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Islam, le troisième héritage (1). Par Roger Garaudy

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

Nous allons publier en huit parties l'introduction, intitulée "Le troisième héritage",  du livre de Roger Garaudy "Promesses de l'Islam". Après les héritages chrétien et grec - "après", je veux dire chronologiquement  - l'Islam est en effet le troisième héritage de la civilisation occidentale, mais elle pratique envers lui le déni ...
La préface du livre, écrite par Mr Mohammed Bedjaoui, peut être lue à: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2014/02/islam-et-dialogue-des-civilisations.html
Luc Collès, que je salue ici amicalement, a publié une analyse très didactique de ce livre dans un cadre universitaire: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2013/03/enseignement-pour-une-approche-de.html [A.R]
Le troisième héritage L'Occident est un accident. Sa culture une anomalie : elle a été mutilée de dimensions primordiales. Depuis des siècles, elle prétend se définir par un double héritage gréco-romain et judéo-chrétien. Le mythe du « miracle grec » a surgi parce que furent délibérément Islam, le troisième héritage (1). Par Roger Garaudytranchées les racines orientales de cette civilisation : héritage de l'Asie Mineure, de cette Ionie, province de la Perse, où virent le jour les plus grands inspirés, de Thaïes de Milet à Xénophane de Colophon, dePythagore de Samos à Heraclite d'Ephèse, à travers qui passe lesouffle de l'Iran de Zarathoustra et, au-delà, de l'Inde védique et des Upanishads, si mystérieusement proches de Platon1 Héritage de l'Egypte et de ses millénaires, de ses sciences et de ses visions, qui envoûtèrent Pythagore et Platon, mais aussi fécondation, réciproque des civilisations : la culture renaît à Alexandrie au moment où elle meurt à Rome. A Alexandrie, confluent de tous les courants de pensée et de vie de l'Orient, naissent les mathématiques d'Euclide et l'astronomie de Ptolémée, comme les grandes illuminations mystiques de Phiîon et de Plotin, d'Origène et de Clément d'Alexandrie. Le mythe de l'exceptionnalisme grec n'a pu se former que grâce à fj cette ignorance volontaire ou ce rejet à la fois des origines et de la postérité de l'Athènes de Périclès. Le mythe de l'exceptionnalisme juif est nourri des mêmes ignorances volontaires et des mêmes rejets : au coeur du « fertile croissant », qui va de la Mésopotamie d'où vint Abraham, à l'Egypte d'où Moïse ramena ses tribus, comment imaginer que de la double captivité de Babylone et des pharaons, la culture juive, comme la grecque, ne porte pas, dans ses plus hautes floraisons, la sève puisée dans les profondes cultures de la Chaldée, celle d'où jaillirent l'épopée de Gilgamesh comme la science des mages ou le prophétisme de Zarathoustra, ou celle de l'Egypte et du monothéisme d'Akhenaton dont l'hymne au Soleil se retrouve, en sa plénitude, dans le psaume 104 de David ? Le christianisme, à son tour, qui ne vient pas d'Europe — le seul continent du monde où ne soit jamais née une grande religion — mais d'Asie, et qui s'est développé d'abord à Antioche, c'est-à-dire en Asie, et à Alexandrie, c'est-à-dire en Afrique, ne doit-il rien à ce double enracinement du judaïsme et aux sources orientales de la culture grecque sur laquelle saint Paul Ta si vite greffé ? Ne doit-il rien à ces missionnaires bouddhistes envoyés en Palestine, trois siècles avant la naissance de Jésus de Nazareth, par l'empereur indien Açoka, et dont les descendants se retrouvent dans les communautés d'Esséniens, porteurs de comportements et de visions si proches de ceux du monastère de Qumran ou de l'Evangile copte de Thomas découvert en Egypte ? Est-il indispensable à la grandeur d'être fils de père inconnu? Pourquoi effacer les traces de ce qui a engendré et nourri notre civilisation ? Nous résignerons-nous au procédé de ces barbouilleurs qui, pour se convaincre de leur « originalité », ont choisi d'ignorer toute la peinture antérieure ? Ou bien aurons-nous le génie adulte de Juan Gris, l'un de ceux qui ont opéré dans notre art Tune de ses plus profondes mutations, celle du cubisme, écrivant : « La grandeur d'un peintre dépend de la profondeur du passé qu'il porte en lui » ? Le christianisme lui-même, précisément parce qu'il aspire à l'universalité, à la « catholicité », ne se doit-il pas de donner l'exemple de cet enracinement dans les cultures de tous les peuples, comme l'y ont appelé les théologiens du colloque d'Abidjan, en septembre 1977, montrant que le christianisme peut trouver, dans les cultures africaines, un terreau au moins aussi fertile que dans la culture gréco-latine ? Or, même si l'impulsion orientale première du christianisme n'a cessé de sourdre (avec le moine calabrais Joachim de Flore qui, dès le XIIesiècle, a peut-être pu connaître, en Syrie, la « philosophie prophétique » musulmane de l'Iranien Sohravardi ; avec Maître Eckhart, qui se réfère ouvertement à l'inspiration islamique d'Ibn Sinâ (Avicenne) ; avec