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CES 2017: le patient, acteur de sa santé

Publié le 16 janvier 2017 par Pnordey @latelier

IA, robotique, objets connectés, réalité virtuelle et augmentée, analyse du génome… tous se mettent au service de la santé. Retour sur l’une des tendances du CES 2017.

Pour son édition 2017, le CES, rendez-vous annuel des innovations technologiques grand public, a accordé une attention particulière à la santé. Sur 3 800 exposants, on en recense plus de 400 liés aux domaines de la santé et du bien-être.

Comme dans bien d’autres secteurs, l’intelligence artificielle (IA) et la robotique, deux des grandes tendances de la 50e édition du CES, offrent un vaste champ d’applications en matière de santé. À ces deux technologies s’ajoutent les objets connectés, l’analyse du génome ainsi que la réalité virtuelle et augmentée.

Les objets connectés transfèrent l’espace de soin de l’hôpital au domicile

Aujourd’hui, le digital soulage l’hôpital. Les plus récentes technologies s’embarquent à bord d’objets connectés qui, utilisés chez soi, permettent le suivi en continu de paramètres médicaux voire rendent possible un véritable diagnostic médical.

Plusieurs acteurs présents au CES 2017 travaillent notamment sur l’accessibilité des soins à domicile. La start-up de télémédecine israélienne Tytocare démocratise ainsi le concept de visites médicales virtuelles mêlant télémédecine et objet connecté. Depuis chez eux, les détenteurs de la solution TytoHome peuvent réaliser diverses mesures (rythme cardiaque, température, etc.) et capter des images et vidéos en haute résolution (oreilles, peau, etc) grâce à un appareil connecté (à la fois stéthoscope, otoscope, thermomètre et caméra). La plateforme de télémédecine associée permet au patient de demeurer en contact avec un médecin à distance.

Dans un autre registre, la startup Bloomlife met à disposition un patch connecté pour les femmes enceintes en fin de grossesse leur permettant à domicile de suivre l’évolution de leurs contractions. Celles-ci peuvent ainsi disposer d’un outil prédictif leur indiquant avec un certain degré de précision le moment de se rendre à l’hôpital. Les acteurs Medissimo et PillDrill - qui a reçu une mention spéciale lors du CES - ont annoncé respectivement leur nouvelle version de pilulier connecté permettant la surveillance d’effets indésirables en continu depuis chez soi et aidant à la prise des médicaments.

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Capteurs et interface de l'application de Bloomlife (Crédits photos : Digimedia)

Les  « wearables » se lancent de nouveaux défis 

D’après un rapport établi par Tractica, le marché des wearables dans le secteur de la santé passera de 2,5 millions d’unités commercialisées en 2016 à 98 millions en 2021. Bien que plusieurs études s’accordent à prouver l’abandon des wearables par un tiers de leurs utilisateurs dans les six mois suivant l’utilisation, les ventes de wearables ne seraient donc pas pour autant en perte de vitesse. Au delà des fonctions basiques de collecte de données (à l’instar des podomètres), ces objets connectés conquièrent de nouvelles terres. Beaucoup font face à la gestion de la douleur et se présentent comme une alternative voire un complément aux médicaments anti-douleurs. D’après l’AAPM, the American Academy of Pain Medicine, un Américain sur trois souffre de douleurs chroniques. C’est dire si le marché de l’anti-douleur est vaste sur le Nouveau Continent.

Take a minute to relax after #CES2017 with a LumiWave near infrared therapy session. pic.twitter.com/YgEGvdd1xy

— LumiWave (@LumiWave) 8 janvier 2017

BioCare a ainsi développé un bracelet connecté pourvu de LED, appelé LumiWave, qui soigne par luminothérapie. Dans le même registre, Quell met à disposition un brassard connecté qui stimule les nerfs sensoriels pour stopper la douleur. La start-up américaine se targue d’aider ses utilisateurs à réduire considérablement la prise d’antalgiques (de 67% selon une étude conduite auprès d’un échantillon de personnes). Ces deux start-up traitent en particulier les douleurs musculaires et d’articulation.

Le bracelet de Reliefband permet quant à lui de réduire les nausées pendant la grossesse, celles liées au mal des transports ou au contenu en réalité virtuelle. Le bracelet est en effet pourvu de capteurs qui une fois actionnés par l’utilisateur, vibrent et agissent sur le nerf médian situé au niveau du poignet, stoppant alors la sensation de vomissement.

