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La fashion populista

Publié le 14 avril 2017 par Gommette1
La fashion populista

Mercredi, les membres éminents (dont je fais parti en tant que vice président) du Comité Français de la Couleur se sont réunis pour définir les palettes de l'été 2019 : une éternité à l'aune d'une société de l'immédiat qui se consume dans la vacuité du court terme, mais tel est notre exercice ritualisé deux fois par an.

Pendant ces réunions prospectives, les échanges sont évidemment riches et parfois vifs, et s'ils portent sur la couleur, ils s'imprègnent fortement de l'humeur de notre société, s'enrichissent de réflexions sur l'état de la mode notamment. Reflet de notre socialité, la mode est censée habiller son époque, or, force est de constater que ce secteur ne parvient plus à se nourrir de son propre imaginaire pour nous faire rêver, penser un vestiaire innovant. Point frappant, la majorité des intervenants présents à cette réunion faisait référence au dernier Salon du Meuble de Milan pour étayer leurs intuitions et leurs visions " tendancieuses ". Le design domine aujourd'hui à un point tel que l'événement italien est envahi (jusqu'à l'indigestion !) de marques de mode et de luxe en vaine gesticulation existentielle qui se raccrochent à une modernité en germe qu'elles ne parviennent plus à incarner.

Face à ce constat, les causes sont multiples : la " mode jetable " des grands distributeurs qui a dédramatisé la création au point de la banaliser ; notre vestiaire du quotidien qui est dominé par la décontraction où un casual basique et un sportwear urbanisé se déclinent sur des vêtements essentiels que seuls quelques accessoires viennent chahuter ; et dernier point, la mode qui ne se porte plus, parce qu'elle s'exhibe sur Instagram ou sur YouTube, deux plateformes prises d'assaut par l'industrie de la mode, les marques planétaires les utilisant abondamment comme vecteur de communication " spectaculaire ", au sens de " frapper la vue ".

Face aux déversements journaliers - 350 millions de photos téléchargées par jour sur Instagram, 600.000 heures de vidéos uploadées par jour sur YouTube ! -, il est impératif d'émerger par n'importe quel moyen pour faire parler de soi. Les labels fashionables rivalisent alors d'effets de manches et d'images pour garder le contact, être en tête du voyeurisme numérique.

Quand Louis Vuitton convoque l'opportunisme artistique de Jeff Koons pour " signer " des sacs à main en détournant des œuvres de grands maîtres, il ne fait pas autre chose. Un vol (viol ?) d'images/imaginaires soutenu et justifié par le président de la marque Michael Burke : " Louis Vuitton est une marque transgressive depuis ses origines ", (in Figaro.fr du 11 avril). Ah bon ? Transgressive, vraiment ? Louis Vuitton est surtout une marque dont la performance est liée à sa maestria marketing, à une cour médiatique à ses pieds et à des incestes créatifs avec des personnages médiatiques comme Jeff Koons dont le talent de l'autopromotion atteint des sommets. " Certes, son travail suscite le débat... surtout en France, poursuit Michael Burke. Mais quand il expose à Beaubourg en 2015, il crève tous les records. Il y a les bien-pensants et le peuple. Et c'est le peuple qui vote. " Déclaration atterrante en ces temps de monter des populistes, mais il est vrai qu'aux premiers jours de l'élection américaine, Bernard Arnault, patron du groupe LVMH, est allé prêter allégeance au grand blond avec des idées noires. La mode n'est décidément pas belle en ce moment...

Images : Louis Vuitton/Jeff Koons


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