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Déclin de l’empire américain, version Louis Caron

Par Carmenrob

Je trouve toujours ingrat d’émettre mes réserves à propos d’un livre qu’on m’a chaudement recommandé. Ce sera néanmoins le cas pour Il n’y a plus d’Amérique de Louis Caron. Un roman intéressant dont plusieurs aspects m’ont pourtant agacée.

amérique
L’histoire est ambitieuse. Elle commence un an après les événements qui nous seront racontés. Une femme, Suzanne, se dirige vers Central Valley, petit village de l’État de New York, pour y rencontrer un Indien, Billy Memory, qui saura lui dire ce qu’est devenu son mari disparu. Un an plus tôt, Hubert et Suzanne vivaient dans un chic quartier de Longueuil. Copropriétaires d’une prospère entreprise de commerce du bois. Leur fils François, âgé de treize ans, était allé à la Ronde avec Fanny, sa copine, dont le père devait assurer le transport de retour. Hubert et Suzanne étaient à table avec un couple de Lyon, amis et associés d’affaires, lorsque François avait appelé pour demander à son père de venir les chercher. Ce qu’avait refusé de faire Hubert, irrité par les mensonges de son fils. Or on saura bientôt que les deux jeunes ont été attaqués sur le pont Jacques-Cartier, violés, balancés dans le fleuve. Suzanne accusera son mari d’être coupable de la mort de leur fils. S’enclenchera alors, pour chacun une véritable descente aux enfers. Suzanne, déjà entichée d’ange-ologie, se laissera piéger par une secte qui aurait tout de la caricature du mouvement raëlien si une telle cabale pouvait encore être caricaturée. Hubert, pour sa part, fuira vers les États-Unis et se laissera séduire par un théoricien du complot rêvant d’abattre le gouvernement américain et tous les symboles de l’oppression du peuple. Il tentera d’utiliser ce chef de milice d’extrême droite lourdement armé pour délivrer sa femme des griffes de ceux qui la maintiennent dans un état de soumission absolue, tablant sur les détresses humaines pour s’enrichir éhontément. L’association de François et du gunman ne sera pas sans conséquences.

L’histoire est prétexte à illustrer quelques-uns des maux qui rongent l’Amérique, cette violence qui s’exprime tout autant par les armes, que par le viol ou les faux mystiques. Le rêve américain est mort. Il n’y a plus d’Amérique.

Mais voilà! Je n’ai pas réussi à entrer dans ce roman, à y croire. Dès le départ, la figure de l’Indien, du Sage, m’a irritée. Trop parfait pour exister. Je ne me suis pas non plus attachée au personnage de Suzanne, comme si je n’arrivais pas à ressentir ses émotions, ses contradictions, sa vulnérabilité. Avant même la mort du fils, elle vit déjà dans les nuages. Hubert ne m’a pas non plus ému. On ne m’a pas convaincu de son amour inconditionnel pour sa femme. À aucun moment, avant le drame qui va les séparer, nous ne sommes témoins d’un moment de tendresse ou de complicité. Au contraire, dès les premières lignes, on découvre l’agacement du mari face aux croyances ésotériques de sa femme. Enfin, le coup d’éclat de la milice d’extrême droite ne m’a pas davantage fait frémir. En fait, mes émotions sont restées en marge d’un récit assez intéressant pour m’inciter à poursuivre sans jamais m’emporter. Peut-être, en fin de compte, le message était-il plus important pour l’auteur que les personnages eux-mêmes?

Le style de Louis Caron est pour le moins maîtrisé. Le poète qu’il est se remarque à chaque page. Trop peut-être? L’abondance d’images inusitées m’a quelquefois lassée.

Le Tahoe raya le silence et se retrouva, à la sortie du village, sur une route butant tous les cent mètres sur des bois sans fond. Des broussailles montraient les dents derrière chaque courbe. Le Tahoe gravit un escalier de collines.

Ceci étant dit, d’autres que moi ont pu se délecter de ce roman. Question de goûts, de ce qui nous branche.

Louis Caron, Il n’y a plus d’Amérique, Boréal, 2002, 426 pages


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