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Par Alittlepieceof @Alittle_piece

Un petit bijou de roman graphique et deux romans qui nous entraîne dans deux visions très différentes de l'Amérique des années 50.

" Elle se dit qu'un de ces quatre un intrépide gentleman viendra la sortir de là. Elle en est encore à croire que quelqu'un va venir se charger de son sauvetage. Que sinon elle restera cloîtrée éternellement dans ce salon en ruines (Nathalie ne lésine jamais sur rien). Le gentleman en question sera désinvolte, peut-être américain, follement beau, très légèrement arrogant, et tout à fait spirituel. Il s'appellera Tunepouvaispas. Elle sera son élue, sa princesse, son aimée, sa parfaite, sa Bonnie. Le nom de famille de son héros sera Mefaireplusplaisir. Ca ne sonne pas très anglo-saxon. Mais c'est un détail. Nathalie se situe encore à l'exact mitan entre Boucle d'or et Anaïs Nin. "

Mon avis

Véronique Ovaldé écrit presque autant pour les adultes que pour les enfants. Pourtant la frontière me semble très mince entre les deux styles qu'elle manie à merveille. J'avais déjà été plus que séduite par son album Paloma et le vaste monde pourtant estampillé " jeunesse ". C'est un auteur qui ne s'encombre pas des cases dans lesquelles on aimerait la ranger, elle écrit et c'est toujours pour moi un grand moment de magie que de la lire.
Véronique Ovaldé ne change pas ses habitudes et c'est une fois encore un personnage féminin autour duquel tourne cette histoire. Les femmes d'Ovaldé sont toujours des personnages forts, marquants, à la destinée particulière et c'est probablement ce qui rend ses récits uniques.
Dans celui-ci, un roman graphique mis en image par Joan Sfar, il s'agit de Nathalie, une jeune fille de 13 ans qui habite seule avec sa maman dans un très vieil appartement parisien. Nathalie n'est pas une petite fille comme les autres et aime cultiver sa petite différence. Elle n'aime pas les enfants de son âge et préfère rester seule chez elle plutôt que d'aller à l'école. Un jour pourtant elle va rencontrer son voisin, un petit garçon de son âge et tout aussi maladivement inadapté au monde qu'elle. Une très belle histoire d'amour va alors naître entre ces deux là, mais pas une histoire d'amour guimauve. Il y a bien les palpitations d'une rencontre mais Nathalie est une amazone et pour la séduire il faut passer quelques épreuves... Eugène va s'y plier de bonne grâce mais à cause de la vie... rien ne se passe jamais comme on le souhaiterait et ces deux pré-ados ne dérogent pas à la règle...
C'est merveilleusement bien écrit. Ovaldé ne prend pas les enfants pour des imbéciles et leur parle comme à des adultes, c'est pourquoi cet album a pour moi sa place dans toutes les bibliothèques. C'est un album qui fera sourire et rêver les grands. Mais c'est aussi un album qui aidera peut-être certains parents à parler de différence, d'isolement scolaire (et d'isolement tout court !) mais aussi d'amour à leurs enfants.
Les dessins de Sfar, avec leur style si particulier, apportent un réel éclairage sur ces deux personnages si attachants et se marient à la perfection avec le récit emprunt de nostalgie.
Une petite merveille.

Quelques extraits

  • Nathalie, quand elle n'est pas Sucre de Pastèque, est une petite fille solitaire et pas tout à fait à l'aise avec son âge. Elle trouve que les enfants de son âge sont nuls.
  • Nous ne pouvons pas parler d'Eugène dans son ancienne école ou de Nathalie à l'école Marguerite Letoc. Ce serait aller contre leurs volontés. L'école est pour tous les deux un lieu de douleurs qu'ils classent dès qu'ils rentrent chez eux dans la corbeille sans fond des choses à oublier.
  • " Je suis Sucre de Pastèque et je suis d'une mélancolie maladive. Personne ne me comprend. Personne ne sait que je suis une petite fille adoptée. Ma mère n'est pas ma mère. Et mon père non plus. Je suis de la lignée des Pastèque, grande et noble famille aux domaines innombrables. "
  • Nathalie déteste la matière grasse, ce qui est parfait vu que toutes les héroïnes des livres qu'elle lit sont maigres. Pourquoi, pour paraître intelligente, faut-il être maigre et porter des pantalons (et du coup ressembler plus ou moins à un garçon ?)

Fred Otash, ex-flic ripoux du L.A.P.D. et authentique escroc, traquait les stars de cinéma pour faire chanter les studios. Il était le pourvoyeur de ragots en chef du magazine à scandales Confidential. Ellroy en fait un personnage de fiction et l'imagine au purgatoire, torturé par ses anciennes victimes : Marilyn, Ava Gardner, Montgomery Clift... Pour bénéficier de la mansuétude des autorités célestes, Freddy O. devra rédiger ses confessions. Mais, incapable de s'en sortir seul, il se fait aider par un " plumitif " nommé James Ellroy...

