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514ème semaine politique: Macron, Le Pen, les deux faces d'un vote inutile

Publié le 11 mars 2017 par Juan

514ème semaine politique: Macron, Le Pen, les deux faces d'un vote inutile  

Où il est question de la fascinante et terrifiante progression d'Emmanuel Macron, de la fin de la politique, de l'impasse frontiste qui fait florès et du sort de l'insoumission. 

Macron, le nouveau vote utile ?
514ème semaine politique: Macron, Pen, deux faces d'un vote inutile Emmanuel Macron, jeune inconnu il y a 5 ans, est devenu le favori d'une course présidentielle improbable. L'ancien conseiller de François Hollande a été l'architecte clandestin d'une politique hollandaise si réussie que le locataire élyséen a préféré jeter l'éponge. Macron refait le jeu de la rupture dans la continuité qui avait tant réussi à Sarkozy en 2007. La répétition historique est fascinante. Chirac s'était vite laissé débordé par son ex-ministre qu'il par ailleurs exécrait depuis sa trahison balladurienne de 1995. Hollande s'est laissé débordé par son jeune ministre Macron qui a claqué la porte sur des désaccords politiques que l'on cherche encore. Il y a moins de différences politiques entre Macron et Hollande qu'il n'y en avait entre Sarkozy et Chirac. Second point de fascination, le ralliement des socio-libéraux de tous bords qui hier étaient coincés dans leur logique d'appareils (quelle Grande Clarification !) mais aussi des opportunistes et autres poulets effrayés à l'idée de tout perdre puisque leurs chantres "naturels" (Fillon, Hamon) sont très mal en point.

