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Sodome

Par Balndorn
Sodome
Il pleut sur la ville anonyme. Le fringant David Mills (Brad Pitt) retrouve l’inspecteur William Sommerset (Morgan Freeman), vieux baroudeur à une semaine de la retraite. La scène du crime : un obèse étouffé par un excès de nourriture. Sur les murs, écrit dans le sang : « Gourmandise ».
Le premier des Sept Péchés Capitaux. L’ouverture de Se7en.

La ville des vices
Se7en est un film crade. David Fincher excelle à composer une ambiance de décadence urbaine, propre à l’esth-éthique fin-de-siècle qu’il retrouvera brillamment dans Fight Club (1999). Photo grisâtre, pluie omniprésente, plans encombrés par des éléments urbains sordides… : plus que le récit, c’est l’atmosphère qui dégouline de vices, et qui donne au film toute sa détestable saveur.  
L’intrigue, néo-noire, reprend les fantasmes apocalyptiques qui avaient cours en pleine Guerre froide, dans des films comme En quatrième vitesse (Robert Aldrich, 1955) et Docteur Folamour (Stanley Kubrick, 1964). Sauf qu’en 1995, quatre ans après la victoire sur le monstre communiste, le Mal se trouve au sein même de la société américaine. Un homme, un Monsieur-Tout-le-Monde (Kevin Spacey), décide de purger l’Amérique de ses vices en mettant en scène sept crimes inspirés des Sept Péchés Capitaux. Le but n’est pas tant d’exterminer tous les pêcheurs – trop nombreux dans la société de consommation moderne – mais de faire vomir le regard du spectateur, de l’obliger à contempler les ténèbres qui logent en son âme. 

Quand la morale s’abîme dans les ténèbres
C’est donc bien une situation de crise esth-éthique que filme le Fincher des années 90. Sans être le contempteur névrosé qui s’attaque à l’Amérique de Se7en, il en saisit néanmoins les vertiges qui s’y creusent, les mal-êtres qui s’y nichent, les folies qui guettent sous le vernis publicitaire. Se7en travaille l’attente, la pulsion latente, là où Fight Club explose dans la violence libératrice.  
Ni du côté du puritain, ni de celui des inspecteurs, le point de vue de Se7en marque systématiquement une distance avec les personnages. Mills et Sommerset ne livrent rien de leur intimité dans des plans que Fincher cadre le plus large possible, en disposant ses silhouettes en un lointain arrière-plan. Le spectateur perd ainsi son traditionnel point d’attache dans le film policier – l’inspecteur – et plonge dans le désarroi moral dont le réalisateur esquisse la gigantesque profondeur.
Sodome
Se7en, de David Fincher, 1995Maxime

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