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« L’esprit français  » : les années rebelles

Publié le 04 mars 2017 par Pantalaskas @chapeau_noir

Si ce n’est son titre qui me dérange un peu, la jubilatoire exposition « L’esprit français » ne peut que nous donner davantage de regrets encore de voir arriver en 2018  la fermeture de La Maison Rouge à Paris. En prenant comme point de départ l’année 1969, l’exposition aborde « Une génération marquée par la pensée 68, qui mêle toutes les libérations politiques, sociétales, esthétiques et de modes de vie, sur fond de crise sociale et économique grandissante ».

Contre-cultures 1969-1989

Aussi le sous-titre de l’exposition « Contre-cultures 1969-1989 » indique avec davantage de justesse, me semble-t-il, le bouillonnement des idées, des actions, des créations qui se manifeste en cette toute fin des années soixante et début des années soixante-dix. Agitation, effervescence, subversion, les mots ne suffiront pas à cerner le phénomène de réplique observé après les secousses telluriques de mai 68. Car au-delà de la remise en question culturelle, la contestation sociétale touche au plus profond le regard sur notre vie. La prolifération des petites revues au service de ces causes subversives témoigne de l’enracinement de ce mouvement rebelle. Le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) fondé en 1971 proclame :  » Prolétaires de tous les pays, caressez vous ! « . Les artistes, pour leur part, participent à la remise en cause de principes bien ancrés dans cette France de l’époque.

« L’esprit français  » : les années rebelles

« Piège pour une exécution capitale » 1979 Michel Journiac

Alors qu’une très large majorité de Français considère alors la peine de mort comme un recours acceptable, Michel Journiac propose avec  « Piège pour une exécution capitale » (1979) une œuvre dont le parcours terrible aboutit aux pieds de l’échafaud.
Les peintres de la Coopérative des Malassis, en 1969, produit la fresque :  » Qui  tue ? ou  l’affaire  Gabrielle Russier  » en revendiquant une «Communication  critique  par  images» et en inventant « une pauvreté plastique ». On peut convenir aujourd’hui, je crois, que cette pauvreté plastique n’ a pas produit le même impact que ce que les peintres de la Figuration narrative ont réussi en associant l’objectivation photographique à leur peinture.

Le temps des « Objecteurs« 

L’exposition 72/72 initiée par Georges Pompidou au Grand Palais à Paris pour glorifier l’art contemporain de l’époque ( et le pouvoir rétorquent les opposants)  tourne au pugilat, divise les artistes. On ne peut oublier ces photos des Malassis, encore eux, brandissant  leurs toiles décrochées en protestation de « L’expo 72 », au nez des forces de police, manifestation du plus mauvais effet pour les autorités alors que la reine d’Angleterre était en visite officielle à Paris.
C’est le temps des « Objecteurs » à l’image de Daniel Pommereulle très bien représenté dans l’exposition avec ses Objets de prémonition, ses films d’artiste, expressions d’un artiste visionnaire pour un art déjà relationnel. Quand bien même des choix sont compréhensibles, on peut cependant s’étonner de l’absence dans ce vaste panorama des idées, du Lettrisme et du Situationisme, dont les militants tout feu tout flamme n’ont pas manqué de se manifester dans ces années turbulentes. C’est égalerment le titre même de l’exposition qui peut prêter le flanc à la critique. Envisager l’évocation des artistes en France dans une période donnée permet il de cerner un « ‘Esprit français » ? Toutes les propositions de ces mouvements sortis des années soixante tendent à des valeurs universelles sur la vie des hommes et des femmes, ambitionnent une dimension internationaliste et se retrouvent notamment dans d’autres pays d’Europe à la même époque. Ces années rebelles portées par les idées jaillies de mai 68 abolissent les frontières, ne s’accrochent pas à des références culturelles d’un pays. Les contre-cultures judicieusement mises en valeur dans l’exposition dépassent toutes les valeurs nationales et cocardières. Hara Kiri  fait d’ailleurs de cette cocarde un impressionnant coquard sur l’œil de Marianne comme pour mieux stigmatiser toute volonté de se recroqueviller derrière les couleurs du drapeau;

Photos: La Maison rouge

L’esprit français, Contre-cultures, 1969-1989
24 février 2017- 21 mai 2017
Maison Rouge
10 Boulevard de la Bastille
75012 Paris 12


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