Bien sûr, Macron vaut mille fois mieux et bien davantage que Marine Le Pen. Mais Macron pose trois questions politiques terrifiantes.
Primo, Macron défend un programme disqualifié par deux quinquennats ratés. En matière économique, les promesses de Macron n'ont rien à envier aux actions de Sarkozy et Hollande réunis. A l'exception de quelques mesurettes anecdotiques, on cherche encore les traces d'une innovation. Macron incarne le droit chemin vers davantage de libéralisation, en faveur des plus fortunés et aux détriments des plus précaires, des moins habiles, des moins dotés, à qui l'on promet le "ruissellement" de quelques gouttes de richesses quand les plus riches se seront encore davantage enrichi.
Sa petite cote sondagière est à cet égard à peine surprenante: il y a certainement au moins un quart de l'électorat, à droite avec Sarkozy en 2007 et à gauche avec Hollande en 2012, pour penser que cette voie est la bonne malgré des milliards gaspillés pour rien en réduction de cotisations sociales et l'aggravation lente mais réelle de la pauvreté.
Secundo, de quelle majorité politique Macron sera-t-il le leader, s'il est élu en mai prochain ? L'UMPS ressuscitée ? Nul ne sait. Il emprunte à tous, de Sarkozy (cf. la suppression des indemnités chômage après deux refus d'offres "raisonnables" d'emploi) ou Hollande (la baisse du coût du travail), à Juppé (la réduction des emplois et services publics). Il veut même rembourser à 100% les soins dentaires et d'optique, comme ce que les éditocrates qualifient d'extrême gauche.
Macron prétend que les libéralismes version Sarkozy et Hollande étaient trop timides ou mal exécutés. Sur les terres de Juppé cette semaine, il fustige le "revenu universel" cher à Benoit Hamon "qu’on ne sait pas financer ". Sur France 2, il prône le passage à un système variable de retraite par point et non plus par répartition. Il s'agit de rassurer les ex-juppéistes, libéraux et autres ralliés de droite qui pourraient s'inquiéter d'un glissement à gauche après les récents soutiens du maire communiste Braouezec ou du "socialiste" Delanoë. Quelle est la vision politique commune entre Madelin, Hue, Delanoë et Minc ? Macron braille depuis des mois que ses supporteurs sont là pour son projEEEt, mais il n'a dévoilé que très tardivement ce fichu projEEEt. Et l'on n'est pas déçu par l'eau tiède qui en ressort...
Tertio, qui pense que Macron a quelque chance face à l'Immonde ? L'ex-leader écologiste Daniel Cohn-Bendit s'est rallié à l'ancien banquier car il est persuadé que Macron rassemblera gauche et droite contre Le Pen mieux qu'un Hamon ou un Fillon. Bertrand Delanoë, l'ex-maire de Paris, ne dit pas autre chose. Une petite foule des récents ralliés à Macron répond à ce même réflexe du vote utile contre l'extrême droite. On peut au contraire défendre l'inverse. Emmanuel Macron n'incarne rien qui réponde aux inquiétudes qui précipitent une trop grande fraction des électeurs vers l'extrême droite. Il incarne même tout l'inverse. Il défend tout l'inverse. Il est tout l'inverse: l'aggravation d'une politique nationale libérale qui précarise davantage le plus grand nombre. Qui peut nier la rage qui s'exprime dans le vote frontiste, la France insoumise, les frondeurs qui remportent la primaire socialiste, le faux gaulliste Fillon qui dégomme Juppé avec le soutien des sarkozystes dans la primaire de droite ?
Qui peut penser que Macron peut rassembler ces rages sur le seul argument du "vote utile" ?
Macron est d'abord un vote inutile.
L'impasse Le Pen
Le FN sent le danger. Vendredi, ses sbires lancent l'offensive sur les réseaux sociaux. Le hashtag #LeVraiMacron rassemble des arguments moins contre le programme que la personne de Macron. L'extrême droite ne change pas. Dans cet "effort" nauséabond, le FN est aidé par une caricature de Macron dessiné en banquier coiffé d'un haut-de-forme et nez crochu, publié par les Républicains, puis vite retirée. Le parti de Fillon présente Macron "avec les codes de l'iconographie antisémite" des années 30. La démarche est immonde, mais qui sera surpris ? Ce n'est pas la première fois que ce parti qui se réclame du Général de Gaulle casse les digues morales et politiques qui le séparait jadis des héritiers du pétainisme et de la Collaboration.
Le FN se démène donc le candidat Macron: "#Macron est tellement "anti-système" que tous les chantres du mondialisme le soutiennent." écrit Nicolas Bay. "#LeVraiMacron la voix de ses maîtres ! #UE #Merkel" tweete Florian Philippot.  "Derrière #Macron, les personnalités dont les Français ne veulent plus : le communiste Hue, la girouette Bayrou et Kouchner !" renchérit Stéphane Ravier, maire FN du 7ème arrondissement de Marseille. 
Vendredi, Marine Le Pen évite ses juges. Les mises en examen dans son entourage se succèdent. Après Frédéric Chatillon pour abus de biens sociaux dans une affaire de fraude au financement public des campagnes électorales (le gars est soupçonné d'avoir surfacturé le matériel de campagne du FN), voici deux autres faux assistants parlementaires du FN qui sont mis en examen pour emploi fictif. La blonde présidente veut "remettre la France en ordre" (slogan de campagne), mais sa France blanche et judeo-chrétienne la place au-dessus des lois, avant, pendant et après l'élection. Que faut-il retenir ? Que le simple citoyen en mal avec la justice devrait lui aussi refuser de s'y plier quand les enquêtes n'arrangent pas son calendrier professionnel ou personnel.
Le Pen promet d'appliquer "la tolérance zéro et en finir avec le laxisme judiciaire" (promesse numéro 17 de son programme), mais elle s'exonère elle-même ainsi que son parti.
"Le Pen annexe la droite" titre Libération. D'après un sondage très opportun, un sympathisant de droite sur deux n'est pas effrayé par une prise du pouvoir de Marine Le Pen. Comment en serait-il autrement. Depuis une décennie, la droite furibarde et malade de sarkozysme a cassé toutes les digues les unes après les autres qui la séparaient de l'extrême droite honteuse. Le sarkozysme n'a pas décomplexé la droite, il a décomplexé le FN et certains font mine de le découvrir aujourd'hui.
Le Pen a beau jeu de reprendre les mêmes propositions qu'hier Sarkozy a tenté d'appliquer: augmentation du nombre de places en prisons (promesse 20), suppression du versement des aides sociales aux parents d'enfants délinquants (promesse 18), double peine pour les délinquants étrangers (promesse 21), supprimer le droit du sol (promesse 27), sortir de l'espace Schengen (promesse 24), simplifier le code du travail pour les PME (promesse 44), alléger les droits de succession (promesse 56), "défiscaliser les heures supplémentaires" (promesse 64), "renforcer l'unité de la nation par la promotion du roman national" (promesse 97), supprimer la "discrimination positive" (promesse 99).
Le Pen a son lot de promesses creuses, parfois contradictoires, mais qui permettent d'alimenter la langue de bois de la candidate: ainsi promet-elle de "rétablir la sécurité en veillant à la protection des libertés individuelles" (sans préciser comment (promesse 12), "remettre de l'ordre dans nos finances publiques" (promesse 43), "sortir de la dépendance aux marchés financiers" (idem), "rétablir une véritable égalité des chances" (promesse 105),  ou encore "promouvoir les exportations agricoles" (promesse 130) malgré la sortie de l'Europe et la dénonciation de tous les traités commerciaux (sic!).
Bref.
Le Pen est aussi un vote inutile.
L'UMPS licenciée
Le Pen a capté l'essentiel des arguments xénophobes de la droite furibarde. Macron chipe les arguments libéraux. Que reste-t-il à l'UMP devenue les Républicains ? Pas grand chose. Un candidat obstiné qui s'acharne au milieu d'un cirque dont il ne mesure plus l'ampleur.
Désemparés, les deux candidats désignés de l'ancien camp dit de gouvernement s'enfoncent peu à peu. Hamon et Fillon sont les faux jumeaux d'une mascarade. Le premier droitise gentiment son discours pour tenter de convaincre les contingents de socio-libéraux effrayés. Le second a réussi à imposer le maintien de sa candidature au prix d'un énième drame.
On se souviendra en effet longtemps de cet effondrement cocasse. Le dernier épisode n'a pas déçu. Il est aussi croustillant et ridicule que les précédents.
Dimanche 5 mars, Fillon réussit à rassembler quelque 40 à 50 000 personnes sur la place du Trocadéro. Le lieu ne peut contenir davantage mais les sbires fanatisés de Fillon braillent que les manifestants sont 200 à 300 000. Cette "réalité alternative" a été rendue possible par la mobilisation des réseaux ultra-catho et anti-mariage gay de Sens Commun. Fillon est sur l'estrade, sous la pluie, à se prendre pour Jeanne d'Arc. Quand François Baroin le rejoint derrière le micro, on comprend que le clan sarkozyste reste soudé autour de Fillon. Nicolas Sarkozy a échoué à débrancher son ancien premier ministre. Il a tenté de convaincre Juppé de prendre Baroin comme premier ministre en échange d'un désistement de Fillon. Lundi 6 mars, le conseil politique des Républicains qui devait acter la démission de Fillon re-valide au contraire, et à l'unanimité, le mari de Pénélope. Fillon hérite de Wauquiez en directeur de campagne. Les sarkozystes reprennent le contrôle.
Mardi en meeting, Fillon clame sa volonté d'en finir avec le laxisme et "les voyous". La formule, dans la bouche d'un futur mis en examen pour emploi fictif familial sur fonds public, est croustillante. Mercredi, le Canard Enchaîné révèle que Fillo,n a oublié de déclarer un emprunt à taux zéro de 50 000 euros auprès du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, par ailleurs employeur de son épouse. Jeudi, pour la Journée internationale des droits des femmes, celui qui confiait sa réticence personnelle vis-à-vis de l'IVG et qui, par ailleurs, promet déremboursements de Sécu, travail partiel et allongement des cotisations retraite, ose déclamer en faveur de l'égalité hommes/femmes.
"François Fillon a affirmé avoir voté tous les textes qui ont permis la mise en œuvre de la loi Veil. (…) En fait, il a menti." Laurence Rossignol, ministre.
Vendredi, le candidat de la droite forte est pris en flagrant délire d'invention de fait divers. "Il finit par croire ses propres mensonges" confie un proche.
Fillon est un désastre pour sa famille politique.

