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L'inconnue à la parka framboise

Publié le 07 mars 2017 par Desfraises

C'est un temps à ne pas mettre un orteil hors de la couette, il pleut il vente il giboule je descends la rue Émile Richard qui perce le cimetière du Montparnasse pour atteindre le métro Raspail, la ligne 6 subit une nouvelle avanie, j'appelle pour signaler mon retard à mes collègues, je me plonge dans un roman pour fuir ce tableau peu ragoûtant.
Renfrogné dans mon costume trois pièces, je sens un timide tapotement sur mon épaule droite. Ma voisine s'enquiert de ma lecture. Je ne sais pas rabrouer la curiosité d'une inconnue, je réponds aux questions de la dame.
- Combien ça coûte ? dit-elle en désignant ma liseuse.
- 100€ environ.
- Ça fait 1000 dirhams.
- Vous voulez vous acheter une tablette ou une liseuse ? Ça c'est plutôt pour lire des romans, par exemple.
- Ma fille travaille bien, je veux lui offrir quelque chose de bien, d'utile.
- Quel âge a votre fille ?
- 19 ans.
Tandis que le métro nous véhicule sous un Paris morne et tranquille, la conversation impromptue nous emmène au Maroc dont la dame emmitouflée dans sa parka framboise évoque les saveurs, les couleurs.
- Les gens y sont gentils. Bon... c'est comme partout, à Paris ou à Maroc, y a des voleurs partout.
Je sens dans ses propos qu'elle compose avec les clichés dont sont victimes ses compatriotes. Elle s'excuse d'ailleurs des portes ouvertes qu'elle enfonce. Que j'enfonce avec elle.
Comme elle a trouvé un compagnon de voyage plutôt disposé à parler, le temps des quatre arrêts qu'il nous reste à combler, elle me dit qu'elle a voyagé, commencé par changer les draps dans les hôtels, puis s'occuper des petits-déjeuners, a commencé tout en bas avant d'acheter son petit hôtel puis d'aller rejoindre son fils à Boston en Amérique. Puis elle est revenue à ses premiers amours, Paris.
Il est temps de nous dire au revoir. Elle me remercie d'avoir papoté avec elle, les gens ne se parlent plus, dit-elle, mais si mais si, je réponds. Au revoir madame. Au revoir monsieur, dit-elle en refermant sa main sur mon bras comme pour me garder encore un peu avec elle.
Sur le chemin me conduisant au boulot, sous le déluge des giboulées de mars, je garde au chaud le sourire ardent de l'inconnue.

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