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Si notre vie ne tient qu'à un fil

Publié le 27 mars 2017 par Paulo Lobo
Le ciel me lance à la figure ses rayons dardés de lumière. Une grande surface barbouillée de bleu, clairsemée de stries claires qui semblent avoir été dessinées par un enfant à la naïveté confondante. Les éclairages publics soudain s’éteignent. Je vois sur le trottoir une jeune fille à la crinière teintée de bleu vert. D’un pas pressé, elle a quelque part un train à prendre. J’aimerais pouvoir l'accompagner, m’asseoir en face d'elle, la regarder et lui poser plein de questions. La lumière du matin doucement installerait autour de nous une atmosphère ionique. Nous recouvrirait de sa toile de lin délicate. Le bateau serait encore à quai; de l'autre côté, ce serait la grande ville, son agitation, sa fébrilité sa blancheur immaculée. Je n'ai plus le temps d'avoir le temps. Ô temps passé qu'il m'en souvienne, le flot perdu des souvenirs flous, des souvenirs fous, tout ce que j'aurais pu faire, tout ce que j'aurais du faire quand j'en avais encore l'occasion, tout ce qui est resté à l'état de rêve embryonnaire, une larve non éclose, j'étais trop près de mon immédiateté, je rêvais avec beaucoup trop de nonchalance. Alors que j'avais le terreau pour faire pousser ma vie d'après ! On n’a pas idée de tout ce qui nous attend quand on a 20 ans … Vous ne croyez pas si bien dire, les mots ont un pouvoir magique, un pouvoir secret, ce sont des tiroirs qu'il faut ouvrir et fermer et ouvrir et fermer jusqu'à ce que tout à coup quelque chose surgisse du néant. Comme les semences qu’on jette en terre en se disant si seulement ça peut donner quelque chose … Je suis un prisonnier du virtuel, je ne suis pas ici, mais je ne suis pas ailleurs non plus. Imbibé d’ondes vibratoires et de vagues migratoires, je me penche sur la grande question qui turlupine l’Humanité, d’où venons-nous, où sommes-nous et où allons-nous. Si notre vie ne tient qu'à un fil, il faut prendre gare à ne pas se promener là où les gens ont plein de ciseaux dans les mains.Je regarde un arbre très longtemps, longtemps, je concentre mon attention sur lui, son troc, sa base aussi sol, ses branches, son feuillage… Les oiseaux reviennent, c'est le bien. Et voilà que maintenant on veut nous faire porter des lunettes de réalité augmentée. Nous allons augmenter ou amplifier notre réalité, ce qui veut dire que nous allons déléguer la faculté de penser et d'imaginer à des machines avec des algorithmes. Des machines et des algorithmes qui nous connaissent comme le fond de leur poche et qui feront de nous ce que nous voudrons. Plus de temps perdu à rêvasser, plus de temps perdu à le perdre. Le prisonnier dans sa cellule pourra s'échapper, pendant certaines périodes de sa journée il pourra revivre sa vie ou celle d'un autre. Que faites-vous dans la vie ? Je suis fabricant de rêves. J'en fabrique beaucoup, des petits, des grands, des larges, des drôles et des moins drôles, des horribles et des terribles, des visionnaires et des prophétiques, des nostalgiques aussi…  Cela dépend du client, ça dépend aussi de ce qu’il veut ou de ce qu’il peut payer. Je trouverai toujours le rêve qui vous ira comme un gant. Comment faites-vous pour créer autant de rêves différents? Je m’instruis, je me cultive, je lis beaucoup et je voyage beaucoup, je prends, je m'accroche comme un vampire, j’emmagasine, je collectionne et puis c'est pas très compliqué, en fait le tout c'est de savoir vendre, c’est l’emballage. Vous rêvez d'aventures, de gloire et de succès, de grand amour ? Chez moi, vous trouverez votre bonheur. Il ne faut pas croire, ce n'est plus comme avant, ce n'est plus le métier plein de glamour, c’est devenu une activité gérée avec extrêmement de rationalité. Nos heures de travail sont fixées sur base contractuelle. Nous travaillons huit heures par jour pratiquement à la chaîne, selon les formules éprouvées. Il ne faut pas inventer la poudre, la roue tourne déjà toute seule, il faut juste suivre le mouvement…Il y a aussi de plus en plus de personnes qui sont prêtes à payer.
Plus on est cultivé, plus on rêve. Aujourd’hui, des gens instruits travaillent par millions dans des bureaux impersonnels. Ils ont été éduqués dans les grandes écoles et les universités. Ils ont appris à se droguer avec du rêve et de la culture.  Ils en ont besoin pour pouvoir tenir debout, enfin assis, plusieurs heures durant dans leur bureau, pour pouvoir supporter un système cadenassé et rigide, ils passent leur journée à exécuter des tâches anodines et cliniques. Ils rêvent de voyages et de soleil, de plage, d'aventure, de gloire et de communion avec la nature.

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