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Manga : une histoire de l’Europe vue du Japon

Publié le 05 juillet 2017 par Paoru

Europe Histoire et manga

Voilà un papier qui me trotte dans la tête depuis le mois de mars (en lien avec le sujet des mangas historiques, dans cette interview). J’ai toujours adoré lire des BD sur l’Histoire, et je trouve que c’est 1000 fois plus facile de s’y plonger que via les livres scolaires (et c’est un prof qui vous dit ça, vil félon que je suis). Ce n’est pas toujours – pas souvent même – 100% fidèle à la réalité historique, mais l’immersion est d’autant plus facile lorsque c’est romancé… et rien n’empêche ensuite de se renseigner soi-même : un coup de wikipédia fait déjà beaucoup et, pour les plus curieux, un livre écrit par une bonne plume ou un simple Que sais-je sur telle ou telle période fait le reste. Les vidéastes You Tube qui parlent d’histoire font eux aussi du bon boulot. Je vous propose deux trois petites choses  qui mélangent tout ça en fin d’article, d’ailleurs.

Et donc les mangas dans tout ça ? Il se trouve que l’histoire de l’Europe passionne visiblement le Japon et que, par le truchement des éditeurs français, une grande majorité des titres l’évoquant nous arrivent. Néanmoins, plutôt que de vous faire une énième liste de mangas historiques j’avais envie de vous les replacer dans leur contexte, de leur donner une chronologie et d’imaginer à quoi ressemble la vision qu’ont les Japonais de notre histoire. La liste des titres n’est pas exhaustive – j’ai mis ce que j’ai lu, tout simplement – donc n’hésitez pas à la rallonger avec vos propres lectures en commentaire !

Allez, en route… et bonne lecture 😉

L’histoire européenne tient en une quinzaine de mangas. SI.

Et donc pour commencer, difficile de parle d’Histoire sans une frise. Je l’ai basée plutôt sur le début des mangas cités, mais les emplacements sont fait à la louche pour que cela reste lisible.

Frise Manga & Europe

On pourrait aussi rajouter Eureka! des éditions Komikku, mais son sujet se fond vraiment dans l’histoire d’Ad Astra ou encore Thermae Romae mais j’ai du mal à le classer comme un manga parlant d’histoire européenne, un peu comme Les Deux Van Gogh qui n’est pas dans la liste non plus. Mais bref, avec ça en tête, on voit assez facilement quelques périodes ressortir : celles de l’Empire Romain (3 titres), des vikings (1), de la fin du Moyen-âge (4) et de la Renaissance (2), de la Révolution Française (5 si on ajoute Marie Antoinette – La jeunesse d’une reine de Fuyumi SORYO) et de l’époque industriello-victorienne (3 mais je n’ai mis que les plus connus). Je m’arrête là d’ailleurs, juste avant le 20e siècle, que je garde pour un autre jour. Enfin, si je mets les Misérables dans la liste on peut aussi ajouter la collection Classique chez Soleil Manga qui aborde par moment certains faits ou période de notre histoire. Éventuellement 7 Shakespeares aussi, un manga actuellement en pause qui aborde à sa façon la vie du dramaturge anglais.

Si j’en reviens à la liste de la frise et qu’on l’observe géographiquement parlant, on voyage un peu partout mais c’est encore en France que l’on s’arrête le plus souvent (sur 7 titres) puis en Italie (5), en Angleterre (4) et enfin 3 autres mangas se déroulent, de la Suisse à la République Tchèque, sur l’immense Saint Empire Romain-Germanique.

Avec cette quinzaine de manga on obtient donc quelque chose comme 2000 ans d’histoire couverte de manière assez irrégulière, avec des périodes creuses et d’autres beaucoup plus détaillées. Et donc, maintenant, amusons-nous à découvrir l’Histoire de l’Europe tel que les lecteurs japonais de manga la connaissent désormais…

Au commencement il y avait… Ben les Romains pardi !