En matière de gestion du stress et de l’anxiété, la jeune pousse Lief Therapeutics propose un patch qui effectue un suivi en temps réel de la variabilité de la fréquence cardiaque ainsi que du rythme respiratoire. Dès qu’un signe de stress est détecté, le porteur du patch est invité à réaliser un court exercice dont les instructions sont disponibles au sein de l’application mobile associée. Lief, dont la campagne Kickstarter a été couronnée d’un franc succès, se base sur la pratique de l’auto-régulation encore appelée la rétroaction biologique pour soulager ses utilisateurs.

L’intelligence artificielle sublime les objets connectés

Indéniablement, l’IA aura teinté ce 50e anniversaire du CES. Les assistants virtuels se fondent dans la smart home, la smart car et de manière générale dans l’environnement ambiant. Dans la santé, l’IA fait passer les objets connectés au stade supérieur en affûtant la précision de leurs recommandations. IBM a annoncé une série de partenariats pour positionner l’intelligence de Watson au coeur de wearables et renforcer ainsi leurs capacités de prédiction et d’analyse. C’est le cas notamment de l’entreprise américaine Under Amour pour son application Record, un moniteur d’activité physique compatible avec toutes sortes de wearables. La start-up indienne Boltt a quant à elle lancé un coach virtuel, adossé à sa gamme de wearables de fitness et ses baskets de running connectés.

Si l’intelligence artificielle peut sublimer les wearables de fitness, deux start-up françaises Kyomed et Neogia l’emploient pour développer des objets médicaux intelligents facilitant le diagnostic. Leur collaboration a donné naissance à Motio, une montre intelligente qui lutte contre l’apnée du sommeil dont souffrirait 6% de la population mondiale. Un syndrome, aujourd’hui, sous-diagnostiqué. La montre dotée de capteurs collecte des données biométriques analysées et les rend disponibles via une application mobile. Elle s’accompagne aussi d’une intelligence artificielle qui compulse ces données et appréhende les habitudes de sommeil de l’utilisateur. Le tout pour livrer des recommandations davantage personnalisées.

La robotique s’invite aussi dans la e-santé

Grâce aux progrès de la robotique, de nouvelles possibilités s’offrent au monde de la santé. De l’apprentissage à l’amélioration de la qualité de vie, les cas d’usage sont nombreux.

La start-up française Leka a choisi de concentrer ses efforts sur le développement des enfants « exceptionnel » par le biais d’un robot compagnon leur permettant de jouer et d’apprendre.

Le robot Buddy de la jeune pousse française Blue Frog Robotics pourrait quant à lui faciliter le rappel de prise de médicaments, la stimulation cognitive, la détection de chute ou encore les appels d’urgence. Derrière Buddy se cache une plateforme à vocation collaborative. Elle invite ainsi les développeurs à créer de nouvelles applications.

Mais la robotique offre également de nouveaux espoirs pour l’amélioration des conditions de vie des handicapés. Hyundai a présenté cette année au CES son projet d’exosquelette (H-MEX) qui s’adresse aux personnes atteintes de paraplégie. L’exosquelette, pour l’heure uniquement utilisé dans le cadre d’études cliniques, consiste en un appareil motorisé qui enveloppe les jambes et le bas de la colonne vertébrale de l’individu. Des béquilles complètent l’équipement, qui se transforme en un assistant à la marche.

Les acteurs français incubés au bio-incubateur d’Eurasanté, en particulier Japet et Monexo, travaillent sur des initiatives similaires à destination du marché européen. Un autre acteur, BrainRobotics, a quant à lui créé une prothèse robotique intelligente qu’il souhaite vendre pour moins de 3 000 dollars. Une révolution pour cette industrie où le coût des prothèses avoisine d’ordinaire des nombres à 5 chiffres.

CES 2017: le patient, acteur de sa santé

L'apprentissage de la marche avec l'exosquelette crée par Hyundai

Le patient devient acteur de la gestion de ses données

Montée en puissance des objets connectés aidant, aujourd’hui les données médicales affluent de toute part. Comment rassembler au sein d’un même espace ces informations et comment les organiser pour les rendre explotables tout en préservant leur sécurité ? Les gouvernements comme les entreprises oeuvrent pour déterminer des solutions efficaces à ces défis. Lors de l’édition 2017 du CES, plusieurs initiatives ont été présentées en ce sens.

La start-up de San Diego Humetrix propose à ce titre l’application iBlueButton qui transforme les données de la feuille de soins de l’assurance maladie en un dossier électronique mobile et sécurisé. Elle rend ainsi possible un accès immédiat à ses données de santé en tout lieu. Le projet avait été promu en 2010 par le gouvernement américain comme outil de prédilection permettant aux citoyens d’accéder à leurs données de santé. Le sujet a été repris en France par le Conseil national du numérique si bien qu’ Humetrix a décliné une version française de son application mobile appelée Bouton Bleu.