Que reste-t-il ?
Mélenchon suit sa campagne, il travaille ses sujets. Il nourrit celles et ceux qui veulent bien. Loin du bruit, parfois dans l'indifférence médiatique. Méprisé par les grands médias, il est aussi malmené par le PCF qui renâcle à lui donner ses parrainages.  Mélenchon rappelle les fausses promesses du quarteron de chefs d'Etat européens, dont Hollande, rassemblé à Bruxelles.
Samedi, Mélenchon est à Rome, il travaille au plan B mais il explique d'abord la dernière arnaque libérale du programme Macron en matière de retraite. Macron a promis de supprimer le système actuel de retraite par répartition, rien que ça. Qui en parle ? Pas grand monde.
A Rome, Mélenchon ne réclame pas la sortie de l'euro ou de l'Union. Il travaille au plan B, c'est-à-dire la constitution d'un rapport de forces favorable. Ce n'est pas gagné. Mais c'est au combien plus réaliste que les bêtises frontistes où la blonde Le Pen promet la rupture avec le monde extérieur ET la relance des échanges et des exportations "nationales" (?); que les outrances néo-libérales d'un Macron ou d'un Fillon qui chantent que "tout va très bien", ou de la naïveté coupable d'un Hamon qui clame son amour de l'Europe sans rien d'autres.
"Si la France devait sortir de l’euro, la zone euro et même l’Union européenne exploseraient." Jacques Généreux.

Ce n'est pas gagné, mais c'est la seule voie.
Ami(e) citoyen(ne), ne pars pas.
Cette campagne présidentielle sera ubuesque jusqu'au bout.



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