Au début, il n’y a rien. Mais alors rien, pas de préhistoire chez nous, non madame. Au mieux un dinosaure du nom de Gon est venu se balader dans nos contrées et puis c’est tout et c’est marre. Cherchez pas hein, c’est limite vexant.

on en a gros

Pareil.

Bon ok, je boude mais faut pas pousser non plus, car j’avoue que mes connaissances en Histoire des trois premiers millénaires avant JC, à part l’invention de l’écriture, ce n’est pas non plus velu velu quoi. Quoi qu’il en soit, après ce rien, on note quelques traces d’activités mais autour de l’Europe, avec les Égyptiens et leurs Reines notamment (cf Reigne d’Égypte, entre autres, dont on a pas mal parlé en ce début 2017). Mais je vois plus ces titres comme un prolongement de l’intérêt du Japon pour l’Orient et ses alentours ces dernières années (Magi, Bride Stories, Altaïr, les nuits d’Aksehir).

as-astra-1-ki-oonD’ailleurs, c’est par le bassin méditerranéen que débute l’Histoire de l’Europe dans les mangas, avec Ad Astra. Nous voilà projeté en Sicile lors de la seconde guerre punique. Les guerres puniques, car il  y en a 3, c’est en gros LE premier truc qui a fait la renommé de l’Empire Romain, qui n’était pas encore un Empire à l’époque d’ailleurs, mais une République. Parce que en France on parle plutôt la conquête de la Gaule, Vercingétorix toussa… L’Empire officiel en quelque sorte, mais il faut savoir que avant Alesia il s’est quand même passé deux trois trucs. Rome ne s’est pas fait en un jour comme dit l’adage.

Si je vous la fait courte les guerres puniques ce sont les Romains VS Carthage de -264 à -146 avant J.C., lorsque les deux Empires se sont retrouvés plus ou moins face à face en Sicile. Carthage était l’Empire maritime méditerranéen, mais ils vont perdre la mer à l’avantage des Romains pendant le premier conflit, qui dure une vingtaine d’année. Cette première guerre coûte une blinde aux deux parties, donc les romains taxent copieusement les perdants (ruinés pourtant, eux aussi). Vingt-trois ans plus tard, ils finissent par en avoir marre et donc ils remettent ça, avec à leur tête Hannibal Barca le héros de Ad Astra. Je ne vous en dit pas plus (chroniques ici, là et re-là si vous voulez en savoir plus) mais selon toute logique Ad Astra devrait se finir en -200 avant JC environ.

Si on exclut l’adaptation de la bible en manga, on a donc un petit gap de 250-300 ans avant le début de Pline. Et oui, pas de Gaule de César et d’Alesia alors que la BD franco-belge a tapé dans ce filon plus d’une fois. Comme nous le verrons de toute façon dans cet article, les « peuplades du nord » ce n’est pas vraiment la tasse de thé des Japonais, en dehors du fameux Vinland Saga et éventuellement des guerriers de Hasgard de Saint Seiya… enfin là c’est du folklore pas de l’Histoire, faut pas non plus pousser Saori dans les orties.

Mais bref, Pline donc, débute en 60 après JC et nous présente la vie de ce naturaliste très curieux. Sur le plan historique ce manga sera aussi l’occasion de croiser à plusieurs reprises l’Empereur Néron, aka IMPERATOR NERO CLAVDIVS CAESAR AVGVSTVS GERMANICVS (ouai, Néron c’est mieux, je suis d’accord). Un mec sympa le Néron : despote à ses heures perdues, qui a zigouillé sa maman Agrippine (mais non pas à cause de son prénom, bande de moqueurs), a tué au pif pas mal de chrétiens et était un bon petit parano. Ah et dans son nom à rallonge, c’est lui qui a rajouté IMPERATOR, donc un mec modeste quoi.

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Avec Néron ouai, un peu.

