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L’étrange lourdeur de la légèreté

Par Carmenrob

Comment aborder la chose? Commencer par dire ma déception? Sans vous inciter à mettre fin à la lecture de mon billet avant même de savoir de quoi il s’agit. Trop tard, le mot est lâché. Déception. Inversement proportionnelle à mes attentes. Et des attentes, j’en avais. Subjectives, comme toutes les attentes, bien entendu. Mais «va-t-elle accoucher?», pensez-vous devant cet obscur préambule. O.K. Voilà.

Je rêvais depuis longtemps de lire Jean D’Ormesson, membre de l’Académie française, publié dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Né, je ne le savais pas encore, Jean Bruno Wladimir François de Paule Le Fèvre d’Ormesson. Ayoye! Au su d’un tel nom, j’aurais dû me méfier. En plus, il porte le titre de comte. Noblesse de robe que l’on distingue de noblesse d’épée (voir Google pour plus d’information). Élevé dans des châteaux, dont celui de Saint Fargeau qui a appartenu, à une lointaine époque, à la Grande Demoiselle, duchesse de Montpensier, dauphine d’Auvergne, comtesse d’Eu et de Mortain et princesse de Joinville et de Dombes. Fille de Gaston d’Orléans et de Marie de Bourbon et petite-fille du roi Henri IV, elle était la cousine germaine de Louis XIV.

Pour ceux qui ne le connaissent pas (il n’y a aucune honte à ça), sachez que ce survivant de l’ère aristocratique écrit encore. Il a publié en 2016 un livre dont le titre m’avait beaucoup plu : Je dirai malgré tout que cette vie fut belle. Autobiographique. En principe, j’adore.

L’étrange lourdeur de la légèreté
Ce livre donc, comment le qualifier? Mémoires? D’Ormesson y parle de son enfance dorée, de sa jeunesse de fils d’ambassadeur dans divers pays, de ses études laborieuses, de sa carrière à l’UNESCO et comme directeur du Figaro. Comme l’homme a plus de 92 ans, il évoque forcément une autre époque qui débute durant l’entre-deux-guerres et la nostalgie d’une Europe qui avait été la patrie des nantis et des biens nés, réalité, sinon utopie, qui allait sérieusement prendre du plomb dans l’aile avec la Deuxième Guerre mondiale.

Tout cela aurait pu être passionnant si les trois quarts du livre n’étaient l’occasion d’une énumération sans fin de personnages parfaitement inconnus de moi et de plusieurs d’entre vous sans doute. Vous dire que l’index des noms occupe 10 % des pages!!! (Je l’ai lu en format numérique et c’est donc en pourcentage que l’on suit la progression de la lecture.)

La chose se présente sous la forme d’un procès. Moi (d’Ormesson) répond à son juge, Moi, en fait son Surmoi, d’accusations de légèreté, d’indifférence, de mondanité. Accusations que conteste plus ou moins le narrateur mais que sa défense tend pourtant à prouver, nous lestant d’une étrange lourdeur. On se tape en effet, durant près de 75 % du texte, un carnet mondain aussi lassant que le procédé littéraire mentionné précédemment. Et soudain, dans les dernières pages, une pirouette. L’auteur se met à nous parler des choses «essentielles» pour lui, que son juge aurait dû aborder plutôt. Son amour de l’eau, de la lumière, du temps, l’importance de la science, ses réflexions par rapport à Dieu. Le changement de ton et de contenu est tellement drastique qu’on en perd l’équilibre et que l’on ne suit pas nécessairement.

Ceci étant dit, certains pourraient trouver intérêt à cette oeuvre qui s’est vue couronnée du Prix Jean-Jacques Rousseau de l’autobiographie. Rien de moins. Il faut reconnaître à d’Ormesson, une grande culture, une plume élégante, un humour certain, une capacité d’autodérision appréciable. J’ai pris plaisir à certaines formules, d’autres m’ont fait rire. Émue? Non. Agacée? Souvent. Et je n’ai terminé cette lecture que par entêtement.

Pour des commentaires plus élogieux que les miens, voir sur Babelio et le journal La Croix, ou l’Express pour une critique plus sévère dans laquelle je me suis beaucoup retrouvée.

Jean d’Ormesson, Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Gallimard, 2016.


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