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506ème semaine politique: le vrai vote utile.

Publié le 14 janvier 2017 par Juan

Où il est question de Mélenchon, et de pourquoi il faut voter pour lui.


Préparer l'alternance ... de Marine Le Pen
Il faut se pincer pour le croire. Comme ce n'est pas la première fois depuis le début, le milieu ou la fin de ce fichu quinquennat. Voici un gouvernement socialiste qui prépare donc l'alternance à droite, et même à l'extrême droite, et jusqu'à la dernière minute.
Jugez plutôt.
Depuis le 1er janvier, nous explique Bastamag, "c’est le ministère de l’Intérieur qui évalue l’état de santé des étrangers malades, étape clé pour ceux et celles qui espèrent obtenir un 'droit de séjour pour raisons médicales' ". Le ministère de la police juge de l'état médical des étrangers. "Le fait de confier cette mission au ministère en charge de contrôler l’immigration, via les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), inquiète les associations qui accompagnent les étrangers." Le nombre d'étrangers concernés par ce droit de séjour pour raisons médicales est dérisoire - 6000 en 2013. Bien sûr, ce sont des médecins (ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration) qui jugeront de l'état de santé. Mais c'est bien le ministère de l'intérieur qui décidera. Pire, l'effet sanitaire risque d'être désastreux.
Il y a de quoi s'inquiéter.  Qui peut penser ce que fera Marine Le Pen ou François Fillon une fois élu de cette "avancée" ? Pas grand chose, tout se met en place.
Autre "anecdote", la même semaine. Jeudi soir, Valls refuse de regretter le projet avorté d'extension constitutionnelle de la déchéance de nationalité. Pensez vous ! La mesure ne visait que les binationaux terroristes ! Hamon s'en offusque. Vincent Peillon tente ensuite de rappeler que le PS est "le coeur de la gauche". Le coeur de la gauche ? Mais de quoi parle-t-il ? Concevoir la communauté nationale comme un "corps sain" qui expulse, laisser croire que le terrorisme islamiste ne serait que le fait de "binationaux" ou d'étrangers, imaginer que cette mesure, rarissime, ait une quelconque efficacité autre que sa portée symbolique désastreuse pour la France des Lumières, est-ce donc cela le "coeur de la gauche" ?
"François Hollande a donc osé l'improbable et si prévisible choix, Manuel Valls, pour diriger son prochain gouvernement.
 On devrait l'applaudir et le haïr." Sarkofrance, 1er avril 2014
Les gouvernements de François Hollande ont préparé l'alternance à droite sur la quasi-totalité des sujets. Certains, dont l'auteur de ces lignes, ont cru un temps qu'il y aurait deux phases dans ce quinquennat, une première grimaçante (où fut d'ailleurs voté un immense redressement fiscal des classes aisées que les Mosco, Valls et Macron se sont ensuite empressés de renier), puis une phase sociale et redistributive. Il n'en fut rien. Hollande a "déverrouillé" le pays, ouvert des portes au libéralisme le plus plus abruti, endossé une politique de l'offre que Macron et Fillon vont désormais approfondir.
La trahison est là, en premier lieu.
Parti socialiste, vote inutile ?
Lors de ce premier débat de la primaire socialiste, les farouches soutiens de cette compétition orchestrée par le seul Parti socialiste s'obstinent à la baptiser "primaire de la gauche". TF1 soutient, un affreux panneau "Primaire de la gauche" est suspendu au-dessus de la tête des candidats comme un couperet. Rares sont les Français qui connaissent les trois alibis non socialistes de cette primaire - Benhamias, Pinel, de Rugy. Le premier fait rire, la seconde est transparente. Le troisième sert les plats qu'Hollande a laissé sur la table. Les trois attirent collectivement une poignée de pourcentage d'intentions d'un corps électoral sondé et incertain par ailleurs restreint. Pire encore, dans les sondages, si souvent honnis, Mélenchon et Macron rassemblent environ 25% à 30% des intentions de vote des sondés quand le vainqueur anonyme de cette primaire socialiste plafonne désormais à 10%.
Le Parti Socialiste exécute ainsi sa psychothérapie de groupe en public et même à la télévision.
Son double argument politique, depuis quelques années, une décennie au moins, peut-être davantage, était d'une part son utilité politique ("avec le PS, on peut gagner des élections contre la droite"), et son pragmatisme gouvernemental ("la gauche de gouvernement devient suspecte dès qu’elle accède aux responsabilités et son destin est de toujours être accusée de trahison" expliquait Hollande en septembre 2016). Comme d'autres non-socialistes, l'auteur de ces lignes a suivi ces arguments pendant la campagne de 2007 (Ségolène Royal plutôt que les écologistes, famille de cœur), puis la primaire de 2011 (non-participation à l'inutile primaire écolo, puis ralliement à Hollande après avoir soutenu Ségolène Royal), puis la campagne de 2012 pour faire battre Sarkozy.
Mais ces arguments ont fait long feu. Primo, aucun scénario sondagier ne place le candidat en position de victoire. Aucune élection intermédiaire depuis 2012 n'a été gagnée par le PS. Le président sortant, socialiste, a renoncé par peur de l'échec. Secundo, sur le terrain de l'efficacité gouvernementale, le bilan parle tout seul. Hollande est si convaincu de son bilan qu'il a laissé à d'autres le soin de le défendre. Le nombre de sans-emplois régresse péniblement depuis un an à coup/coût de dizaines de milliards d'euros d'exonérations sociales en tous genres (CICE, Pacte irresponsable, loi travail, etc), mais le nombre de travailleurs partiels et précaires lui ne cesse n'augmenter. 