Et là, d’un coup, les Vikings

Alors là, dans la famille des failles temporelles, c’est la meilleure. On passe du premier siècle de notre ère à l’Angleterre de l’An mille. Comment te dire ami nippon… Nous n’avons pas hiberné pendant un millénaire : les barbares du nord (les germains et les slaves, en gros) sont poussés par des conditions météorologiques assez dures (hivers froids et longs, étés pluvieux) à s’installer plus au sud et à achever la chute de l’Empire Romain dont il restera l’Empire Byzantin. Ce dernier est mis à mal par les Ottomans qui attaquent par l’Italie puis, parce qu’ils sont court-circuités par les Bulgares mais qu’ils sont têtus, par l’Afrique du nord et l’Espagne.

Bohort vs les invasions barbares, même pas peur !

C’est donc l’établissement des Royaumes Barbares jusqu’à l’arrivée de Charlemagne qui rétablit un Empire. Il créé l’Andorre pour garder les Ottomans à distance, pousse à l’est les peuples germains de l’Europe centrale, et vire les Lombards de l’Italie, ce qui lui permet, parce qu’il est malin le gars, de donner officiellement des territoires à l’Église (les Etats pontificaux) et ainsi d’être nommé Empereur avec la Couronne, le côté divin et tout et tout. Le beau geste et le bel Empire mais comme souvent, chez les Francs et autres peuplades du même genre, lorsqu’arrive le temps de la succession, on divise les terres entre les héritiers. Charlemagne découpe donc son royaume entre ses 3 petits-fils ce qui affaiblit le tout, notamment avec l’arrivée des… Vikings, durant le 9e siècle. Et c’est plus ou moins là qu’on reprend notre fil historique abandonné 1000 ans auparavant avec Vinland Saga, sur la fin de cet Âge Viking qui s’est étalé sur environ 300 ans (793-1066 officiellement).

vinland_sagaGrâce aux très nombreuses recherches de Makoto YUKIMURA, qui a voulu construire une saga implanté avec crédibilité dans la grande Histoire, on apprend donc que les Vikings est un peuple qui vient du nord, du grand Royaume du Danemark essentiellement, mais qu’ils ne sont pas tous des colonisateurs dans l’âme, et le mangaka n’évoque d’ailleurs pas le Duché de Normandie et la sédentarisation des Normands. Il se concentre sur les Vikings installés dans leur terre d’origine, où la vie est froide, souvent stérile, dure et sans pitié, puis il évoque les richesses que représentent les territoires de l’Angleterre, d’abord avec ses richesses au sens strict, les trésors à piller donc, puis avec ses terres fertiles et leur climat plus tempéré.

La première partie du manga évoque une guerre fait d’incessants coups d’éclat contre les Anglo-Saxons, au niveau de Londres notamment, villle qui ne cessera d’être prise et reprise par les deux camps. Au départ de Vinland Saga, le redémarrage du conflit après une période d’accalmie va produire un funeste enchaînement : l’impôt Danois va pousser le roi Anglais à se rebeller (les impôts, le nerf de la guerre décidément) et il massacre des Danois dont Gunnhild, la sœur du Roi danois Sven 1er (ouh, la boulette). Ce dernier déclare la guerre à l’Angleterre et part donc à la recherche de ces guerriers d’élite dont Thors, le père du héros de Vinland Saga, qui menait sa vie tranquille en Islande mais qui s’était illustré des années auparavant dans la guerre entre Norvégiens et Danois. Il est donc rattrapé par son passé et tout s’enchaîne pour le pire.

Commence un cycle de guerres, de taxations ou d’esclavage pour les vaincus qui entraînent un désir de vengeance à l’échelle des peuples. C’est de ce cercle vicieux et sanglant que le héros de YUKIMURA va vouloir s’extraire, en recherchant le fameux Vinland, la Terre promise. Je ne vous en dit pas plus là non plus, sur les faits historiques sous-jacents à cette quête,  pour ne pas gâcher le plaisir.

