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Merci Bernard !

Par Balndorn

Merci Bernard !C’est avec un T-Shirt arborant un fier « I love Bernard Arnault » doublé de la tronche du PDG de LVMH, une des plus grosses fortunes françaises et grand créateur de chômeurs devant l’Éternel, que François Ruffin, dans Merci patron !, part interviewer, l’air naïf, toutes les victimes des délocalisations et des fermetures d’usines du groupe LVMH dans le Nord dont il désire savoir ce qu’elles pensent de leur ancien et lointain patron. 
L’idée de se faire passer pour un admirateur inconditionnel d’un des capitalistes les plus décriés de France – à qui Libé avait adressé un fameux « Casse-toi, riche con ! » – est brillante : ces individus que l’on nous présente trop souvent comme des victimes, en réalité victimes du regard misérabiliste qui leur interdit toute expression politique en les réduisant au statut d’objets malmenés, s’indignent, s’insurgent, se révoltent face à ce type venu crâner devant eux et vanter les mérites de celui qui a ruiné leurs vies.  
Le pari de Ruffin est risqué, mais réussi : il attise la colère des chômeurs en feignant de découvrir les mensonges du grand capitalisme. Son double jeu sarcastique fait émerger une parole qui réclame la justice. L’ironie restitue tout le potentiel d’action de ce peuple réifié.

C’est toute la force de ce documentaire, qui milite d’une autre manière. Ruffin a fait le choix de ne pas mettre en avant le militantisme institutionnel des syndicats et des journalistes – bien qu’ils soient tous très présents dans le film – mais de déclencher des actions positives chez des personnes qui ont intériorisé la suprématie capitaliste et qui voient leur vie lentement leur échapper.  
L’arnaque qu’il monte avec la famille Klur, couple au chômage vivant avec 400€ par mois, sur le point d’être mis à la rue, a pour but non seulement de les sortir de leur misère, mais, ce faisant, de présenter un exemple de résistance au capitalisme et à sa mainmise sur les médias. Une telle escroquerie est vertueuse. Elle montre que malgré le délitement de notre démocratie, l’écart croissant entre les riches et les pauvres et les amitiés politiques de Bernard Arnaud, il est possible, légalement, de restaurer un semblant de justice et d’établir un contre-pouvoir populaire et citoyen dans le silence du pouvoir politicien. 
Et tout cela, sans cesser un instant d’être une franche tranche de rigolade et d’impertinence. Révolte burlesque qui échappe à tout contrôle et qui unit par sa drôlerie. Les piques d’humour sont la meilleure arme contre un confort domestique et bourgeois.  
Merci Bernard !
Merci Patron !, de François Ruffin, 2016

Maxime 

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