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Beaubourg : quarante degrés au-dessus de Duchamp

Publié le 23 janvier 2017 par Pantalaskas @chapeau_noir
Jacques Tissinier Centre Pompidou Paris 1977

Jacques Tissinier Centre Pompidou Paris 1977

Centre Beaubourg

Quand le Centre Pompidou de Paris est inauguré le 31 janvier 1977 c’est une histoire de sept années qui aboutit après que Georges Pompidou en ait initié le projet. Ce qui s’appelait pendant toutes ces années de construction le Centre Beaubourg deviendra donc Centre Pompidou après la mort de ce dernier en 1974.
Pour la génération de ceux qui ont accompagné dans la durée ces années d’aventure, l’anniversaire des quarante ans du Centre Pompidou n’a rien d’anecdotique. Oubliées aujourd’hui les polémiques acharnées sur l’architecture de Renzo Piano, Richard Rogers, et Gianfranco Franchini, les invectives sur l’«Usine à gaz », la «Raffinerie de pétrole ». Pendant les travaux quelques interventions ludiques pimentent à l’occasion la venue du futur bâtiment, comme ce partage du « Gâteau Beaubourg » avec le groupe «Radeau de la Méduse », organisé par Jacques Pineau, performance où l’on retrouve Jacques Halbert.

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« Gâteau Beaubourg » avec le groupe «Radeau de la Méduse », Jacques Pineau,Jacques Halbert 1976

Alors que les travaux sont achevés, le tout premier crayon libertaire géant élancé en direction du bâtiment avant même l’inauguration du centre en janvier 1977 par l’artiste Jacques Tissinier rend alors hommage au « J’écris ton nom, liberté »  d’Eluard. Avec leurs interventions de saltimbanques ou de plasticiens ces artistes soulèvent à leur façon une question sensible : quel sera l’art, quels seront les artistes accueillis dans cette institution majeure ? Déjà certains pressentent que ce ne sera pas pour eux et le font entendre. Musée d’art moderne et contemporain,  bibliothèque, centre de création industrielle? Toutes les interrogations restent alors ouvertes sur la destinée véritable de ce complexe culturel inédit.
Puis ce 31 janvier 1977 le Centre Pompidou ouvre enfin.  On a peut-être également oublié les files d’attente interminables générées par la curiosité du public face à un personnel surpris, débordé, gérant tant bien que mal par une entrée du centre qui n’est plus utilisée aujourd’hui ce flot ininterrompu de visiteurs.
Quarante ans plus tard, le succès public ne s’est pas démenti. En 2016, Beaubourg a vu son nombre de visiteurs augmenter de neuf pour cent et a franchi, pour la huitième année consécutive, la barre des trois millions de visites. Pourtant les nouvelles contraintes matérielles de visite avec les contrôles accrus de sécurité n’ont pas facilité la fluidité du trafic et les files d’attente ne sont pas seulement dues au succès des expositions.

Duchamp et après

D’entrée le Centre Pompidou  prend ses marques avec une exposition inaugurale : une grande rétrospective Marcel Duchamp. « Cette exposition rend hommage et justice à un artiste dont l’œuvre, considérée en dehors de la France comme majeure et à l’origine de l’art actuel, est restée, en son propre pays, singulièrement méconnue, voire ignorée. ».

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C’est une prise de position radicale qui se manifeste pour l’art contemporain, ligne de fracture entre des conceptions différentes, voire antagonistes sur l’art du temps. Ces quarante années ont confirmé l’enracinement de ces choix. Tout au long de quatre décennies d’expositions la ligne du Centre Pompidou a confirmé cette orientation. Depuis le début des années 2000, la création par l’ADIAF du prix Marcel Duchamp entraîne le partenariat du Centre Pompidou qui s’associe davantage encore au fil des années pour accueillir les lauréats de ce prix.
Depuis 1977 la désignation même d’art contemporain a considérablement évolué et l’appellation recouvre d’autres réalités dans un univers mondialisé qui a bouleversé également la vie du marché de l’art.
Près de quarante ans après le premier crayon libertaire de Jacques Tissinier, la photographie de Stéphane Mahé sur les murs du Centre Pompidou en 2015 révélait également les changements de l’état du monde. Ce  « Crayon guidant le peuple », titre donné à la photo par ceux qui se sont empressés de multiplier à l’envi la diffusion du cliché, associe définitivement la marche populaire du 11 janvier 2015 après les attentats parisiens au geste conquérant de la liberté. La génération Beaubourg, quarante degrés au-dessus de Duchamp, peut mesurer aujourd’hui la mutation de son art et de son époque.

La programmation anniversaire des 40 ans du Centre Pompidou
https://www.centrepompidou.fr/fr/Le-Centre-Pompidou/40-ans


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