Toujours est-il que petit à petit, une somme de facteurs va achever l’Âge Viking : une embellie climatique, une sédentarisation des Viking et une acculturation au contact des chrétiens. Enfin, il ne faut pas oublier le développement d’une meilleure organisation de la défense dans les contrées qui se sont mangés des raids vikings pendant 300 ans : la multiplication des châteaux forts par exemple, ainsi que la naissance d’États forts et organisés ont permis de mieux résister. Il parait même que certains pays comme la France, la Grande-Bretagne, la Russie ou l’Irlande sont ainsi nés dans cette adversité. Les épreuves c’est bien connu, soudent les peuples. Et comme toujours, quand un règne s’étend un autre commence : arrivée du Saint-Empire Romain Germanique et début du premier Reich.

Les Germains : L’Empire qu’on attaque.

En fait, le fameux Saint Empire bidul truc, ça n’intéresse pas en soit les mangakas. Sa mise en place et tout, c’est comme l’Empire de Charlemagne dont il est la suite logique : y a pas. Un manga. Dessus.

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Et ouai, la condition germanique souffre m’dames messieurs !

Pour un Empire qui va durer 1000 ans environ c’est un peu dommage mais bon, vous devez commencez à comprendre que les Germains ce n’est pas vraiment la tasse de thé des Japonais. Ils seraient même antipathiques, car ils vont jouer le rôle des méchants dans les trois mangas où ils apparaissent.

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Le premier exemple est assez parlant puisqu’il s’agit de Wolfsmund, qui évoque en histoire de fond la création de la Suisse par l’association de 3 cantons : Uri, Schwytz (qui donnera son nom à la Suisse) et Unterwald. Ils se rebellent contre le tyran germanique au début du XIVe siècle, de 1291 à 1315. Mais la famille des Habsbourg ne l’entend pas de cette oreille et y voit une bonne occasion de renforcer sa présence sur cette province frontière entre Germanie et Italie. La forteresse du col du Saint-Gothard est donc dirigée par un homme sans pitié et terrifiant a qui on a donné carte blanche et qui semble impossible à vaincre…

Bon je ne détaille pas davantage Wolfsmund, dont je vous ai déjà souvent parlé parce que ce manga en 8 tomes est excellent, mais on peut reproduire un peu le schéma du germain cruel et sans pitié à l’autre bout de l’Europe avec Divci Valka qui débute 100 ans après la fin de Wolfsmund et qui se déroule en Bohème, région  d’Europe centrale et actuellement l’une des composantes de la République tchèque. Bon la différence est que Divci Valka démarre sur un désaccord religieux. Un théologien du nom de Jan Hus finit sur le bûcher en 1415 pour avoir proclamé haut et fort la corruption de l’église et les malversations du pape de Pise, Jean XXIII, alors en pleine guerre de pouvoir religieux, aka le  Grand Schisme d’Occident. Donc le Jan Hus, il est gentil hein, mais c’est pas le moment.

Mais voilà, c’est bien connu, en brûlant un homme aimé on en fait un martyr. Les partisans de Hus, les hussites, finissent donc par s’opposer aux catholiques et, en 1419, Jan Zelivsky, grand prêtre hussite, mène une attaque en plein Prague avec quelques fidèles et ils tuent des conseillers catholiques en les balançant par les fenêtres. Simple et efficace, ça. Une défenestration à un méchoui partout. Mais Martin V, le nouveau Pape censé unifier la chrétienté, et ce cher Roi Sigismond le prennent assez mal (aucun humour les gars) et ils partent donc en guerre contre les hussites, qui vont faire plus que leur donner du fil à retordre. Voilà pour le contexte de ce manga, pour le moment en 4 volumes, et à nouveau je ne vous en dis pas plus sur les tenants et aboutissants de ce conflit qui a, mine de rien, forgé l’identité Tchèque, même si le pays n’existe officiellement que depuis 1918. Ce manga a aussi mis en avant l’utilisation d’une arme encore nouvelle à cette époque, mais qui va peu à peu faire ses preuves : le pist’ala ou flûte en slave, qui deviendra le bien connu pistolet quelques siècles plus tard.

