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Juste la fin du monde

Par Tinalakiller

réalisé par Xavier Dolan

avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Léa Seydoux...

Drame canadien, français. 1h39. 2016.

sortie française : 21 septembre 2016 (7 février 2017 en dvd)

Un grand merci à Cinetrafic (dans le cadre de Dvdtrafic) qui propose des listes de films :

Et aussi merci à (et sa page Facebook)

Juste la fin du monde

Après douze ans d'absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.
Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l'on se dit l'amour que l'on se porte à travers les éternelles querelles, et où l'on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.

Juste la fin du monde

On aime ou on n'aime pas les films de Xavier Dolan (chez moi, c'est très aléatoire), le jeune réalisateur québécois a le mérite de ne pas laisser son public indifférent. Juste la fin du monde, une adaptation d'une pièce de Jean-Luc Lagarce (Dolan avait déjà adapté une de ses pièces avec Tom à la ferme) a su toucher le jury de Cannes présidé par le réalisateur australien George Miller. En revanche, la presse a été moins tendre avec Dolan, ce qui blessera au passage ce dernier (comme souvent). Le film a suscité une sorte de curiosité pas uniquement à cause de son prix ou de la carrière déjà solide de Dolan : son casting de grandes stars françaises l'a également aidé à trouver son public. Pour ma part, sans vouloir cracher sur elles à tout prix, je ne suis pas spécialement fan des acteurs du film, certaines d'entre elles m'ont même tendance à m'agacer la plupart du temps. Vu qu'avec Dolan, j'aime ses films une fois sur deux, le début du film m'a fortement inquiétée pour être honnête. La liste des potentiels défauts apparaît alors très rapidement : gros plans (le truc qui m'épuise selon les films, n'est-ce pas Kechiche ?), effet théâtral, personnages qui semblent clichés, hystérie et disputes en vue, évocation de la maladie etc. De plus, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la série Six Feet Under (même si finalement il s'agit d'un schéma assez courant) : juste une mère encore à la tête de la famille, un frère homosexuel (on pense à David Fisher) et qui revient chez lui après es années d'absence (comme Nate Fisher) et une soeur (à la Claire Fisher) un peu rebelle sur les bords qui connait très mal son frère aîné. Durant une bonne première partie du film, l'intrigue s'installe, on apprend à connaître les personnages mais en terme d'intrigue, on ne peut pas dire qu'on soit très avancé à ce stade du film. Finalement, petit à petit, je me suis surprise à être captivée par ce long-métrage, à me sentir concernée par le sort des personnages, à être bouleversée tout simplement. Je ne sais pas comment a fait Dolan pour réussir à montrer autant de vrai alors que tout aurait pu sonner très faux. Même si je n'aime pas nécessairement tout ce qu'il fait (même si encore une fois j'adore aussi certains de ses films), on doit aussi lui reconnaître une maturité pour comprendre les gens et les relations entre eux, notamment familiales.

