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Brazil – Utopie de liberté

Par Bebealien

Hier soir, ARTE a eu la bonne et heureuse idée de diffuser mon film préféré. S’il m’arrivait vraiment de devoir m’exiler sur une île déserte avec un film (situation des plus crétines s’il en est, mais on s’en fout, on va faire comme si…), c’est celui-ci que j’emmènerai précieusement. Brazil c’est un film que malgré maintes et maintes visions, je redécouvre à chaque fois. Un des ces films uniques, à la fois complexe et captivant dont on a du mal à déscotcher. Il est pourtant peu facile d’accès et peu emmener le spectateur n’accrochant pas à l’histoire dans des abymes de perplexité. Petite analyse de ce qui est à mes yeux le bijou du 7eme art.

Brazil – Administration aliénante

Sam Lowry est un petit employé du service Archives d’une méga-administration. Dans un monde ou les formulaires et les procédures sont devenus une règle absolue, il n’arrive à s’échapper qu’en rêve. Dedans, il se voit fort, puissant, au bras d’une mystérieuse blonde. Une mouche tombant dans le rouage d’une machine va provoquer une escalade d’évènements conduisant à Sam à rencontrer la femme de ses rêves. Ecrasé par une mère castratrice et par une administration qui fait de lui un pion, il va tenter de faire sauter le système… à ses propres risques et périls.

Une des affiches, un peu moche, du film

Brazil est une retranscription en film de cauchemars que chacun à pu faire. Qui n’a jamais eu la sensation d’être un pion inutile se débattant inutilement contre une administration qui a oublié son utilité pour se concentrer uniquement sur la traque et l’élimination de tout ce qui n’est pas conforme ? Qui ne s’est jamais senti oppressé, avec une envie de tout balancer pour enfin s’échapper ? Telles sont quelques unes des très nombreuses thématiques brassées par Brazil.

Le film, sorti en 1985 est manifestement daté visuellement. Terry Gilliam étant un visionnaire, doublé d’un expérimentateur de génie, et de surcroît fan de maquettes et de perspectives faussées, son film a un cachet extrêmement particulier qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Sa vision du futur est un mélange de béton, d’univers de film noir, de tuyau, de soupapes, de pneumatiques… une sorte de mégalopole tentaculaire monstrueuse ayant perdu le contrôle de son propre développement, une sorte de monstre à visage humain.

Sam Lowry (Jonathan Price) essayant de sauver la blonde de ses rêves

Paumé dans cet univers faussement aseptisé, cherchant sa place, Sam Lowry représente un peu l’œil du spectateur : à la fois familier de certains mécanismes et totalement perdu devant la paralysie de fonctionnaires incapables de prendre une décision sortant du cadre strict de leurs attributions, ou se renvoyant la balle à qui mieux-mieux pour ne pas assumer une erreur de fonctionnement du système.

A travers son film, c’est cette tendance humaine à croire en tout et n’importe quoi que Gilliam épingle. Ces petits chefs sont tellement bouffis d’arrogance, de prétention et prêts à tout pour ne pas se faire piquer leur siège par leur voisin, il les exècre. Et particulièrement le fait qu’ils soient prêts à faire une confiance aveugle dans un système qui les broie et leur nie pourtant toute notion d’individualité et par la même les empêche d’être à la fois libres, pensants et autonomes. La charge se veut particulièrement marquée contres les fonctionnaires, et surtout leur bêtise/fainéantise les empêchant de déroger aux règles. Le trait à beau être outrancier et assumé comme tel, le discours touche.

Un monde dans lequel le culte de la beauté amène des opérations barbares

Paradoxalement, dans ce monde sclérosé, la résistance vient d’un simple technicien chauffagiste du nom d’Archibald Tuttle (joué par De Niro), qu’une mouche va sauver en faisant arrêter un certain Buttle à sa place. Tel un aventurier, Tuttle intervient pour réparer les climatiseurs en panne sans passer par les formulaires 2346B et sans avoir besoin de retourner un appartement pendant des lustres. Par ce personnage étrange et décalé, Gilliam démontre par l’absurde la résistance aux idées toutes faites qu’il faut amener et la dangerosité du conformisme. C’est lui qui donnera envie à Lowry (Jonathan Price) de sortir du rang.

Il est toujours un petit peu délicat d’expliquer pour quelle raison on est accroc à un film. En ce qui me concerne, je pense que je fais un parallèle entre un certain sentiment d’étouffement dans un boulot qui me sert surtout à payer mes factures, et une certaine envie de m’échapper via le cinéma, et les courts métrages en particulier. Je ne m’attarderai pas sur le sujet, car ce blog est pour parler cinoche et non me psychanalyser.

Une des visions onirique de Lowry. Dedans, il y est fort et intrépide.

Quoi qu’il en soit, ne serait-ce que par son ambiance ultra particulière et décalée, Brazil est définitivement un film à part, ultra fouillé, innovant, étonnant… et surtout porté par une BO magnifique avec un thème tout simple décliné sous toutes les formes. Parfois épique, parfois romantique, parfois parano, parfois easy-listening… ces quelques petites notes ne vous sortent plus de la tête une fois qu’elles y sont entrées.

On pourrait également s’arrêter quelque peu sur l’interprétation de Jonathan Price qui trouve ici le rôle de sa vie. A la fois pathétique, écrasé, parano… ce sous-fifre inutile arrive à être un des meilleur anti-héros que le cinéma nous aie fourni. Personnage qu’on haï pour sa bassesse autant qu’on l’admire pour son courage, Lowry est surtout sur l’incarnation type de l’homme écrasé par un système qui le dépasse.

Le film est disponible dans des éditions relativement médiocres en DVD. Depuis des années il est question de sortir une version ultimate, mais je l’attends encore. Quoi qu’il en soit, si vous ne l’avez pas encore vu, ne manquez pas ce grand morceau de SF d’anticipation qu’on peut comparer dans une certaine mesure à 1984 d’Orwell ou au Meilleur des Mondes d’Huxley.


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