Et pendant ce temps, la Guerre de Cent Ans

hawkwood-1-dokiPour quitter le Saint Empire, faisons un petit retour en arrière en 1337, du côté de l’Angleterre avec Hawkwood. Enfin pas en Angleterre à proprement parler puisque Hawkwood évoque plutôt la conquête par les Anglais de notre Hexagone, de la Normandie dans un premier temps. Heureusement pour toi cher lecteur, ce manga ne traite pas vraiment des raisons de la guerre de Cent Ans, parce que derrière la raison officielle qui est une histoire de Dynastie des Capétiens interrompus les raisons profondes sont très complexes, aussi bien culturelles, démographiques, économiques, sociologiques et j’en passe. Pour avoir une petite idée du contexte, je ne peux que vous recommander de lire les Rois maudits.

Si je me contente donc du casus belli : Henri III dis que c’est lui le vrai Roi du côté des Anglais parce qu’il est le descendant le plus direct, alors que Philippe VI dis que, non, en fait, c’est lui d’abord parce qu’il est descendant d’une lignée exclusivement masculine. Comme toujours entre les Rois, l’engueulade dégénère et c’est le début d’un immense bourbier franco-anglais qui s’étale sur deux mangas : Hawkwood donc, puis Le requiem du Roi des Roses. Dans Hawkwood on ne peut que constater le génie de Edouard III et la fougue de son fils Edouard de Woodstock, plus connu sous le nom du Prince Noir, classe comme nom pour rester dans la postérité. Comme le titre l’indique on s’intéresse aussi à la compagnie de mercenaires dirigée par le fameux Hawkwood, qui vendra ses services tantôt aux Français, tantôt aux Anglais. Historiquement parlant, le manga Hawkwood souligne très bien la fin de la « noble » mais lourde et donc peu mobile Chevalerie  / Cavalerie comme unique force militaire, car elle se fait copieusement décimer par les compagnies d’archers Anglais et plus particulièrement ceux du Pays de Galles.

C’est un peu le seul moment de cet article où je peux placer cette vidéo chère à mon cœur, donc voilà, deal with it.

L’Angleterre va donc conquérir tout un tiers ouest de la France, cf le Traité de Brétigny qui signe la fin de la première partie de la guerre en 1364. Mais administrer un large territoire français depuis Londres c’est compliqué et ça coûte cher. Avec Richard II à la tête du pays, qui doit commencer à régner à l’âge de 10 ans (le Prince Noir meurt un an avant son père, pas de bol !) difficile de gérer les affaires internes et celles de l’autre côté de la Manche. De toute façon Richard est plutôt un esthète (il parait que c’est lui qui a inventé le mouchoir, truc de warrior le mouchoir !) et il cherche à mettre fin aux querelles là bas, donc la France reprend doucement mais sûrement du terrain. Je vous passe donc les victoires et défaites des deux camps, une succession de roi fous, de despotes ou de bons rois mais qui meurent trop vite et/ou voit leur travail anéanti par leur descendant… et on fait un nouveau bond en avant d’un Richard à un autre, Richard III, né en 1452.

York et Lancaster : Civil War

Le-Requiem-du-Roi-des-Roses-1-ki-oonNous sommes donc à la toute fin de la Guerre de Cent Ans, signée en 1453, et l’Angleterre a perdu tout ce qu’elle avait gagné et même ce qu’elle avait avant, à savoir l’Aquitaine. Tout ça pour ça, je ne vous le fait pas dire. Mais tout ça aussi parce que ça se querelle sec en Angleterre entre les York et les Lancaster (avec des roses sur leur blason, une blanche et une rouge, d’où le nom de Guerre des 2 Roses).

