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Du domaine des Murmures, Carole Martinez

Par Maliae

Du domaine des Murmures, Carole MartinezRésumé : En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son voeu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe… Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l’entraînera jusqu’en Terre sainte.

Avis : Ce livre est terrible. Terriblement prenant, pour commencer, avec une écriture très poétique et très belle, qui nous entraîne et nous plonge dans l’histoire immédiatement en posant le décor dans lequel va se dérouler l’histoire. C’est presque comme si on pouvait entendre Esclarmonde s’adresser à nous, nous raconter ce qu’il s’est passé, nous parler de sa vie. Une vie peu enviable, autant le dire. Esclarmonde refuse de se marier, et faut la comprendre, Lothaire, le mari que son père lui a choisi, est un sale type qui viole les filles et se prend pour un guerrier. Esclarmonde a peu de choix pour y échapper, et elle va sacrifier sa liberté pour la gagner (dis comme ça c’est bizarre, mais le fait d’être emmuré, c’est elle qui le choisi au moins, même si c’est un choix horrible). Les femmes à cette époque subissait des trucs dingues, j’avais déjà lu des choses sur ces femmes emmurées vivantes dans Je, François Villon de Jean Teulé, et c’est un sort vraiment peu enviable que ces femmes qu’on enfermait debout entre des murs et qui ne pouvait voir que le ciel. Esclarmonde s’estime presque chanceuse dans sa cellule puisqu’elle peut se coucher… C’est pour dire.

Comme si ça ne suffisait pas, l’horreur est telle qu’Esclarmonde se fait violer avant d’être emmurée. Elle se réfugie dans sa foi naïve, elle prie Dieu, laisse son esprit s’échapper de cette façon. Et loin de devenir folle, elle tient bon (moi au bout de deux jours on m’aurait ramassé à la petite cuillère). Elle va pouvoir apprendre beaucoup de choses, s’instruire comme elle ne l’aurait sans doute pas pu si elle avait été marié à Lothaire. Les gens vont compter sur elle, lui parler de leurs pêchés, de leurs voyage, tous ces pèlerins viennent de loin pour la voir. Et le pouvoir qu’elle a sur eux, permet en quelques sortes à Esclarmonde de garder l’esprit.

Et puis un autre événement va bouleverser sa vie. Un événement qui va tout changer pour elle.

J’ai adoré le personnage d’Esclarmonde. Elle est certes, très naïve, mais elle a un esprit tout de même acéré, elle peut être un peu manipulatrice même et elle a consciente du pouvoir que lui confère son emmurement. Son évolution est très intéressante et à la fois touchante et triste. L’histoire baigne aussi d’un peu de magie, de légende, de vision, et ça donne un côté un peu mystique, mais encore plus poétique d’une certaine manière.

C’est aussi un roman qui met les femmes en avant, les hommes sont des personnages secondaires dans cette histoire, et j’ai aimé voir ces femmes essayer de se battre contre un monde d’hommes, et vivre la vie qu’elles se sont choisis (ou pas).

Ce roman est à la fois très dur et en même temps très doux, et très très beau. J’ai passé une super bonne lecture et j’ai adoré.

Le détail qui tue : j’ai quand même rêvé qu’on m’emmurait à cause de ce livre…

Phrases post-itées : 
« J’étais posée comme une borne à la croisée des mondes »

« Mon fils vivait fort, il s’époumonait dans ma tombe. »

« Le monde n’était plus pour elle cette matière souple dans laquelle il fait bon se mouvoir, se plonger, cette matière dont on tire jouissance; le monde, autrefois délicieux, avait gelé et l’avait prise dans sa masse, elle y était incluse comme un insecte englué dans la cire d’une chandelle. »

« Et moi, j’étais entrée dans ma cellule comme en un navire, j’y avais essuyé des tempêtes, abordé des terres inconnues, j’y avais tout perdu et tellement espéré. Comment pouvait-on tant apprendre, tant changer, tant souffrir, tant vieillir, en si petit espace ? »

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