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Horizon(s)

Publié le 21 avril 2017 par Jean-Emmanuel Ducoin
Et si le vote "surprise" de 2005 se reproduisait le 23 avril, en plus «historique»? Horizon(s)Peuple. Chacun est l’héritier actif du présent; contemporains nous sommes. Alors, humblement mais sereinement, le bloc-noteur doit passer aux aveux. Les urnes étant des boîtes à multiples fonds, électoral, funéraire, et remplies d’espoir, elles recueillent – et depuis trop longtemps – nos rêves les plus fous et nos cendres emportées par les vents. À l’heure d’un vote si important, une forme de tétanisation nous gagne, une peur d’échouer si près du but, si près d’un basculement. Le miroir du temps et des déceptions accumulées incitent donc autant à l’utopie qu’à la prudence raisonnée. Instruits par les générations antérieures, nos désarrois de promeneurs solitaires nous préservent des croyances aveugles. Et, puisque l’histoire n’est pas l’étude du passé mais de l’homme dans sa durée, avec ses changements et ses mutations, plantons là l’ego-histoire: allons à l’essentiel. Précisément, à quel point en sommes-nous de l’histoire de France, si ce n’est pas là pour nous tous un non-sujet, et du peuple dit de gauche, si le mot ne paraît pas trop rétro? Le peuple? Oui, le peuple, en tant que destin long, ou plus exactement l’unité de ce destin. Les déboussolés de gauche, sans faire le détail de ses groupes et avec tous ses aggiornamentos, ont dans leur ADN un pacte avec la durée, parce qu’elle est transmission, transport d’une information rare au fil du temps, parce que le goût de l’aventure collective ne nous est pas tombé dessus tout cuit. Nous avons une créance. Une longue tradition nous pousse dans le dos. Et nous savons, mieux que quiconque, que nous ne nous en sortons pas tout seuls: les hommes se sauvent ensemble ou pas du tout. Voilà pourquoi nous devons mesurer ce qui se passe et ce qui sera possible, pourquoi pas, ce dimanche 23 avril.
 Claque. Quand on mesure l’écart dans le domaine de l’action publique entre ce qu’on veut et ce qu’on peut (vieille antienne), entre le but visé au départ et le but atteint par manque de volonté, le temps dévie souvent les trajectoires. Peut-on ignorer les refrains du siècle ? Si obsédant le cynisme politique, si fort le divertissement, si puissant l’enchaînement des désirs, qu’ils nous détournent parfois de la vie même et «de la» politique, celle qui, jadis, aspirait à «changer la vie». Souvenons-nous: d’immenses espoirs suivis de grandes désillusions. Non, il n’y a pas de «nobles échecs» moralement sécurisants et explicables par on ne sait quelles conjonctures défavorables. Il n’y a que dévoiements, trahisons, paroles non tenues, promesses oubliées. Ne nous trompons pas. La candidature de Jean-Luc Mélenchon propose tout le contraire: le changement, le vrai changement, tous les changements, avec l’engagement citoyen de les tenir. En somme, pas de politique sans philosophie et sans «fil d’Ariane». C’est une clef de voûte. Car l’intellectuel en politique n’est rien sans le peuple conscientisé, même si, bien sûr, c’est aussi le candidat qui, du fait de sa position, dispose d’une forme d’autorité et la met à profit avec tout son talent pour persuader, proposer, débattre, permettre à l’esprit critique de s’émanciper des représentations sociales. Juste de quoi retourner le «cercle de la raison», nous remettre dans les clous de nos Spartacus et procéder, pas à pas, au remplacement du notable par le militant. Dimanche, devenons des femmes et des hommes en partance, chacun de nos pas pouvant soulever la poussière et laisser des empreintes d’argile, creusées de mille fatigues, pour que s’effacent enfin les remords des âmes anciennes. Le cœur a sa géographie, elle a aussi son histoire. Nous connaissons la nôtre. Cette fois, l’horizon n’est pas qu’un songe. Il est là, à hauteur de regards, à portée de main. Cela ne vous évoque aucun souvenir? Rappelez-vous la charge de la brigade lourdingue des «ouistes» lors du référendum sur le projet de constitution européenne en 2005. Rappelez-vous, ils avaient tout pour eux. Les sondages, les leçons de morale, la marche forcément inexorable de l’Histoire (la leur)… Et puis? Une claque démocratique. Et si la plus belle, la plus « historique » des claques, était encore à venir… [BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 21 avril 2017.]

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