Précisons d’emblée que Le Requiem du Roi des Roses dont nous allons parler réinterprète la pièce de William Shakespeare, Richard III, donc il y a forcément des choix scénaristiques et des interprétations personnelles sur les motivations et personnalités des protagonistes clés mais c’est ce qui fait tout le sel, aussi, de ce manga. En plus ces choix ont tout de même des bonnes bases : Henry VI, Roi sur le trône au départ, est très pieux dans la pièce de Shakespeare et en plus très lunatique dans le manga, à l’image des crises réelles du souverain qui ont débuté avec la perte des dernières territoires anglais en France en août 1453 (folie non évoqué dans les pièces de Sir William car briser ce tabou lui aurait valu pas mal d’ennuis vu que la Reine de son époque est une descendante Lancaster). Sans être complètement un légume, le Roi devient du jour au lendemain insensible à tout ce qui l’entoure, plus aucune émotion ne traverse son visage, même la naissance de son fils Edouard.

Il ne s’en réveille qu’au bout de plusieurs mois, en disant n’avoir aucun souvenir de cette période, mais refera d’autres crises dans les années qui vont suivre, le laissant souvent éteint pendant pendant de longues périodes, avec quelques phases hallucinatoires qui font pencher le diagnostic médical vers une certaine forme de schizophrénie, à moins que ce soit une démence génétiquement récupéré de grand papi maternel Charles VI de France. Consanguinité, quand tu nous tiens !

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Je me doutais que consanguinité ce serait difficile…

De son côté le Duc de York s’est souvent fait mettre de côté de manière plus ou moins classe et injustifié (perte des titres, exil en Irlande, toussa) alors qu’il fut un bon administrateur du Royaume lors des phases de folies du Roi. Mais c’est sans compter Marguerite d’Anjou, femme de Henri VI pas vraiment des plus commodes, assez vénère que les York aient tué son amant William Somerset et désireuse que les Lancaster et son fils Edouard restent la lignée qui prévaut. Donc this Games of  Throne dure une trentaine d’années et tient plus de la chaise musicale que de la saga vraiment noble, tant le nombre de retournement de veste est important. Et tout ça pour quoi ? Pour que les Tudor raflent la mise en 1485 et installent leur dynastie (d’origine galloise d’ailleurs, big up) sur le trône pendant plus d’un siècle. Ironie j’écris ton nom !

Cette guerre n’en est encore qu’à mi-chemin dans le manga d’Aya KANNO mais elle laisse l’Angleterre à genoux tandis que le reste de l’Europe, elle, s’apprête à rentrer dans une époque qui a inspiré de nombreux mangakas : les Temps modernes !

Renaissance, réformes et révolutions : une période faste !

Cesare-tome-1-de-Fuyumi-SoryôAutant les Japonais lecteurs de mangas ont des trous parfois copieux dans l’Histoire européenne de César à Christophe Colomb, autant les 300 ans qui vont suivre ont le droit aux honneurs des mangakas avec pas moins de 8 titres qui traitent en majorité soit de la Renaissance Italienne, soit de la Révolution Française. C’est Cesare de Fuyumi SORYO qui lance le bal avec, justement, l’expédition de Christophe Colomb pour la découverte de l’Amérique (enfin, après les Viking finalement, mais bon). Il ne s’agit pas du tout du sujet central puisque c’est le destin de la famille Borgia qui est évoquée sur un peu plus de 10 tomes (11 à l’heure actuelle). Le fameux Cesare Borgia va croiser le chemin de quelques personnages illustres comme Léonard de Vinci, Machiavel qui s’inspirera de lui pour Le Prince, la famille de Médicis et son lien étroit avec Florence. Du point de vue historique Cesare met en lumière les guerres de pouvoir et les conflits armés qui ont lieu en Italie entre les cités influentes, l’Église et la France qui garde un œil là dessus.

