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Acte II, scène 2

Publié le 07 juin 2008 par Pffftt

- C'est la suite ?
- On peut dire ça...
- T'en a chié ?
- Que dalle...
- T'as fait ça quand ?
- L'autre nuit là, celle où y avait le big orage...
- Ton pc d'allumé??
- T'es dingo toi, j'ai fait sur mon carnet! Au bic et à la bougie, comme Victor Hugo !
- La plume nan ?
- Quoi la plume ?
- Ben Hugo c'était pas déjà le Bic quatre couleurs, si ?
- Trop con toi !
- Ouais mais trop bon aussi...
- Hum...c'est pas faux.

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"J'ai continué d'avancer dans ce qui semblait être ma vie. Il ne se passait rien.
Ouais, on peut dire rien.
Le soir je rentrais et ce con de clébard venait se frotter à ma guibole. Je lui ouvrais la porte sur cour et il sortait pisser en jappant.
Je décapsulais une binouze, clope au bec éteinte, et l'enveloppe kraft de Lila trônant crânement sur le vieux frigo me narguait.
Il faisait de plus en plus chaud et moite. L'été caniculaire nous déglinguait le cerveau et mon désespoir de merde me reprenait comme un vieil herpès que même Zovirax n'aurait pu calmer.
Je restais con, et aussi...lâche.
Mais la trouille au bide, qu'est-ce qu'on y peut finalement ?
Sans doute on se la coltine à vie, quand on est trop ou pas assez con.
Sans doute.
J'ai allumé le ventilo et ce connard de truc a fait du vent.
Un peu trop.
Et l'enveloppe a suivi le courant d'air tiède, elle est tombée sur le carrelage.
Je me suis baissé tout en espérant le lumbago qui aurait mis fin au truc, mais non, rien.
Foutu pour foutu. J'étais un type en grande forme physique.
Je me suis installé sur la terrasse. Enfin la dalle de béton que j'avais coulée l'été d'avant, avec une bande de bras cassés, à boire de la Kro entre deux pelletés. Le chien y avait laissé son empreinte au centre : Hollywood Boulevard.
J'ai décacheté.
L'odeur de figue m'a sauté à la gueule.
Dans l'enveloppe, il y avait son numéro de portable, et puis une liste de noms, d'adresses, de coordonnées, des croquis, un début de roman, une photo de la grande ville la nuit et un plan Michelin.
Une vieille quinte de toux m'a fait cracher une vulgarité.
J'ai lâché prise une deuxième fois, et dieu m'est témoin comme jamais, que cela m'a fait une violence inouïe de lâcher prise une autre fois...une vilaine fois de trop, encore...
J'ai composé son 060712 et le reste.
- Bonjour Rob.
- Je vous derrange?
- Non.
Sa voix si fine et aussi transparente...elle n'avait peut-être jamais souffert en vrai cette fille...je rêvais de l'âge d'or à ma porte...il frappait à travers elle, et après ?
Ouvre donc pauvre con !
Elle a dit :
- C'est quoi votre vrai prénom?
- Denis.
- J'aime.
Oui, elle a répondu ça. Juste ça.
J'aime.
Moi non. Putain de gamine!
- Et vous ?
- Quoi moi ?
- Votre prénom ?
- Lila.
- Et sinon ?
- Rien d'autre que Lila.
- Merde, je ne voulais pas être lourd...désolé.
- Cool, pas de mal.
Gros naze! Tu vas tout faire foirer! Je me suis mis à chercher une corde virtuelle. Mais y avait rien à proximité de mon cou de déglingué. Alors vite fait, j'ai changé de cap.
- Ils sont qui tous ces gens dans l'enveloppe?
- Ils sont votre nouveau job.
- Hum...je sais pas moi, je ne suis pas bien sûr d'en avoir envie de votre job là comme vous dites...
- Vous avez du travail Denis...jetez-vous tout entier cette fois, ça en vaut la peine...vraiment.
- Vous pourriez me le promettre ce genre de connerie ?
- Oui je pourrai faire ça Denis.
Et là, d'un geste comme elles le font toutes, elle a raccroché.
Rideaux.
Le drame de toute ma chienne de vie.
Au final et en y pensant mal, je n'avais que deux options. Aucune qui me plaisait.
Si je me mettais au taf, elle poursuivait son oeuvre et je risquais le craquage de coeur et de tout le reste.
Sinon.
Je me suis dirigé de nouveau vers mon ami le frigo, j'ai sifflé une autre bière, les yeux rivés sur le vide du mur.
Etre vide, redevenir automate, c'est ce genre d'absolu que je m'étais promis de m'offrir.
J'en voulais plus d'avoir la trique pour une de celle...nan, j'en voulais plus.
Juste rester automate, vide, mais au moins, la paix.
J'ai foutu l'enveloppe et son contenu dans la poubelle, celle de dessous l'évier.
Tri séléctif de merde.
J'ai pensé assez vite : on est mardi.
Sur la porte des chiottes où je me suis assis, le calendrier des éboueurs indiquait le ramassage pour vendredi.
Et ça m'a donné presque envie de gerber...presque.
Une fois encore, j'me suis décidé à disparaître pour le reste de la nuit...le Bourbon ferait bien l'affaire.

Quoi d'autre ?"


Acte II, Scène 2.


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