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Echange avec Ali Zamir à Genève

Par Gangoueus @lareus

Séance de dédicaces - Copyright Gangoueus

Ali Zamir - DR Gangoueus

J’ai eu l’occasion d’échanger au salon du livre de Genève avec Ali Zamir à propos de son premier roman Anguille sous roche. L’auteur comorien patientait entre deux dédicaces après une table ronde avec Néhémy Pierre-Dahomey et j’ai profité de cet intermède pour évoquer ma lecture prétendument attentive de son premier roman Anguille sous roche et saluer la qualité de l’écriture.
 Je m’attendais à rencontrer un auteur timoré, replié sur lui-même, enfermé dans un discours sur l’esthétique de son roman qui est surement l’un des romans plus remarquables avec Les confessions d’une sardine sans tête (Guy A. Sounda) produit par un auteur francophone en 2016. Il n'en fut rien. L'homme est engageant et très sympathique. J’ai testé plusieurs thèses et impressions de lecture avec lui sur ce roman. 


Une esthétique de l'écriture de la noyade traduisant une situation d'extrême et justifiant une prise de parole en une seule phrase. L’urgence du propos, l’imminence de la fin abolit la ponctuation et les ruptures brutales. Le temps est compté. Chaque chapitre correspond en temps réel à une seconde de vie qui s’échappe. Il y a donc une réelle unité entre le moment qui s'effondre et la vie trop courte qui part...
Libre arbitre et prédétermination du nom. Nommer est important. La projection de ceux qui sont en capacité de nommer une progéniture, un objet, une création, un peuple est essentielle. Les hommes se prennent dans le filet des mots et souvent se soumettent inconsciemment au diktat du nom. Mais les hommes peuvent consciemment ou inconsciemment déjouer un joug ou une direction imposée. J’ai salué cette dimension de la construction du chef d’œuvre d’Ali Zamir car dans le fond, le lecteur croît connaître l’issue fatale de chaque personnage par le nom qui lui ait donné. On s’attend par exemple à voir Vorace détruire la vie d’Anguille. En même temps une anguille est tellement insaisissable… Mais Ali Zamir se rit de tout cela. Ainsi, le père qui croit tout savoir s'avère être le dindon de cette terrible farce. Le savoir serait une illusion. J’ai lu dans son regard espiègle de créateur cette volonté de déconstruire et de rendre à certains personnages un libre arbitre. Cette petite leçon de vie peut s'étendre à des sujets plus lourds.
L’immigration clandestine. J’ai été assez surpris de la liberté avec laquelle il a abordé ce sujet. Sa maison d’édition m’avait indiqué en septembre dernier qu’il était peu enclin à s’attarder sur cet aspect du roman. C’est à la fois vrai et faux. D’une certaine, Zamir a pendant un certain temps éviter une exploitation politique de son texte qui aurait pu minorer le fait qu’il s’agit avant tout d’un acte artistique. Je ne rentrerai pas dans le détail de certains aspects de notre discussion, mais le refus de visa dont il a fait l’objet est loin d’être un acte hasardeux. Quand je lui indique que le choix d’Anguille de rappliquer par un kwassa-kwassa vers Mayotte m’a paru un peu rapide, il explique que les prises de décision se font malheureusement de la sorte aux Comores. Une fille mère, une femme adultère, les exclus de la société comorienne conservatrice tentent l’aventure au péril de la traversée. Pour renaître de l'autre côte de la mer. Autant de fois que possible.
Sur son regard à propos de la littérature comorienne qui voit éclore de nombreux auteurs brillants et choisissant le plus souvent la poésie ou une écriture poétique, Ali Zamir salue cette émergence. Il n’a pas vraiment d’explication mais il explique que pour sa part, il a une formation en littérature à l’Université du Caire qui a surement aidé l’approfondissement de la qualité de son travail.
Je me suis éclipsé pour laisser une lectrice obtenir une dédicace, satisfait de ce partage avec cet auteur talentueux. 

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