Des luttes qui durent en fait depuis des centaines d’années, depuis la créations des Etats Pontificaux (cf Charlemagne, comme évoqué plus haut) et qui font souvenant intervenir des Etats extérieurs comme la France ou l’Espagne pour emporter la victoire. C’est assez intéressant de voir qu’après avoir été un Empire Romain et même en étant à la tête d’un Empire religieux, l’Italie en tant qu’Etat unifié devra attendre 1861. Et encore, ce sera sans Rome et Venise au départ et ils perdront Nice et la Savoie pour récupérer l’Italie du Nord alors sous coupe Autrichienne. Mais je m’égare là… J’en étais où ?
Ah oui, et donc, même si elle n’est pas unifiée, l’Italie est quand même le berceau de la fameuse Renaissance, et ça c’est classe.

renaissance

La dite Renaissance est, notamment, une période faste pour les arts et c’est ce qui est mis à l’honneur dans Arte, qui compte la vie d’une jeune aristocrate, Arte, qui rêve de devenir artiste peintre et aspire à entrer en apprentissage dans un des nombreux ateliers de la ville de Florence. Assez peu de lien historique dans la série qui utilise cette époque pour s’en attribuer l’ambiance, les décors et aussi sa misogynie, pour faire du destin d’Arte un combat personnel et prenant. Ça n’empêche pas à la série, grâce à des protagonistes réussis et, justement, les décors et les costumes, d’être une réussite.

couvent-des-damnes-1-glenatEntre la Renaissance et la Révolution, un titre s’est glissé il y a peu, et revient une troisième fois nous parler du Saint Empire Romain Germanique, à nouveau pour en faire un ennemi des plus cruels et le terreau d’une vengeance. Je vous parle là du Couvent des Damnés de Minoru TAKEYOSHI. Tout commence en 1549 dans le sud-ouest de l’Allemagne actuelle quand l’équivalent d’une Sage-Femme est accusée de Sorcellerie et qu’elle est brûlée vive après strangulation et autres tortures. Sa fille adoptive, la téméraire Ella, est confiée au Couvent du Partage des eaux.

Débute alors une vengeance qui sera longue et douloureuse, aussi bien sur un plan physique que psychologique dont on n’a pour l’instant lu que 3 tomes. Mais cela n’empêche pas que ce seinen porte avec lui un fond historique majeur, celui de la Réforme aussi connu sous le nom de Réforme protestante, et un fond culturel tout aussi important, celui de la Chasse aux sorcières qui a vécu son apogée au XVIe et XVIIe siècle. L’apparition du protestantisme et de toute une flopée de mouvement religieux à cette époque, comme l’Eglise Anglicane mis en place par les Tudor, est exprimée dans ce manga à travers la quête du Salut de l’âme et la peur la damnation qui justifie un peu tout, le pire comme le… encore plus pire.

En fait, depuis le XIVe siècle il y a eu la grande peste qui a changé pas mal de chose y compris dans les esprits. Les fidèles vivent dans la crainte de la damnation éternelle et tout est alors bon pour éviter trop d’années de Purgatoire pour payer tes péchés, avant de rejoindre l’Eden. À la fin du XVe, le commerce des indulgences est un moyen de plus en plus en vogue pour réduire le nombre des années passées par une âme au purgatoire après sa mort. Ces indulgences sont la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine temporelle encourue, en raison d’un péché pardonné. Au départ l’indulgence était obtenue en contrepartie d’un acte de piété (pèlerinage, prière, mortification) puis les dons à l’Église ont pris le dessus au cours du temps, créant un commerce lucratif qui va jeter l’opprobre sur le pouvoir religieux que l’on dit corrompu et mercantile.

À côté de ça, il ne faut pas oublier que la Bible est proclamée en latin lors des messes, et donc accessible aux fidèles qu’à travers les commentaires des clercs, ce qui engendre perte de sens, interprétations douteuses, etc. Difficile d’avoir la foi dans ces conditions. De tout ça découlera, très progressivement, l’apparition de cette Réforme mais aussi une surenchère des idéologies partout en Europe et des obsessions aussi loufoques que populaires dans certaines contrées. Parmi celles-ci il y a l’idée d’un complot anti-chrétien par des assemblées et sectes de sorcières et sorciers, qui remplace pour un temps les Juifs ou encore les lépreux comme  bouc-émissaires. En période de doute, vive les extrêmes et le théories fumeuses… ça ne vous rappelle rien ? ^^;

