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La Révolution mexicaine sans les révolutionnaires

Par Balndorn

La Révolution mexicaine sans les révolutionnaires

Orozco, Siqueiros, Rivera… les « trois grands » du muralisme mexicain sont tous à l’exposition Mexique 1900-1950 au Grand Palais. À la fois trop, et pas assez.  
Trop, car leur présence massive écrase les autres artistes mexicains du premier vingtième siècle. Non seulement les trois disposent chacun d’une salle, mais leurs toiles et leurs fresques envahissent les autres espaces.  
Il est assez triste de voir dans la salle fourre-tout consacrée aux femmes dans l’art mexicain presque autant de tableaux de femmes peints par des hommes, Rivera en tête, – toiles où la femme reste avant tout un sujet d’érotisme – que de tableaux de femmes par des femmes. Pourtant égale des trois grands, si ce n’est supérieure, Frida Kahlo n’a droit qu’à une petite alcôve où se cachent six peintures – parmi lesquelles la très belle Les Deux Frida –, bien séparée du reste de l’exposition, comme si la peintre, trop singulière, n’avait pas pleinement participé à la Révolution. Guère mieux que le « femme de Diego Rivera ». Quant aux autres créatrices, comme les intrigantes Nahui Ollin et Rosa Rollanda, qui proposaient une esth-éthique audacieuse qui contestait l’élaboration du pouvoir post-révolutionnaire, elles ne figurent dans les salles qu’au titre de curiosités artistiques. 
La même marginalisation frappe les artistes d’avant-gardes aujourd’hui oubliées. Plutôt que de vraiment explorer ces mouvements porteurs de projets forts, l’exposition les rassemble tous, aussi différents furent-ils, dans une grande salle bazardesque : stridentisme et autres petits groupes, tous réunis avec pour seul dénominateur commun un –isme, avant que le surréalisme, porté par les aventuriers européens, ne vienne renouveler l’art mexicain. En s’achevant sur l’arrivée des Européens au Mexique et le départ des trois grands aux États-Unis, l’exposition ne rend pas hommage aux créateurs du bouillonnement artistique et politique qu’a été le Mexique à partir de la Révolution de 1910 : elle laisse entendre au contraire que sans les Orozco, les Siqueiros et les Rivera, les avant-gardes mexicaines n’étaient rien, alors qu’historiquement ces trois figures majeures passèrent toutes par ces groupuscules.
Mais les trois grands ont beau faire planer leur ombre gigantesque sur l’ensemble de la scénographie, l’ombre ainsi présentée se réduit à un spectre dépolitisé.   
L’engagement politique radical de Siqueiros ? Torché en une toile sur la misère ouvrière, La Mère prolétarienne, à peine commentée.  
Les vastes fresques de Rivera appelant à l’internationalisation de la lutte ? À peine évoquées, et bien vite comblées par une fresque idyllique, La rivière Juchitan, où les idéaux révolutionnaires se noient dans un cours d’eau mythifié.  
Quant à Orozco, on le présente comme le plus humain des trois, attristé par la violence des révolutions, comme si aucun regard critique ne pointait dans ses tableaux. On croirait entendre la fausse distinction entre les « gentils » manifestants utopistes et les « méchants » casseurs. 
Soyons clairs. Les trois grands méritent leur titre. Mais ils ne font pas à eux seuls toute la valeur de la Révolution mexicaine. Pire encore, réduits à des chromos de pacotille et des discours on ne peut plus consensuels, ces trois artistes et tous ceux avec qui ils travaillèrent perdent tout intérêt.  
                           
La Révolution mexicaine sans les révolutionnaires
Mexique (1900-1950).
Diego Rivera, Frida Kahlo, José Clemente Orozco et les avant-gardes, au Grand Palais jusqu’au 23 janvier 2017
Maxime


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