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Les frontaliers au chômage seront peut-être bientôt indemnisés par la Suisse

Publié le 12 janvier 2017 par David Talerman
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Indemnisation du chômage frontalier

Les frontaliers européens cotisent en Suisse et sont pris en charge par leur pays de résidence. La différence est aujourd’hui clairement à l’avantage de la Suisse, qui a récupéré au passage plus de 225 millions de francs suisses en 2015 (différence entre les cotisations engrangées et les cotisations versées). Cette règle, la Commission européenne veut la faire évoluer, pour que les pays où sont versées les cotisations prennent en charge les chômeurs.

Outre l’impact financier important sur les cantons, cette nouvelle règle pourrait avoir une conséquence inattendue sur l’application de la nouvelle loi sur l’immigration votée vendredi dernier, qui prévoit une préférence nationale pour les chômeurs locaux dans le cas de secteurs en difficulté. Les ORP qui auront obligation de présenter les profils locaux inscrits aux entreprises, ne pourraient en effet donc plus faire aussi facilement de distinction « frontaliers / locaux » si les frontaliers sont également inscrits en Suisse à l’ORP.

Les frontaliers européens cotisent en Suisse pour le chômage mais sont pris en charge par leur pays

Actuellement, alors même que les travailleurs frontaliers français cotisent pour l’assurance chômage en Suisse, ils sont indemnisés par la France. C’est une règle qui ne s’applique pas uniquement entre la Suisse et la France, mais entre l’ensemble des pays de l’Union européenne, et la Suisse, dans le cadre de la libre circulation des personnes, est également soumise à ce système qui lui est, pour l’instant, favorable.

Toujours selon une règle communautaire, la Suisse doit en principe reverser à l’état du pays de résidence au maximum les 3 premiers mois de cotisation. Dans les faits, pour prendre l’exemple de la France, les autorités françaises n’ont pas encore produit les éléments nécessaires pour pouvoir être remboursées par la Suisse.

La Commission européenne veut faire évoluer le droit vers plus d’équité

Actuellement, le régime est donc clairement favorable à la Suisse : alors même que les frontaliers ont cotisé à hauteur de plus de 400 millions de francs en 2015, seulement un peu plus de 190 millions ont été reversés. A l’inverse, dans le seul cas de la France, la situation est si déséquilibrée que le régime des frontaliers est le 2ème régime dérogatoire en France le plus coûteux après celui des intermittents du spectacle.

Pour que les charges sociales et de chômage soient plus équitablement réparties entre l’état dans lequel sont prélevées les cotisations et celui qui les verse aux chômeurs, il est prévu dans cette nouvelle loi que pour tout salarié de plus d’un an, ce soit l’état où le salarié travaille qui prenne en charge l’assurance chômage. En clair, l’ensemble des frontaliers seraient, selon les nouvelles lois, pris en charge et indemnisés par la Suisse.

Ce que cela va changer pour les frontaliers

Si cette loi est adoptée par la Suisse, l’indemnisation des travailleurs frontaliers sera en principe un peu meilleure. En effet, alors qu’avec la France, l’indemnité chômage est d’environ 57% du salaire brut (avec un maximum d’environ 6’000 euros), elle est dans la plupart des cas de 70% du gain assuré (qui représente le montant calculé par la Caisse de chômage sur la base des revenus et qui va servir de calcul au montant reçu par la personne au chômage). Concrètement, cette indemnité est au maximum de 8’900 CHF par mois dans les cas les plus courants.

L’impact de cette décision sur la nouvelle loi sur l’immigration

La nouvelle loi sur l’immigration, par le Parlement fin décembre 2016, prévoit que dans les secteurs où le taux de chômage est supérieur à la moyenne, les entreprises aient obligation de fournir en priorité à l’ORP les offres d’emploi. Ces mêmes entreprises auraient obligation de recevoir en priorité les chômeurs envoyés par les ORP. C’est une sorte de préférence nationale dictée par des difficultés sectorielles.

Il est plus que probable que l’Union européenne souhaite renégocier avec la Suisse le présent accord, et si la Suisse le ratifie (ce qu’elle n’a a priori aucune obligation de faire), cela signifierait donc qu’il ne serait plus possible pour la Suisse de mettre en avant la préférence nationale, dans la mesure où de toutes façon les frontaliers seraient pris en charge par l’ORP.

L’impact pour les cantons qui recrutent de nombreux frontaliers (Genève et Bâle notamment)

Pour les cantons de Genève et Bâle, ce n’est pas ne mauvaise nouvelle, c’est une très mauvaise nouvelle : si les frontaliers devaient massivement s’inscrire en Suisse, outre la problématique de la nouvelle loi sur l’immigration, cela impliquerait surtout des dépenses supplémentaires considérables, non seulement sur le plan des prestations chômage, mais aussi de ressources (il faudrait notamment recrutement massivement des conseillers ORP). Autant dire que ces cantons, Genève en tête, ne veulent pas en entendre parler…

En clair, il y a fort à parier que la Suisse fasse de la résistance pour ne pas ratifier ce nouvel accord, qui lui coûterait non seulement beaucoup plus cher et qui en plus rendrait pratiquement inapplicable la nouvelle loi sur l’immigration. Nous n’avons pas fini d’entendre parler des relations entre la Suisse et l’Union européenne…


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