Mon avis

Cette nouvelle raconte l'histoire vraie d'un flic véreux de Los Angeles, maître chanteur et proxénète à ses heures perdues. Fred Otash est un sacré personnage et si ces agissements sont plus que répréhensibles, l'histoire dans laquelle Ellroy l'embarque, mélange de faits réels et de fiction est avant tout très drôle et hautement politiquement incorrecte. Jubilatoire en somme !
Le premier chapitre m'a laissée quelque peu perplexe malgré tout, et puis, j'ai compris où l'auteur voulait en venir, se mettant lui même en scène. Le roman débute en effet par un passage dans lequel Otash se trouve... au purgatoire. Il attend pour expier ses fautes et en prend pas mal pour son grade. La suite est faite de flashback. Otash en vieillard puis Otash dans ses années de débauches. C'est un homme, une femme, un ripoux comme on en fait plus, probablement le meilleur paparazzi de tous les temps et un sacré filou !
Une fois ce premier petit moment de flottement passé je me suis totalement laissée embarquer dans cette plongée dans le Hollywood des années 50 avec ses stars, ses strass et ses déboires.
J'ai adoré la manière dont ce court texte est écrit, avec un langage comme on n'en fait plus et un style de haute volée auquel on ne peut que tenter de rester accrocher si l'on veut suivre le rythme tonitruant. C'est légèrement outrancier, voir un peu salace et surtout, vraiment drôle ! Alors oui Otash est véreux, pourri, un vrai salaud mais l'on ne peut s'empêcher de rire du cynisme sombre et débauché semble t-il cher à James Ellroy. Un auteur que je connais mal mais que ce petit livre me donne envie de découvrir un peu plus !

Quelques extraits

  • Le purgatoire, c'est la zone. On s'y retrouve coincé dans le corps qu'on avait sur terre quand on est mort. On n'avale rien d'autre que de la bouffe des lignes aériennes, classe loquedu. Il n'y a pas de picole, pas de liaisons lascives, pas de femmes. Mes victimes terrestres visitent ma cellule sans prévenir. Elles me remémorent mes méfaits et me transpercent le tafanard, avec un tisonnier incandescent.
  • Mes paupières s'ouvrent. Le temps se recalibre. Quarante-trois années partent en fumée. Les bruits sourds, ce sont les coups que donne sur la table un grand escogriffe. Il porte une chemise hawaïenne aux couleurs criardes et un jean beige. Mon impression : c'est un CASSE-COUILLES.
  • Il engloutit les vestiges de mon sandwich choucroute-corned-beef. Il m'annonce : Je m'appelle James Ellroy.
    Ma première impression se confirme. Ajoutons " Opportuniste " sur la liste de cet enfoiré.
    Je lui dis de s'asseoir. Il s'exécute. Je regarde en direction de la rue. Mes potes sont en train de ramer avec leurs bonbonnes d'oxygène et leurs déambulateurs. Le spectacle me flanque la frousse. Machinalement, je m'envoie une digitaline et deux valium.
  • Jimmy est un navigateur polyvalent - quand il le faut, il passe très vite de la voile à la vapeur. En une semaine, il a bourriné cinq bergères - c'est mieux que le record en cours du Bourricot. J'ai pris des clichés des clientes au moment où Jimmy leur insérait son salami.
  • La vie est affreusement aléatoire et que nous sommes tous des pantins dont se joue le destin. Par exemple, les phytophages, ses cousins, sont condamnés à consommer des fleurs et des feuilles. Les hommes, pour leur part, sont esclaves de leur concupiscence qui peut les pousser au pageot dans les bras d'un mâle-femelle.

Milieu des années 1950. Jean Louise Finch, dite "Scout", est de retour à Maycomb, sa petite ville natale de l'Alabama, pour rendre visite à son père, Atticus. La nation se déchire autour des questions raciales. Confrontée à la société qui l'a façonnée mais dont elle croit s'être affranchie en partant vivre à New York, Jean Louise va découvrir ses proches sous un jour inédit ...
En 2015, Harper Lee a créé la surprise en publiant un second roman, suite de l'incontournable best-seller Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, où l'on retrouve l'inoubliable héroïne Jean Louise, vingt ans après. Chronique douce-amère de l'adieu à l'enfance, entre tendresse et férocité, espoir et désenchantement, Va et poste une sentinelle a été écrit avant le livre culte, prix Pulitzer en 1961.

