retour sur la vision naturaliste de Hermann
Dans ces genres, il a apporté sa patte graphique, certes, mais surtout son regard, qu'il situe au cœur de l'humain. Près des hommes, de leurs ambitions, de leur défauts et parfois de leur qualités, Hermann n'oublie jamais les motivations profondes de l'être humain, celles qui le poussent à agir, ou à ne pas agir. C'est ce regard sur l'homme sans misérabilisme mais sans distance, cette manière crue de présenter des personnages aux visages s'éloignant avec le temps des canons de beauté acceptés et aussi aux caractères différents, lâches, timides ou cyniques qui vaut à Hermann ce titre de « Naturaliste de la BD ». Ce regard cru s'accompagne souvent d'une représentation de la violence sèche, sans mise en scène extravagante mais rapide, dure, réaliste. Les personnages se tuent le temps d'une case, s'écroulent dans le noir, disparaissent ou laissent leur cadavres pour que d'autres les voient et 'interrogent, ou pas, trop habitué à un monde sans morale. Si ce regard cru accepte la violence comme faisant totalement partie de l'homme, quelle place accorde Hermann aux femmes ? Tout d'abord, dans la lignée de ses choix, il refuse toujours de dessiner ses top-model faire-valoir de héros. Si l'on retrouve certains mannequins dans ses premières séries, sous l'influence de Greg, il se détache assez vite pour dessiner des femmes imparfaites mais fortes. Des caractères tranchés comme leur visage, où la naïveté et la douceur ont malheureusement fait place à la rudesse qu'apportent les coups de la vie. Des dessins de nus de Hermann, hommes, femmes dotés de physique plus proche du réel que de l'imaginaire Pour mettre en scène tout cet univers, ou plutôt tous ces univers, Hermann choisit toujours les travailleurs. Au travers de ses récits, c'est le quotidien des basses classes sociales qui est représenté, l'atelier, le chantier, les repas, les douches, la vie de tous les jours. Et les situations qui en découlent, On découvre vite dans ces histoires comment les conflits des puissants retombent sur tout ce petit peuple qui tente durement de survivre. Cette condition humaine que Hermann traque et fait vivre au travers de ses cases, le dessinateur lui laisse la place d'exister, que ce soit dans les décors urbains durs, où la ville a tendance à engloutir ceux qui l'ont construite ou bien dans ses vastes paysages naturels, où l'homme retrouve sa juste place devant la nature, à la merci de cette dernière, des éléments ou de l'avidité de ses congénères, insensibles à la beauté qui les entoure.
Grand rôle donné aux décors dans l’œuvre d'Hermann Cette beauté que Hermann sait pourtant mettre en avant dans ses compositions, en jouant sur la mise en page mais aussi sur les silences, des nombreuses planches muettes émaillent les murs alors que je parcours cette magnifique expo. On peut comparer à loisir le travail de mise en scène d'Hermann seul avec celui pratiqué lors de ses collaborations avec Greg. Une grande part accordée aux collaborations avec Greg Car cette exposition ne lésine pas sur les planches originales, les dessins et on ne se lasse pas de regarder, avancer, revenir, examiner, d'autant que de nombreux textes explicatifs sont placés soit sur de grands panneaux, soit sur les petites étiquettes de présentation des planches. Etiquettes qui cessent vite d'être petites, tellement les infos sont denses. Et à côté de tous ces choix narratifs, visuels, philosophiques, il y a le travail graphique. Des grands encarts explicatifs, classiques dans ce type d'expo, mais bien faits En effet, un autre des thèmes abordé est la technique car Hermann n'a cessé d'évoluer, de tenter, de chercher, d'essayer. Un de ses gros travaux est celui sur l'ambiance et la lumière, son jeu avec l'air quand il est brumeux, enfumé, sombre, lourd de chaleur... Sculpter l'air selon l'atmosphère et la situation, placer la lumière selon l'effet recherché, deux des visions qui ont modelé le magnifique travail d'Hermann. Et la lumière fut... Et l'exposition s'intéresse forcément aux outils utilisés par l'auteur. Hermann a commencé au pinceau et à l'encre de chine, puis il a essayé le rotring, l'ArtPen, le grattage, le mélange pinceau et feutre, le crayon et l'aquarelle ! Tout y passe, mais reste le style de l'auteur au travers de tous ces essais fructueux. Le travail précis d'Hermann ressort d'autant plus en noir et blanc, regardez donc le mur derrière les personnages ! Ce travail de recherche visuelle existe aussi dans les couleurs. Au départ, elles étaient assurées par Fraymond, coloriste de talent. Mais Hermann a fini par tenter l'expérience de l'aquarelle en couleur directe, là où l'erreur ne pardonne pas et il a ainsi pu encore essayer, et essayer, toujours avec la boule au ventre de la petite erreur qui implique de tout reprendre. Cette bascule a eu lieu en 1995, avec l'album « Tango Sarajevo », que Hermann voulait démarquer de ses techniques habituelles pour rendre le message de la BD plus frappant encore. Et ce qui devait être une exception, ce passage à l'aquarelle et couleur directe, est resté après et l'auteur l'a fait sienne sur ses autres livres. J'ai été fasciné par cette aquarelle... Il m'est difficile de résumer tout ce qu'il y avait à voir entre ces quatre murs du l'espace Franquin. J'ai pris plaisir à découvrir le travail d'Hermann sous un autre angle, me rendre compte des thèmes qu'il abordait dans ses différents univers et surtout, j'ai adoré découvrir les différentes techniques de dessin. Les œuvres de jeunesse n'ont pas été oubliées ! Et avoir en plus de tout cela une longue vidéo qui nous présentait l'artiste au travail dans la création d'une planche, des premières lignes jusqu'à l'aquarellage directe était époustouflant. Si vous n'en aviez pas assez, le catalogue de l'expo, comportant la plus grande partie des œuvres présentées mais aussi et surtout la totalité des textes, était disponible. Bon, il vous en coutera quand même trente euros. Mais si vous êtes fan d'Hermann et même si vous ne l'êtes pas, en sortant de l'exposition, pour ne pas perdre tout ce que vous aviez lu ou vu, la question se pose vraiment. Le catalogue vu par le FIBD ! Une belle exposition, une magnifique mise en scène, mais pour moi juste un petit regret, pourquoi cette ambiance sombre et opaque ? Quand les lumières furent allumés, le temps du passage du ministre de la culture, on profitait tout aussi bien, et même mieux à mon goût, des œuvres originales exposées. D'ailleurs, le FIBD vous présente en vidéo cette exposition :
Que vous dire de plus pour finir ? Hermann, un auteur à découvrir ou encore à redécouvrir. Et pour entendre cet artiste, voici la rencontre internationale avec Hermann qui s'est déroulée au festival d'Angoulême 2017, plus d'une heure de discussion avec l'artiste : Merci le Fauve ! David
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