Juste la fin du monde

On peut aussi reconnaître à Xavier Dolan une autre qualité, qui me semble très importante pour un réalisateur voire même pour un artiste tout simplement : il sait traiter des thèmes qui lui sont chers depuis le début de sa carrière (l'homosexualité, la différence et surtout les relations familiales voire même les relations entre mère et fils) tout en essayant de se renouveler. Mine de rien, il y arrive. Je ne me dis jamais avec lui (pour l'instant) qu'il fait systématiquement la même chose (même lorsque je n'apprécie pas nécessairement une de ses oeuvres). De plus, Dolan a déjà travaillé sur un texte de Lagarce, sur le travail d'adaptation d'une pièce théâtre. Pourtant, j'ai trouvé le résultat différent de Tom à la ferme. Est-ce lié au travail d'origine de Lagarce (vu que Dolan a tenu à conserver les dialogues originaux) ? Il faut en tout cas savoir que la pièce de Lagarce (qui avait été au programme du baccalauréat et même de l'agrégation pour la petite anecdote) avait une dimension autobiographique : il l'a écrite en se sachant atteint par le sida. Même sans connaître cette information, on sent qu'il y a un quelque chose de vrai dans ce qui est écrit. Finalement, j'en suis arrivée à la conclusion suivante : toutes les choses qu'on pourrait reprocher à Juste la fin du monde (reproches compréhensibles) seraient certainement volontaires et assumées par Dolan. Certes, les choix adoptés par le réalisateur québécois pourront fortement déplaire à certains spectateurs. Ils auraient pu me déplaire. On peut voir les ficelles, où Dolan veut en venir par les différents procédés qu'il met en place. Son film a quelque chose qui a l'air " simple " (et effectivement, il est accessible) et pourtant, par ces fameux procédés, il est bien plus complexe qu'il en a l'air. Dolan signe alors une oeuvre forte autour de la mort, pas uniquement physique. Il parle de la mort de la communication et pire que cela : la mort de la famille. Le langage ne passe pas uniquement par des dialogues extrêmement bien écrits : les plans, les personnages par leur stéréotype et leur apparence outrancière ou encore les choix musicaux (la playlist de Dolan reste toujours aussi pertinente et significative, contrairement à ce qu'on pourrait croire) pour ne citer que ces exemples en question sont finalement eux aussi un langage à part pour traduire ce problème de communication.

Juste la fin du monde

Par ailleurs, la fin du film m'a beaucoup plu, inattendue, et donnant encore plus de sens à un propos finalement universel. Il est intéressant d'observer (comme dans les autres films de Dolan, quand je vous dis qu'il reste cohérent avec ses précédents longs-métrages) un jeu avec le temps : on ne peut pas déterminer l'époque exacte. Le film peut très bien se dérouler de nos jours tout comme il pourrait visiblement se dérouler dans les années 90. Encore une fois, la musique a son importance tout comme le choix des costumes, voire même la photographie, lumineuse, qui donne parfois cette impression d'être dans un temps pasé. Enfin, Xavier Dolan est aussi un excellent directeur d'acteurs. Le film a d'énormes qualités, les interprétations en font partie, tirant encore plus l'ensemble vers le haut. Sur le papier, je n'aime pas vraiment les acteurs présents, en tout cas je ne vais pas voir un film pour eux. Je les ai trouvés tous très bons, que ce soit individuellement ou collectivement, alors que, paradoxalement, ils représentent une famille éclatée. J'ai même eu l'impression que Dolan avait réussi à transformer leurs défauts ou tics (pour moi) en un atout. Gaspard Ulliel m'a agréablement surprise dans le rôle principal, il est bouleversant, livrant une interprétation d'une grande sensibilité et subtilité. Pour être honnête, je serais vraiment heureuse qu'il remporte le César du meilleur acteur. J'ai l'impression d'avoir redécouvert cet acteur. Vincent Cassel me faisait peur, peur qu'il cabotine, qu'il soit dans son show. Les premières minutes m'ont effrayée. Mais petit à petit, l'acteur livre une performance sensible. Par ailleurs, je pourrais dire la même chose concernant Nathalie Baye : on redoute le côté show (notamment par son look outrancier) et au fil du film, elle dévoile quelque chose de plus profond. Marion Cotillard touche et étonne par sa grande douceur, sa timidité et sa sensibilité. Par ailleurs, elle fait aussi un très bon travail de langage (par son bégaiement) qui parait crédible à l'écran. Pour terminer, j'admets avoir encore eu du mal à Léa Seydoux : j'ai toujours l'impression qu'elle récite encore son texte, sa voix m'indique toujours une sorte de décalage. Cela dit, dans les scènes de dispute (durant la seconde partie), alors qu'elle aurait pu facilement être dans ce fameux décalage, être dans le surjeu, elle est étonnamment d'une grande justesse.

Juste la fin du monde

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