BlueButton

Interface d’iBlueButton développée par Humetrix

7Médical propose, elle, une offre orientée à la fois vers les patients et les professionnels de santé. La jeune pousse française, qui compte déjà 3000 utilisateurs, a développé une plateforme accessible via mobile qui permet aux pharmacies et aux patients d’organiser intelligemment les données de santé issues de diverses sources (objets connectés, carnet de santé, historique d’achats, informations renseignées par le patient lui-même). Dans la même veine, BePatient a quant à elle particulièrement léché son interface à destination des patients, en particulier ceux atteints de maladies chroniques.  En plus de fournir un carnet de santé connecté doublé d’une solution de télémédecine, sa plateforme comporte entre autres du contenu pédagogique à destination des utilisateurs. BePatient souhaite ainsi encourager les utilisateurs à prendre leur santé en main en continu.

Génome : un secteur balbutiant

2016 fut marquée par un fort intérêt des investisseurs pour les services se développant autour de l’analyse du génome. Et pour cause, les montants investis dans les start-up américaines du secteur en phase d’amorçage auraient augmenté de 116% par rapport à 2015. Conformément à cette tendance, le CES a abrité des initiatives à destination du grand public.

L’américaine Orig3n qui a levé 15,6 millions de dollars, offre ainsi une palette de tests génétiques portés sur cinq caractéristiques : la peau, la nutrition, le fitness, le comportement et les capacités cognitives. Orig3n rend disponible dans les trois semaines suivants le test une analyse détaillée des génotypes de l’individu. L’individu pourra par exemple prendre connaissance de la propension naturelle de sa peau à être hydratée, à bien réagir au soleil ou à être élastique.

L’application, pédagogique, détaille le rôle des gènes testés et le degré de présence du gène, affiché en pourcentage. Pour l’instant, Les tests d’Orig3n, disponibles à un prix inférieur à 150 dollars, ne conduisent à aucune recommandation basée sur l’analyse du génome, l’application demeure encore ainsi purement informationnelle.

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Interface de l'application d'Orig3n

MyGenomeBox, une jeune pousse sud-coréenne souhaite quant à elle que les individus deviennent maîtres et acteurs de leurs données génétiques. En plus de proposer des tests, MyGenomeBox propose une « marketplace » d’applications mobiles, gratuites et payantes, pour tirer profit de ses prédispositions génétiques (exercices, diet, soins de la peau, etc.). La start-up invite également les utilisateurs à construire leurs propres applications par le biais d’outils simples. MyGenomeBox se veut aussi un réseau social pour les personnes souhaitant être mis en relation avec des utilisateurs partageant des profils génétiques similaires.

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Extrait du catalogue d’applications proposé par MyGenomeBox

Réalité virtuelle et augmentée servent la compréhension du patient comme la formation du corps médical

La réalité virtuelle et la réalité augmentée mettent également un pied dans l’univers de la santé. Leurs cas d’usage se déclinent à la fois pour les chercheurs, le corps médical et pour les patients.

L’an passé, pour la première fois, un médecin du Royal London Hospital a réalisé une opération en utilisant une caméra 360 degrés permettant à l’ensemble du corps médical ainsi qu’aux étudiants de pouvoir s’immiscer au coeur de l’expérience et vivre en détails l’intervention. Sur le site de L’Atelier BNP Paribas, nous parlions récemment de la start-up moscovite ScioVR qui avait lancé elle aussi un projet de de recherche intitulé « salle d’opération virtuelle » pour les étudiants en médecine. Au CES 2017, la start-up française Revinax a quant à elle présenté une offre de formation pédagogique en réalité virtuelle pour les professionnels du monde médical, des chirurgiens aux laborantins. Une formation rapide, à moindre coût et limitant les risques.

De surcroît, la réalité augmentée s’avère utile pour sensibiliser les patients à une pathologie ou expliquer les détails d’une opération. Le dispositif portable Hololamp en est un bon exemple. Il permet en effet de projeter, en temps réel, un objet en 3D sur une surface grâce à un petit projecteur similaire à une lampe. Après des premières applications dans le domaine du jeu vidéo, Hololamp pourrait contribuer à développer la relation patient - médecin.

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En conclusion, sous ses allures de parc à gadgets fitness, l’espace « santé » du CES devient aujourd’hui un lieu de démonstration de produits à même de collecter des données de santé avec un haut degré précision et qui, grâce à de l’intelligence, les analysent pour les transformer en informations expoitables au service du patient. Ce dernier, alors équipé d’outils puissants, devient ainsi véritablement acteur de sa santé.

Il convient néanmoins de nuancer ces avancées, en rappelant qu'en matière d' e-santé, la bataille de la confiance n'est pas encore gagnée et que les enjeux de cybersécurité doivent être intégrés bien en amont.


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