Mon avis

Ce roman a une histoire assez particulière. Il a été édité quelques mois avant le décès de son auteur et a pourtant été écrit avant Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, Prix Pulitzer en 1961. Et ce sont là les deux seuls romans à l'actif de Harper Lee.
Il a fallu me replonger dans les archives du blog pour me souvenir exactement de quoi parlait le premier roman, que pourtant j'avais beaucoup aimé (Alzheimer quand tu nous tiens !) et puis, tout d'un coup, au milieu de ma lecture cela m'est revenu. Ce que j'avais ressenti pour Scout alors petite fille est resté intact. De petite fille espiègle et audacieuse elle est devenue jeune femme indépendante et toujours aussi attachante. Elle vit désormais bien loin de sa ville natale et revient voir son père à l'occasion de vacances. Elle retrouve alors tous les lieux qu'elle connait si bien, ses rues et ses habitants qui font que Maycomb restera toujours Maycomb. Elle a 26 ans et ce que l'on attend d'elle c'est qu'elle revienne vivre ici, dans cette ville qui l'a vue naître, qu'elle se marie avec son meilleur ami, son premier amour, qu'elle devienne une épouse et participe aux réunions du club paroissial.
La première partie du roman s'attache à cela et à quelques souvenirs de la jeune femme. Son premier bal, les jeux auxquels elle jouait avec ses amis, son frère, Calpurnia qui l'a élevée comme sa propre fille... Et puis... un évènement va se produire dans ce quotidien qui paraissait pourtant si prévisible et tout va changer. Le thème principal reste le même que dans le premier roman, la ségrégation raciale. Mais au delà de ça c'est un texte qui traite du passage à l'âge adulte. Jean Louise découvre qu'elle est une personne à part entière avec ses principes, ses valeurs, ses idées. Elle va devoir se confronter à son père, celui qu'elle a toujours idolâtrée, elle va devoir le faire tomber du piédestal sur lequel elle l'avait placée et c'est peut-être, finalement, ce que tout le monde attendait d'elle. Elle va découvrir que l'on peut aimer sans être toujours d'accord.
Le roman raconte l'Amérique qui se trouvait alors à un tournant de son histoire. Choisir le changement ou rester sur de vieilles valeurs de haine raciale.
C'est en cela un texte bouleversant et profond.

Quelques extraits

  • " ...elle ne s'était jamais rendu compte que ce qui la faisait tenir debout et tenir bon face à l'adversité, c'était son père; que tout ce qu'il y avait de noble et de louable dans son caractère, c'était à son père qu'elle le devait, elle ne savait pas qu'elle le vénérait. "
  • " Avec du recul, si elle avait pu franchir les barrières de son univers hautement sélectif et insulaire, elle aurait peut-être découvert que sa vision du monde était biaisée depuis toujours par un défaut de naissance dont personne, ni elle-même ni ses proches, ne s'était jamais avisé ni soucié : elle ne distinguait pas les couleurs. "
  • -... Souhaites-tu voir des cars entiers de Noirs débouler dans nos écoles, nos églises et nos théâtres ? Souhaites-tu les voir entrer dans notre monde ?
    - Ce sont des gens, non ? Nous étions ravis de les faire venir quand ils nous rapportaient de l'argent.
    - Souhaites-tu que tes enfants aillent dans une école qui s'est rabaissée pour accueillir des enfants noirs ?
    - Le niveau d'éducation dispensé dans cette école au bout de la rue, Atticus, est on ne peut plus médiocre et tu le sais très bien. Ils ont le droit de bénéficier des mêmes opportunités que les autres, ils ont droit aux mêmes chances... "
  • " Le préjugé - un terme péjoratif et la foi - un terme noble - ont quelque chose en commun : ils commencent tous les deux là où la raison s'arrête. "
  • " C'est quand ils ont tort que tes amis ont le plus besoin de toi, Jean Louise. Pas quand ils ont raison.... "
  • " Tu es daltonienne, Jean Louise, dit-il. Tu n'as jamais su distinguer les couleurs et tu ne les distingueras jamais. Les seules différences que tu remarques, d'un être humain à un autre, concernent l'apparence, l'intelligence, le caractère, des choses comme ça. Personne ne t'a jamais incité à regarder les gens en termes de races, et aujourd'hui encore, alors que c'est devenu la question brûlante du jour, tu demeures incapable de penser en termes de races. Tu ne vois que des gens. (...) "
  • " Il est toujours facile de regarder en arrière et de considérer ce que l'on était alors, hier, dix ans plus tôt. Se connaître tel que l'on est aujourd'hui, ça c'est difficile. "
  • " Chaque fois que des gens ont éprouvé le besoin de dissoudre les liens politiques qui les rattachaient à d'autres, ils ont traité ces derniers de communistes. "
  • " ...or toi, ma petite demoiselle, toi qui es née douée d'une conscience propre, tu l'as raccrochée à celle de ton père comme une moule s'accroche à un rocher. Ayant grandi ainsi, dans la plus totale ignorance de soi, tu as fini par prendre ton père pour Dieu. Tu n'as jamais vu en lui un homme, avec le coeur d'un homme et les défauts d'un homme [...] Tu es une infirme des émotions, entièrement dépendante de lui... "

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