Magazine Cinéma

[Critique] LOVING

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] LOVING

Partager la publication "[Critique] LOVING"

Titre original : Loving

Note:

★
★
★
★
½

Origines : États-Unis/Angleterre
Réalisateur : Jeff Nichols
Distribution : Ruth Negga, Joel Edgerton, Marton Csokas, Nick Kroll, Jon Bass, Michael Shannon…
Genre : Drame/Romance
Date de sortie : 15 février 2017

Le Pitch :
Mildred et Richard s’aiment. Rien de plus normal. Sauf pour les ségrégationnistes, qui voient d’un très mauvais œil le fait qu’un homme blanc se marie avec une femme noire. En Virginie, l’état où le couple vit, les autorités se décident rapidement à intenter une action en justice. Forcés de s’exiler dans un autre état plus tolérant envers les couples mixtes, Mildred et Richard ne vont pas cesser de se battre, bientôt rejoints par une association œuvrant pour les droits civiques…

La Critique de Loving :

Convaincu par une équipe de producteurs (dont fait partie l’acteur Colin Firth) désireux d’adapter sur grand écran l’histoire des Loving, ce couple persécuté par l’état de Virginie à la fin des années 50, Jeff Nichols s’est exceptionnellement investi dans un projet dont il n’était pas l’instigateur. Touché par le destin de cette femme et de cet homme, qui lui permettait d’aborder la question des unions mixtes dans l’Amérique divisée des années 50, le cinéaste a par ailleurs également écrit le scénario. Il s’est véritablement approprié le récit, pour l’inscrire au final dans la continuité de ses précédentes livraisons. Loving est donc un film qui lui ressemble. Pour le meilleur…

Loving-Michael-Shannon

Une véritable histoire d’amour

Loving, même si son titre donne finalement une indication assez précise quant à la nature des sentiments qui sont reprochés aux personnages principaux (alors qu’en fait, il s’agit de leur nom de famille), est une vibrante romance. Pas dans la grande tradition américaine du genre, à la Autant en Emporte le Vent mais bien une histoire d’amour que Jeff Nichols filme avec une pudeur aussi précieuse qu’extrêmement pertinente. Mildred, et surtout Richard, son mari, ne sont pas de grands causeurs. Leurs sentiments ne s’expriment pas nécessairement avec des mots mais au fil de gestes pleins de tendresse et de regards. Nichols est un cinéaste intéressé par le silence. Par les visages et par leur propension à exprimer ce que le verbe échoue parfois à souligner. C’est donc presque logiquement qu’il se saisit du destin de ces deux âmes sœur avec une délicatesse qui non seulement leur rend justice, mais parvient aussi à saisir l’insaisissable. À l’écran, l’amour est de tous les plans et souvent, l’émotion s’en trouve amplifiée, sans excès et sans artifices parfaitement inutiles.

Persécution

Loving débute dans la douceur. On apprend à faire connaissance avec Mildred et Richard, ainsi qu’avec leur entourage. Le scénario ne va pas essayer de replacer leur relation dans un contexte particulier. C’est quand arrive le mariage que Jeff Nichols fait intervenir l’opposition, personnifiée par une justice raciste, fermement opposée à l’union d’une femme noire et d’un homme blanc. Que ces derniers aient des enfants ne change rien. Mais encore une fois, cohérent jusqu’au bout, Nichols n’appuie pas. Il n’insiste pas et n’adopte pas la même posture que bien des œuvres traitant du racisme à cette époque aux États-Unis. Il filme toujours avec la même douceur une lutte pourtant viscérale contre une société empêtrée dans des contradictions inextricables et des préjugés malsains. Il reste près du couple et rend hommage à leur résilience et à leur force commune en se refusant à toute forme de sensationnalisme, déroulant les différentes étapes de son récit avec une fluidité qui force le respect.
Il émane ainsi du combat des Loving une vraie poésie. Parfois sombre mais jamais totalement car chez Nichols, même si ce n’est pas toujours évident, la lumière parvient à un moment ou à un autre à percer.
On peut bien sûr ne pas goûter à cette approche qui manquera peut-être de caractère pour certains spectateurs même si on a aussi le droit de penser que c’est tout l’inverse. Que c’est justement cette faculté à parler de thématiques graves sans avoir recours à la violence ou à une quelconque autre forme d’illustration plus brutale, qui confère toute son éloquence au film. Si ce qu’il raconte n’a pas grand chose à voir avec Midnight Special, Mud ou Take Shelter, Loving s’inscrit dans la continuité au niveau de sa forme. Dans sa vision contemplative, nourrie d’une émotion contenue, d’une histoire dont le dénouement changea bien des choses.
Ainsi, Jeff Nichols finit d’offrir au récit l’universalité que son illustration méritait. Parfaitement cinématographique car superbement réalisé et photographié, écrit avec une sensibilité exacerbée, Loving n’en reste pas moins connecté avec son sujet et ne s’en écarte jamais au nom du spectacle.

Des acteurs au plus près de leurs personnages

La production eut la possibilité de filmer plusieurs scènes aux endroits même où vécurent Mildred et Richard Loving. Jeff Nichols a également tenu à caster des comédiens qui ressembleraient vraiment à leurs personnages. Ce qui ne l’a pas empêché de faire appel à son acteur fétiche, Michael Shannon, pour un rôle certes secondaire, mais que l’on remarque néanmoins. Toujours aussi magnétique, Shannon se tient à l’extérieur. En incarnant un photographe, il permet au film de parfois prendre un peu de recul et nous offre un autre point de vue.
Dans les rôles principaux, Ruth Negga et Joel Edgerton sont tout aussi remarquables. Leur alchimie saute aux yeux dès les premières minutes. Au service de l’histoire, ils rendent justice au combat de leurs personnages et donnent vie à leur amour au cours de séquences dont beaucoup, toujours sans trop de dialogues, dégagent une émotion dévastatrice. La force de leur interprétation est aussi dans cette capacité à incarner des ressentis sans forcément se reposer sur des mots.

Alors oui, parfois, Loving est un peu long. La rythmique accuse un petit coup de mou à mi-parcours. Rien de grave cependant. Pas de quoi décrocher car ce qu’il nous raconte prend bien souvent à la gorge. Avec une poignée d’autres films sortis cette année, ce poignant long-métrage plein de maîtrise fait écho à des problématiques malheureusement toujours d’actualité et s’avère donc indispensable.

En Bref…
Jeff Nichols réalise, quelques mois seulement après Midnight Special, un film d’une grande sensibilité, aussi bien mis en scène et écrit que parfaitement interprété par des acteurs en totale osmose. Loving est un film important. Une partition dont la douceur cache une force qui parvient à s’exprimer avec toute l’ampleur nécessaire grâce à une somme de talents dévoués.

@ Gilles Rolland

Loving-Ruth-Negga-Joel-Edgerton
  Crédits photos : Mars Films


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onrembobine 57561 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines