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L’Abbé Miroy – Tragique 12 février 1871

Publié le 11 février 2017 par Cantabile @reimsavant

L'Abbé Miroy - Tragique 12 février 1871.

Le récit des dernières heures de l'abbé Miroy, curé de Cuchery, est parvenu jusqu'à nous sous la plume d'écrivains-témoins tels Eugène Dupont, le bonnetier chroniqueur de la vie rémoise édité par Jean-Yves Sureau, Simon Dauphinot, maire de Reims durant l'occupation prussienne de la guerre de 1870, Henri Vidal qui détaille dans son récit " Le drame de Cuchery " tous les dessous mesquins de cette affaire, Victor Diancourt, qui écrit les douloureux souvenirs de cette période. Un autre homme a assisté de près le curé de Cuchery au long de son ultime parcours, c'est aussi un abbé, Jules Sacré, l'aumônier de la prison. Il en a fait un récit précis et poignant.

En ce dimanche 12 février 1871, " dimanche de la Sexagésime ", l'abbé Sacré reçoit à minuit l'ordre de se rendre à quatre heures et demi du matin à l'Hôtel de Ville de Reims. Le commandant prussien Von Rosenberg-Gruszynski ne précise pas l'objet de cette convocation mais le motif ne peut qu'être grave, certainement une exécution capitale.

A cinq heures trente, l'aumônier de la prison dont le coeur se serre reconnaît l'abbé Miroy dans l'accusé qu'il a en face de lui. Les deux confrères se retrouvent dans une salle pour entendre la condamnation à mort prononcée par le juge. L'abbé Miroy écoute la sentence : il avait vainement tenté de se défendre auprès du gouverneur. Après un instant de silence, il s'enquiert du jour et de l'heure de l'exécution : " Aujourd'hui, tout à l'heure ". L'armistice est pourtant signé depuis le 29 janvier mais comment protester devant les armes?

L’Abbé Miroy – Tragique 12 février 1871

On laisse les deux prêtres seuls dans une pièce étroitement surveillée, l'un écoutant l'autre en confession et le préparant à cet instant capital pour tout individu, celui de sa mort. L'abbé Sacré admire, écrit-il, le sang-froid et la grandeur d'âme de son confrère qui n' a " ni défaillance, ni larmes, ni plaintes, ni récriminations ", pas même un mot contre ses dénonciateurs. Les prières se succèdent ; l'abbé Miroy interrompt leur cours par une simple demande : " parlez-moi plutôt, j'aime mieux cela ".

L'heure du départ approche et " les choses de la conscience étant terminées ", le condamné couche ses dernières volontés sur le papier d'une main qui ne tremble pas. Il confie à l'aumônier quelques objets personnels accompagnés de recommandations puis les deux prêtres montent dans un omnibus de ville au milieu d'un imposant cortège de soldats. Les roues font un bruit assourdissant sur les pavés et l'abbé Miroy regrette de ne pouvoir marcher à pied pour pouvoir parler encore.

A l'arrivée sur le lieu d'exécution, un mur du cimetière du Nord, l'officier qui commande le peloton militaire demande son nom au condamné puis lui dit d'un ton tremblant qu'il est obligé de faire son devoir. Lui et ses hommes sont catholiques eux aussi, leur hiérarchie l'a choisi volontairement ainsi, et leurs sentiments religieux se heurtent à leur devoir d'obéissance.

L'abbé Charles Miroy leur pardonne à l'avance ; il serre la main de l'officier et dit " Faites ". Un soldat propose un bandeau blanc. Le prêtre hésite puis répond " oui, il ne faut pas d'ostentation ".

Les ordres jaillissent, les fusils claquent et le curé de Cuchery tombe foudroyé par les balles prussiennes.

Le corps est inhumé dans une fosse commune devant une foule émue qui a forcé l'interdiction de pénétrer dans la nécropole. Un employé du cimetière plante une croix de bois avec une inscription " Ici repose le corps de l'abbé Miroy ... victime de son noble dévouement à la Patrie ". La municipalité rémoise détermina une tombe individuelle, la population champardennaise ouvrit une souscription et le sculpteur René de Saint-Marceaux réalisa un Gisant de bronze dont le réalisme romantique a ému de nombreuses générations depuis 1873 : la tombe de l'abbé Miroy a été constamment fleurie par des anonymes jusqu'en 2006, date de son retrait pour cause de sécurité.

L’Abbé Miroy – Tragique 12 février 1871

Nous voulons revoir l'effigie de Charles Miroy, curé de Cuchery, pour que les paroles prononcées le 17 mai 1873, jour de l'inauguration du Gisant, par le maire de Reims, Simon Dauphinot, restent vraies " Nos enfants, en contemplant ce bronze funèbre, apprendront à détester la guerre et ceux qui l'infligent à l'humanité ".

Merci aux services de documentation et aux personnels qui les gèrent avec compétence et passion à la bibliothèque Carnegie et au musée des Beaux-Arts de Reims.


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