Bref, les candidats de cette primaire socialiste se trouvent chacun devant l'effroyable défi d'avoir à convaincre non sur leur propension à gagner ni leur succès à l'épreuve du pouvoir mais sur le simple terrain des idées. Et les bonnes idées sont rares, très rares (le revenu universel ?), le brassage de vent et la ventilation des concepts creux fonctionnent à plein régime. On espère, pour eux, pour nous, pour la France, que ces barons démontreront autre chose avant la finale.  Cette primaire socialiste n'a aucun enjeu politique pour le scrutin présidentiel. Il s'agit de désigner lequel emportera les meubles, ou ce qui en restera.
L'alternance
Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Que le candidat socialiste soit disqualifié ne signifie pas, bien au contraire, que les socialistes -  sympathisants, militants - aient disparu. Certains s'accrochent, les plus agressifs fustigent avec une rage étonnante celles et ceux qui soutiennent Mélenchon et dont ils réclament pourtant le ralliement à un candidat socialiste qu'on ne connait et la participation à une primaire tardive et creuse. Il y a meilleure tactique pour convaincre à l'alliance.
Laissons de côté ces mauvais perdants, ces arguments grincheux, ces attaques puériles qui accusent l'opposition de gauche d'être responsable de l'échec de Hollande (on croyait que le bilan était bon ?). Si le danger d'une alternance de droite extrême ou d'extrême droite, on devrait croire que les plus enclins au pragmatisme politique analysent la situation politique telle qu'elle est et non telle qu'elle devrait être. 
Intéressons-nous aux autres, plus nombreux. Des sympathisants désemparés, interdits, qui s'interrogent sur l'ampleur de la raclée qu'on nous promet pour mai puis juin prochains.  Certains ont déjà suivi Macron. C'est bien leur droit. Macron a l'avantage de la logique politique: il n'est ni de gauche, ni de gauche. Et suit une trajectoire au moins fidèle sur le fond, à défaut de l'être sur la forme, avec le quinquennat brouillon qui s'achève.
On nous dit que Jean-Luc Mélenchon n'aurait pas de réserve de voix. L'argument d'efficacité refait surface de la bouche même de celles et ceux qui ont contribué à reléguer le candidat socialiste en troisième place derrière Macron et Mélenchon. Certes, la campagne présidentielle démarre à peine. Mais diable, ce "pré-échec" est déjà en soi historique.
A l'inverse, le scrutin présidentiel de 2017 est incertain, diablement incertain. La France n'est pas un cas isolé. En Grèce, le parti socialiste a quasiment disparu. En Autriche, c'est un écologiste qui a remporté une présidentielle (un poste plus symbolique qu'en France). Au Royaume Uni, un tiers de l'électorat a fait gagner le Breixit sur fond d'abstention. Aux États-Unis, le candidat-qui-ne-devait-pas-gagner l'a emporté haut la main grâce à la faible mobilisation du camp démocrate et un mode de scrutin par Etat surréaliste. En France, la gauche n'a plus aucun élu dans deux méga-régions depuis 2015.
Bref, en avril puis mai 2017, tout est possible.
Le PS est écartelé entre Mélenchon et Macron, lequel Macron a cet avantage sondagier certains d'attirer des supporteurs de Juppé, et d'occuper une place plus originale que celle des Barre, Balladur ou Bayrou.
Mélenchon n'est pas d'extrême gauche. La caricature du communiste le couteau entre les dents que d'aucuns propagent à droite est vaine. Le programme de la "France insoumise" vise simplement à régler des problèmes simples avec des mesures simples  - le travail précaire, l'absence de rapports de force en Europe, la protection des libertés individuelles, la planification écologique, etc. Les différences avec les candidats socialistes sont bien sûr nombreuses. Et la première d'entre elles est évidente: aucun des candidats socialistes ne peut s'exonérer d'une responsabilité dans le quinquennat Hollande. Même le frondeur Hamon, pourtant plus ouvert à l'alliance des gauches, et promoteur convaincu des thèses sur la raréfaction du travail, s'est commis à voter la loi sur le renseignement. Mais les points d'accord avec certains des candidats socialistes sont nombreux: une 6ème République plus démocratique et parlementaire (position soutenue par Montebourg et Hamon), la relance de l'activité au service de la transition écologique, la séparation des banques d'affaires et de dépôts (une promesse de Hollande ... de 2012), etc.

Enfin, il y a l'avenir. Après ce fichu scrutin présidentiel, s'il est véritablement gagné d'avance entre Fillon et Le Pen, à qui souhaitez vous confier un rôle décisif dans la recomposition politique du pays contre une droite extrême et une extrême droite ? Combien de scrutins passés ont-ils débouché sur cette même question, jamais adressée, de la recomposition politique nécessaire d'un régime fatigué ?
Le vrai vote utile est celui qui prépare l'avenir.




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