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Courbet, inspirateur de l’art contemporain

Publié le 27 mars 2017 par Savatier

Parmi les artistes du XIXe siècle, Gustave Courbet semble occuper, dans la démarche des créateurs contemporains, une place essentielle. Ni Delacroix, ni Ingres, ni même Manet ne parviennent aujourd’hui à égaler cette position singulière. Est-ce le rôle de dynamiteur des conventions qu’il incarna dans le champ artistique de son temps qui lui vaut cette popularité, ou bien l’extraordinaire pulsion de vie qui émane de ses toiles, ou encore son caractère d’éternel insoumis et transgressif ? Sans doute un peu des trois. Paradoxalement, lui qui, dans sa Lettre aux jeunes artistes de Paris (1861), se défendait de vouloir exercer un quelconque magister sur les générations montantes tout en présentant son manifeste du Réalisme, est devenu très tôt une référence, notamment pour Matisse.

Courbet, inspirateur de l’art contemporain

Et si l’on voulait en trouver une preuve, il suffirait de visiter l’exposition « Moi, Courbet » qui se tient jusqu’au 13 mai à la galerie Mathias Coullaud (12, rue de Picardie, 75003). Le titre n’a pas été choisi au hasard ; il souligne cette hypertrophie de l’ego qui faisait dire au peintre, devant quelques invités de Khalil Bey auxquels il montrait L’Origine du monde, acquise quelques semaines auparavant par le diplomate turc : « Vous trouvez cela beau… et vous avez raison… Oui, cela est beau… Oui, cela est très beau, et tenez, Titien, Véronèse, LEUR Raphaël, MOI-MÊME nous n’avons jamais rien fait de plus beau… »

Courbet, inspirateur de l’art contemporain

Une toile de Courbet occupe le centre de cette exposition, une déclinaison du Puits noir non datée, mais très probablement des années 1860 ; elle se distingue des versions déjà connue par la présence d’un pêcheur, détail assez rare dans les paysages du peintre, mais que l’on croise – parfaitement incongru à cet endroit précis vu que le poisson en est absent – dans la Source de la Loue de la National Gallery de Washington.

Courbet, inspirateur de l’art contemporain

Autour de ce tableau, Mathias Coullaud a réuni des œuvres d’artistes contemporains qui, il faut le préciser, ne furent pas toutes réalisées pour l’occasion et révèlent l’inspiration qu’ils puisent depuis des années chez le maître-peintre d’Ornans. Une Cascade de Valérie Sonnier répond au Puits noir. Un fusain de Scott Hunt reprend le thème de la Femme au perroquet (1866) ; lui fait face un nu de Jean Le Gac dont les cuisses ouvertes font référence à L’Origine du monde (1866) comme l’artiste l’explique dans un texte. Cette même toile mythique de Courbet inspire encore Jérôme Borel pour sa Visitation (dans laquelle on peut aussi trouver une communauté d’esprit avec Etant donnés de Marcel Duchamp), ou Olivier Colombard pour sa tapisserie Les Bestioles qui suggère une sorte de paysage vaginal. Si ces œuvres ont valeur d’hommage, il n’en va pas de même pour Prime Suspect Solange III (2013) de Dawn Mellor qui, avec un regard féministe militant, considère que L’Origine donne de la femme une image réduite à un sexe et un ventre, point de vue que partage, notamment, ORLAN. Point de désir, donc, dans cette toile puissante, mais un visage féminin souillé – « breneux et peu spermatique », pour reprendre les mots de Théophile Gautier dans sa célèbre Lettre à la Présidente.

Courbet, inspirateur de l’art contemporain

Une vidéo de Laurent Fiévet, L’Angélus, sur laquelle deux ouvriers munis de masses frappent une cloche, se rapproche à n’en pas douter des Casseurs de pierre (1849), toile aujourd’hui disparue. Le lien est encore plus facile à établir entre l’humoristique Chapeau Mr Forstner ! de Gregory Forstner et Bonjour Monsieur Courbet, aussi intitulé La Rencontre (1854, musée Fabre). Deux œuvres majeures, enfin, ne laissent guère planer d’ambigüité : la première, de Jean-Jacques Lebel, qui représente deux pin-up dont l’une tient un chien en laisse, est intitulée (clin d’œil à Magritte) Ceci n’est presque pas un Gustave Courbet (1964) ; la seconde, une grande encre de Chine sur toile, de Zoulikha Bouabdellah, Le Réveil de Courbet, revisite le tableau conservé au Kunst Museum de Berne (Le Réveil, 1866), lui-même directement dérivé de la grande toile saphique Vénus poursuivant Psyché de sa jalousie (1864) dont on a perdu la trace pendant la Seconde guerre mondiale.

Toutes ces œuvres sont fort bien mises en valeur par une scénographie dépouillée tout à fait bienvenue.

Illustrations : Gustave Courbet, Le Puits noir, © collection privée – Jean Le Gac, Sa venue au jour (elles sont devenues de nouvelles œuvres), 1998-2017, technique mixte, peinture sur toile, 73 x 92 cm, photos et textes 34,5 x 23,5 cm (chaque), Courtesy Jean Le Gac – De g. à d., Jérôme Borel, Visitation, 162 x 130cm, 2016, Courtesy Jérôme Borel ; Olivier Colombard, Les Bestioles, Shandell, 2016, laine, coton, lurex et latex, 70 x 110 cm, Courtesy Olivier Colombard ; Jean-Jacques Lebel, Ce n’est presque pas un Gustave Courbet, 63 x 84 cm, signé en bas à droite, technique mixte, JJL1964, Courtesy Jean-Jacques Lebel – Zoulikha Bouabdellah, Le Réveil de Courbet, 2017, encre de chine sur toile, 145 x 200 cm.

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