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Vies et morts de Tom Cruise

Par Balndorn

Vies et morts de Tom Cruise
Parmi les acteurs du cinéma d’action, Tom Cruise a une singularité remarquable : les personnages qu’il joue ne meurent jamais. Ethan Hunt (la saga Mission : Impossible), John Anderton (Minority Report), Maverick (Top Gun) représentent autant d’incarnations différentes d’une même figure christique.  
Edge of Tomorrow (Doug Liman, 2014) constitue au sein de la filmographie de Tom Cruise un cas limite. Son personnage de Bill Cage, envoyé à la mort lors d’une bataille contre l’invasion extraterrestre des mimicks qui ravage l’Europe, se retrouve enfermé, au moment de mourir, dans une boucle temporelle qui lui permet de revivre indéfiniment la même journée. Autant de morts qui confirment la résurrection de l’acteur.

Tom Cruise, ce phénix
À la différence de ses autres films d’action, Tom Cruise apparaît d’abord dans Edge of Tomorrow comme un soldat inexpérimenté et maladroit, un vrai anti-héros. Lui, qui d’ordinaire improvise avec brio au beau milieu du combat, n’arrive pas à déverrouiller la sécurité de son arme lors de sa « première vie ».  
Mais la mort porte conseil, et à force de revivre la même journée, Bill Cage en retient tous les moindres détails, et augmente considérablement son « espérance de vie ». Inconsciemment, il fait sien l’adage du sergent Farell (Bill Paxton) : « À force d’entraînement et de discipline, on contrôle son destin ». Pareil au phénix, ce qui tue Bill Cage le rend plus fort.
Cependant la guerre n’est pas un Memory. Se rappeler où les ennemis vont porter leurs coups ne constitue que la première étape d’un processus plus large : improviser dans le feu de l’action. Peu à peu, à force de perfectionner ses techniques de combat, Bill Cage devient Tom Cruise. On pourrait presque dire d’Edge of Tomorrow qu’il met en abyme le procédé de l’Actor Studio, style de jeu dont se revendique Tom Cruise, qui consiste à se transformer physiquement et moralement afin d’incarner son personnage. Tel un acteur – tel Tom Cruise –, Bill Cage commence comme acteur maladroit apprenant par cœur son texte et finit par être le personnage qu’on lui demande d’incarner.

« Full Metal Bitch »
Néanmoins Bill Cage/Tom Cruise serait peu de choses sans le soutien du sergent Rita Vrataski. Ce personnage féminin badass que joue Emily Blunt représente, comme Bill Cage dans la carrière de Tom Cruise, un cas limite dans le parcours de l’actrice.  
Celle qui bondit à travers le champ de bataille et tranche du mimick avec une épée aussi grande qu’elle, celle qu’on surnomme aussi bien « l’Ange de Verdun » – où elle a remporté la première victoire humaine contre les extraterrestres – que « Full Metal Bitch », fonctionne comme un archétype du type de personnages joués par Emily Blunt.  
Le visage sévère, les traits anguleux, la volonté déterminée, l’actrice ne s’en laisse pas conter par les hommes. Sans avoir le physique musculeux des héroïnes des années 80-90, Sigourney Weaver en tête, Emily Blunt rivalise d’adresse, de courage et de force avec les héros masculins. Évoluant régulièrement dans des univers très masculins, Sicario(Denis Villeneuve, 2015) étant le modèle d’un monde viril brutal, l’actrice porte avec elle la mise en crise de l’héroïsme masculin, aussi bien dans Edge of Tomorrow que dans Looper (Rian Johnson, 2012).

La science-fiction contemporaine au défi du temps
On ne saurait néanmoins réduire Edge of Tomorrow à un blockbuster purement méta-filmographique. Le film de Doug Liman s’inscrit dans les productions de science-fiction hollywoodiennes d’aujourd’hui en tant que pièce charnière. D’une part entre les vieux baroudeurs (Tom Cruise) et les nouvelles venues (Emily Blunt) dans le genre, et d’autre part, du point de vue thématique, entre les films d’invasion extraterrestre négative (Independence Day, Mars Attacks) et les films d’apports extraterrestres positifs (Interstellar, Premier Contact).
De ces derniers, Edge of Tomorrowemprunte le bouleversement temporel qu’amènent avec eux les extraterrestres. Interstellar, Premier Contact, Looperet Edge of Tomorrow sont autant de films qui, ces dernières années, ont questionné notre rapport au temps. Comme si une menace – ou une chance – pesait sur notre expérience humaine actuelle. Serait-ce l’impact des nouvelles technologies, dans des films qui en usent abondamment ? On ne peut que conjecturer, mais une chose semble sûre : le temps est la nouvelle frontière qu’interroge la science-fiction contemporaine.

Vies et morts de Tom Cruise
Edge of Tomorrow, de Doug Liman, 2014Maxime

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