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Max | Pour toi Marie

Publié le 19 février 2017 par Aragon

Spécialement pour toi Marie Uguay,

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Les poètes meurent jeunes. La mise à mort d’un poète est éprouvante. Un poète n’est pas constitué d’os, de chair, de sang, d’humeurs, ordinaires. Un poète est constitué essentiellement de substance. D’une matière spéciale fort éloignée des os, chair, sang, humeurs qui fait que l’os se brise facilement chez le poète, la chair éclate, le sang a tendance à s’écouler à l’extérieur, les humeurs bile, lymphe, atrabile sont volatiles, le corps d’un poète est complexe et compliqué, il a du mal à demeurer tel quel, c’est plus fort que lui, le corps d’un poète est presque inutile, le poète ne ménage hélas pas son corps, il ne sait pas le poète, il ne sait se résoudre à respirer, tenir sur ses jambes, faire comme tout le monde, apprendre, vivre, travailler, faire comme tout le monde oui.

Le poète a une fâcheuse tendance à ne rien savoir et vouloir entendre de la vie ordinaire. Le corps du poète est comme un lest en montgolfière. Alors les os craquent et cassent, le sang s’altère, la chair se scarifie, les humeurs se transforment en vinaigre blanc et le poète s’envole et meurt et tout se passe après…

Dans des petites chambres où des gens lisent les poésies de ces poètes. Dans des petites chambres légères, effervescentes et joyeuses d’émotion et de silence. Dans des petites chambres, de toutes petites chambres. Les noms des poètes sont connus de ceux qui lisent leurs simples mots dans ces petites chambres. Un poète n’écrit pas forcément des vers, ce n’est pas du tout obligatoire. Un poète écrit toujours des mots. Des mots justes. Juste des mots qui touchent.

C’est ça la grâce accordée au poète, par qui ? Son pouvoir. Celui qui le reçoit, celui qui est touché par ses vers et ses mots en des parties intimes de lui-même, inconnues parfois, insoupçonnables, restera transformé à jamais. Le poète rend beau et vivant celui qui le reçoit.

Le poète est peut-être contenu dans ce saumon sauvage qui remonte le cours du temps, envers et contre tout, pour donner la vie et mourir. Le poète est un saumon.

Les noms des poètes sont beaux et remplis d’un mystère vivant. Le poète est toujours en relation avec celui qui l’invite chez lui, c’est une caractéristique du poète. Être en relation absolument parfaite, synchrone et juste. Toujours. Ils sont fixés partout dans ces petites chambres les poètes, aux murs et aux plafonds, sous le lit, dans une boîte à chaussures toute bête, les noms des poètes peuvent aussi s’accrocher aux portemanteaux, à un clou sur un mur. Dans la petite chambre où je dormais parfois il y avait Rabindranath Tagore, Paul Eluard, Jean-Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Fernando Pessoa, Paul Verlaine, Pablo Neruda, Jacques Prévert, Andrée Chedid, Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore, Sappho de Mytilène, Jack Kerouac, François Villon, William Butler Yeats, Etty Hillesum, Joë Bousquet, Yves Berger, Saint-Pol-Roux, Saint-Denys-Garneau, Saint-John Perse, Allen Ginsberg, Miguel de Cervantès, Michel de Montaigne, Léonard Cohen, Boris Vian, Gaston Miron, Hermann Hesse, Thomas Mann, Vinicius de Moraes, Sabine Sicaud, René-Guy Cadou, Blaise Cendrars, Francis Jammes, Neal Cassady, Luigi Pirandello, Arseni Tarkovski, Marie Uguay, oh ta voix Marie Il existe pourtant des pommes et des oranges Cézanne tenant d’une seule main toute l’amplitude féconde de la terre…

Les poètes meurent jeunes, douloureusement, émerveillés. Is vivent ensuite libres dans de petites chambres qui ne seront jamais bien situées, petites antichambres de cieux définitifs

  


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