximilian Maksolly : Neiu rahvariides
1921, Peet Aren : Street in Tallinn (Aida Street)
1922, Märt Laarman : Muusika
1923, Jaan Vahtra : Autoportree
1923, Natalie Mei : A man with a woman's bust
1924, Jaan Siirak : Vue sur la ville de Paris
1924, Kuno Veeber : Suplejad
1925, Arnold Akberg : Composition
1925, Felix Randel : Natüürmort
1925-26, Ants Murakin : Aftermoon
1927, Niklāvs Strunke : Inimene, kes astub tuppa
1928, Amandus Adamson : Landscape with bridge
1929, Eduard Ole : Voyageurs
1930, Lydia Mei : Portrait de Natalie Mei, sa sœur
1931, Eduard Wiiralt : Le Violoniste
1933, Kristjan Raud : La demande en mariage de Kalev
1934, Nikolai Kull : Toits
1935, Karl Pärsimägi : Interjöör aknaga
1936, Kaarel Liimand : Aino Bachi, sa femme
1937, Kristjan Teder : Talvine Tartu
1938, Eerik Haamer : Pime
1939, Adamson-Eric : Nude with Red Ribbon
1940, Endel Köks : Girl in Dressing Gown (Portrait of Maimu Kõks)
1941, Richard Uutmaa : Réparation des filets de pêche
1942, Lepo Mikko : Nature morte
1942-43, Ilmar Ojalo : Koidu tänav
1944, Richard Sagrits : Iaroslav urbain vue hiver
1945, Mart Bormeister : Vue de Tallinn après la guerre
1946, Aleksander Vardi : Femme nue debout dans la verdure
1946, Valdemar Väli : Nu à la main bandée
1947, Agu Pihelga : Clairon
1948, Olga Terri : Fermé
1949, Karin Luts : Suvel
1950s, Johannes Greenberg : Avant le spectacle
1951, August Jansen : Portrait de l'artiste M. Roosmaa
1953, Viktor Karrus : Le grain de l'État
1954, Kaljo Polli : Gustav Ernesaks devant la mer
1955, Aleksandr Peek : Nature morte avec harpe
1956, Leili Muuga : Dans un café
1957, Kaja Kärner : Les forces d'occupation à Kuressaare (Matruusit)
1958, Evald Okas : Mahtra sõda
1958, Lembit Saarts : Tähetorn
1958, Linda Kits-Mägi : Jardin
1959, Mihalis Korneckis : Allez-y les filles !
1960, Valve Janov : Kala Karlova kohal
1961, Heldur Viires : Märg päev
1961, Varmo Pirk : Kalevi-Liiva
1962, Olav Maran : Tatari tänav
1963, Valerian Loik : The Protest Song
1964, Ülo Sooster : Huuled
1965-66, Henn Roode : Démonstration
1966, Elmar Kits : Sur le balcon
1966, Nikolai Guli : Printemps
1967, Aili Vint (femme de Toomas Vint) : Catastrophe
1967, Enn Põldroos : Autoportree
1968, Malle Leis : Jeune jardinière
1967–68, Ellinor Aiki : Lièvre près d'Otepää
1969, Nikolai Kormašov : Vue sur la ville
1970s, Valdur Ohakas : Pegasus cafe
1971, Jüri Arrak : L'évasion
1972, Lembit Sarapuu : Femme brune
1972, Lepo Mikko : Linn
1973, Leonhard Lapin : Ville - Création III
1974, Kaljo Põllu : Oiseaux dans un arbre
1975, Andres Tolts : Le chien
1976, Johannes Uiga : Pühajärv Marjamäed
1977, Joann Saarniit : Siberi maastik
1977, Toomas Vint : Underword
1978, Irina Bržeska : Ants Jõgi
1979, Lyydia Vallimae-Mark : Kuldjuustega tütarlaps
1980, Peeter Mudist : Ootab jääminekut
1981, Olev Subbi : Kell kuus peale lõunat
1982, Efraim Allsalu : Nu allongé
1982, Raul Rajangu : Monument à N. Burdenko et une Moskvitch 401
1983, Miljard Kilk : Pärnu linna motiiv
1985, Mari Kurismaa : Vaade
1987, Rein Kelpman : Sur un tabouret rouge
1987, Tönis Vint (frère de Toomas Vint) : Nukk
1988, Eve Kask : Escalier
1989, Ilmar Kruusamäe : Aldis Kunstikrii(t)itseja
1990, Alo Hoidre : Altar
1968-91, Ilmar Malin : Composition
1991-92, Tiit Pääsuke : Femme et oiseau
1992, Jüri Kask : Réveillez-vous !
1993, Aarne Vasar : Kompositsioon
1994, Agur Kruusing : Call
1994, Mall Nukke : Europe sünd
1996, Silvia Jõgever : Abstraktne värvikompositsioon
1997, Esther Roode : Lüllemäel. Karulas
1998, Kaido Ole : Sans titre XCII
1999, Jaan Elken : A tergo sign
2000, Paul Allik : La victime VI
2001, Saskia Kasemaa : Sans titre
2002, Mihkel Ehala (mort en 2010 à 32 ans) : Pidu Süda tänaval
2003, Merike Estna (vit et travaille à Londres) : Minou
2005, Andrus Rõuk : Vaimuvõlu I
2006, Ado Lill : Nu
2006, Rauno Thomas Moss : Sur la I
2006, Saskia Järve : Cour, peinture d'après photo - l'artiste avait 7 ans (en 1987)
2007, Lola Liivat : Keela rõõmu
2007, Toomas Kuusing : Doctor helbergoth will make you beautiful
2008, Alice Kask : Koer
2008, Andres Väiko : Visages
2009, Alar Tuul : Mille-pattes
2010, Inge Kudisiim : The blue feather
2010, Per William Petersen : Aquarium 5
2011, August Künnapu : Alison Smithson
2012, Marie Kõljalg : Sans titre, diptyque
2012, Vilen Künnapu : Rhythms of Santorini
2013, Kristi Kongi : Bleu
2013, Leslie Laasner : Imavere cross
2013, Maria Sidljarevich : À bord à nouveau
2014, Mihkel Ilus : I meetod E2
2015, Johanna Mudist : Membraan
2015, Kamille Saabre : Avant de porter des fruits
2016, Laura Põld : Porte coulissante rouge avec des plantes
2016, Silja Carmona : Citrons

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