saint François d'Assise, qui sut trouver un langage commun, à Damiette, avec le calife Abd el Malik ; avec saint Jean de la Croix dont l'expérience mystique est parfois si proche de celle des soufis de l'Islam), il demeure qu'une conception étroite de Funiversalisme chrétien a inspiré la politique officielle de l'Eglise jusqu'à la transformer en fer de lance des plus sanglantes luttes militaires aux deux pôles de la Méditerranée avec deux siècles de vaines « Croisades » en Palestine, et sept siècles d'une « Recon- quista » de l'Espagne, où les Arabes avaient été accueillis en libérateurs au VIIIesiècle, et où ils avaient fait de Cordoue le centre de culture le plus rayonnant de l'Europe. L'Occident, depuis treize siècles, a refusé ce troisième héritage : l'héritage arabo-islamique qui aurait pu et peut encore non seulement le réconcilier avec les autres sagesses du monde, mais l'aider à prendre conscience des dimensions humaines et divines dont il s'est mutilé en développant unilatéralement sa volonté de puissance sur la nature et sur les hommes. Car l'Islam — et l'objet essentiel de cet ouvrage est de le montrer — n'a pas seulement intégré, fécondé et diffusé, de la mer de Chine à l'Atlantique, et de Samarcande à Tombouctou, les plus anciennes et les plus hautes cultures, celles de la Chine et de l'Inde, de la Perse et de la Grèce, d'Alexandrie et de Byzance. Il a apporté à des empires désintégrés et à des civilisations mourantes l'âme d'une nouvelle vie collective, rendu aux hommes et à leurs sociétés leurs"dimensions spécifiquement humaines et divines de transcendance et de communauté, et, à partir de cette foi simple et forte, le ferment d'un renouveau des sciences et des arts, de la sagesse prophétique et des lois. La première renaissance de l'Occident s'est esquissée en Espagne musulmane quatre siècles avant celle d'Italie. Elle pouvait être une renaissance universelle. Par le rejet du troisième héritage, celui qui pouvait unir l'Orient et l'Occident, par une sécession qui le privait, pour des siècles, de l'apport fécondant de toutes les autres cultures, l'aventure mortelle de l'hégémonie allait conduire l'Occident, et, avec lui, le monde qu'il dominait, vers un mode suicidaire de croissance et de civilisation. Ce qui est devenu le mythe et le dogme du progrès a conduit à la plus déshumanisée des régressions de l'histoire. Les grandes invasions et les grandes dominations furent toujours de grandes régressions. Lorsque les vagues d'invasions des nomades des steppes submergèrent les grandes civilisations des deltas (celles de l'Hoang-Ho, de l'Indus, de la Mésopotamie, de l'Egypte), la victoire ne vint pas d'une supériorité de culture, mais d'une supériorité militaire : celle du cavalier sur le fantassin, celle de l'épée de fer sur l'épée de bronze. Rome ne domina pas la Grèce et ne fonda pas son empire par le raffinement de sa culture, mais par la lourdeur de ses armes. Les Huns, les Mongols, les Tartares, qui, avec Attila, dévastèrent l'Europe entière jusqu'à la Gaule, ceux qui, avec Gengis Khan, bâtirent le plus vaste des empires en détruisant les civilisations de la Chine, du Khorezme et de la Perse entière, de l'Inde, ceux qui avec Tamerlan régnèrent sans merci de la Chine à la Volga, de Delhi à Bagdad, aucun de ces « bâtisseurs d'empires » n'apportait un message civilisateur riche d'avenir. Nos historiens ont justement appelé ces cyclones des « invasions barbares ». Mais, étrangement, ils changent de vocabulaire lorsque ces invasions sont le fait des Européens. Ce ne sont plus de grandes « invasions » mais de grandes « découvertes ». Et, pourtant, que sont les pyramides de 70 000 crânes érigées par Tamerlan après la prise d'Ispahan auprès du génocide de millions d'Indiens d'Amérique par les « conquérants » européens disposant du canon, auprès de la dévastation de l'Afrique par la déportation de 10 à 20 millions de Noirs (ce qui, avec dix tués pour un captif, représente de 100 à 200 millions de victimes), auprès de l'assassinat de l'Asie, de la guerre de l'opium aux famines tuant les Indiens par millions à cause des régimes de propriété et de taxations qui leur étaient imposés, de la bombe d'Hiroshima à la guerre du Vietnam ? Quel nom, aujourd'hui, donner à cette forme d'hégémonie mondiale de l'Occident qui dépense 450 milliards de dollars en armements en 1980, et qui fait mourir la même année, par le jeu des échanges inégaux, 50 millions d'êtres humains dans le Tiers-Monde ? Dans la perspective des millénaires, l'Occident est le plus grand criminel de l'histoire. Aujourd'hui, en raison de sa domination sans partage, économique, politique, militaire, il impose au monde entier son modèle de croissance qui conduit à un suicide planétaire à la fois parce qu'il engendre des inégalités croissantes, enlève toute perspective aux plus démunis et fait mûrir les révoltes du désespoir, au moment même où il a placé l'équivalent de 5 tonnes d'explosifs sur la tête de chaque habitant de la planète.
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