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Casanova : Vivre sa vie une seconde fois

Publié le 24 mai 2017 par Les Lettres Françaises

Casanova : Vivre sa vie une seconde foisAvec son nouveau livre, renonçant à écrire une biographie de Casanova sous forme de paraphrase de l’Histoire de ma vie semblable à la plupart de celles publiées depuis le bicentenaire de la mort du Vénitien en 1998, Jean-Claude Hauc propose un portrait littéraire à entrées multiples. Rassemblant des travaux de recherche casanoviste parus dans diverses publications confidentielles, un ensemble de conférences, des interventions dans des revues et un grand nombre d’études inédites sur différents aspects de la vie et de l’oeuvre de Casanova, ces Miscellanées casanoviennes apparaissent comme une approche moins lisse et respectueuse que celle à laquelle nous ont habitué de nombreux commentateurs de l’aventurier libertin. Ces formes hétérogènes s’autorisent des redites et des oublis, suscitent des registres de langue et des modes narratifs des plus variés, rappelant les Opuscoli Miscellanei que Casanova publia en 1780, de retour à Venise après dix-huit ans d’exil.

Les principaux épisodes de l’existence de Casanova se trouvent bien sûr évoqués dans cet ouvrage. La jeunesse vénitienne, les multiples voyages à travers l’Europe, sa carrière de libertin, l’évasion de la prison des Plombs, le duel au pistolet avec le comte Branicki, ses nombreuses escroqueries, son appartenance à la franc-maçonnerie, jusqu’à la retraite forcée à la fin de sa vie dans le château du comte de Walstein, en Bohème. Mais toujours le casanoviste veille et, sans pour autant méconnaître la beauté et la richesse de la matière de l’Histoire de ma vie, le mélange de fable et de vérité est sans cesse pris en compte. Ainsi, Jean-Claude Hauc passe au crible inventions, enjolivements, effets d’autocensure, emprunts divers et «corrections» de la mémoire, sans jugement ni anathèmes.

Le rapport de Casanova avec les femmes occupe une place importante dans l’ouvrage. Aristocrates, comédiennes ou chanteuses, beautés ancillaires, courtisanes et bourgeoises, nonnettes en feu et surtout, comme chez Don Giovanni, la giovin principiante. Jean-Claude Hauc est même parvenu à identifier une maîtresse de Casanova qui avait jusqu’alors résisté à tous les chercheurs. Dans son livre il évoque également divers personnages fréquentés par l’aventurier, comme son frère Francesco, célèbre peintre de batailles bien plus connu que lui à l’époque, Zorzi Baffo, Edoardo Tiretta, surnommé le «comte de six coups» à cause de sa vigueur auprès des dames, Ange Goudar, Saint-Germain ou Cagliostro. Il consacre des articles à l’escrime, à son obsession de l’inceste père/fille, à ses «égarements contre nature», à son rapport à l’oralité et son appétit d’ogre.

Mais une grande partie de l’ouvrage est consacrée au rapport entretenu par Casanova avec l’écriture. Ses premières tentatives en italien, l’adoption du français pour la rédaction de l’Icosaméron et enfin, à partir de 1790, la rédaction de ses Mémoires qui l’occupera jusqu’à ses derniers jours. La première version d’abord qui lui fait dire à son ami Opiz : «J’écris ma vie pour me faire rire. J’écris treize heures par jour qui me paraissent treize minutes.» Puis la seconde, la seule qu’il nous reste, pour l’agrément du prince de Ligne. Toute une vie d’aventure pour trouver enfin sa véritable voie. « Lui qui fut toujours l’homme de l’instant, l’homme sans conséquence, se métamorphose par la réminiscence et ose vivre sa vie une seconde fois. L’instant cède la place à la durée. L’aventurier devient écrivain…»

Bernard Bonavita


Miscellanées casanoviennes, de Jean-Claude Hauc
Hippocampe éditions, 240 pages, 15 euros.


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