innocent tome 1Si le Couvent des Damnés évoque donc cette période obscure de l’Histoire, il est le seul à évoquer ce passage XVIe – XVIIe car les prochains mangas prennent racine dans l’époque pré-révolutionnaire, dans les décennies 1760-1770. Innocent, La Rose de Versailles, Le 3e Gedeon ou Joséphine Impératrice mettent en place la destinée de leur héros avant que la France puis l’Europe n’explose face à la Révolution Française. Comme nous avons tous mangé cette Révolution à toutes les sauces, je n’ai pas forcément envie de vous en refaire le déroulé mais on voit bien que les mangakas aiment y mêler grandeur et décadence ainsi que le combat d’une noblesse, souvent à deux visages, contre un peuple assez violent car au bout du rouleau.

Même si le 3e Gédéon est un peu à part dans le sens où il situe l’action aussi bien du côté peuple (voir plus même) que du côté noble, les 3 autres placent leur intrigue au sein du pouvoir en place, remettant souvent en question le manichéisme des méchants nobles contre le pauvre peuple. Le faste et magnificence de la noblesse les fascine (nous aussi remarquez, on ne manque pas de films et séries sur cette grandeur révolue) et donc, forcément, tout ceci ne donne pas forcément envie aux mangakas de jeter Versailles aux flammes ou d’en classer les habitants du côté obscur de la force.

C’est d’ailleurs toute cet élan romantico-dramatique que l’on retrouve dans les mangas évoquant le 19e siècle comme Emma et Les Misérables, même si elles se mêlent là aussi à des faits historiques ou des réalités sociétales comme la misère du peuple dans ce siècle de conflit assez généralisé. On retrouve aussi des personnages célèbres en fond, comme la Reine Victoria et Napoléon Bonaparte, la guerre de Crimée ou l’évolution de la Médecine dans l’excellent Ghost and Lady. Mais je préfère garder cette époque pour un autre article, car celui-ci est déjà suffisamment volumineux et parce que mon ignorance sur le 19e siècle découle aussi d’un intérêt assez limité pour les débuts de l’ère industrielle. Peut-être plus tard qui sait ?

 Manga : une histoire de l’Europe vue du Japon  Ghost and lady

Le manga, ce véhicule culturel qu’il est bien pour la conduire…

Comme vous venez de le voir, en lisant des mangas, on en vient à en apprendre beaucoup, pour peu que l’on pousse un peu les recherches. Si tout n’est pas traité, il y a désormais beaucoup à découvrir.

En présentant des personnages clés de l’Histoire, en inventant des destinées dans une temporalité bien choisie ou enfin en utilisant des Empires comme l’ennemi cruel à abattre, les mangakas puisent dans notre passé avec joie. Ils en tirent un certain exotisme si on regarde ça avec l’œil lointain du lecteur japonais, de la même façon que certains d’entre-nous pourront se passionner pour l’histoire du Japon à travers des mangas, des films ou des romans. Donc si comme moi vous n’avez pas forcément briller pendant vos cours d’histoire, changez la donne et laissez-vous allez à un peu de curiosité en faisant ce que vous savez faire de mieux : lire des mangas !

Compléments d’info…

Cet article n’aurait pas pu se faire sans de nombreuses sources forcément, à base de fiche wikipédia, de vidéo bien faites et de quelques bouquins que voici :

Histoire de l’Europe, une série de vidéo qui donnent les grandes lignes, c’est une très bonne base même s’il y a quelques approximations.

Histoire rapido du 1er Reich, fait avec humour ne plus

L’histoire du monde, mais vue du point de vue du Climat.

Ensuite  je vous conseille de partir de ce point là pour Wikipédia et de picorer dans ce qui vous intéresse. Enfin, au-delà de quelques séries télés comme Viking, les Tudor, The Crown, etc, je vous conseille aussi deux bouquins en anglais, parce que c’est les deux seuls que j’ai et que forcément je me la pète grave avec mais aussi (et surtout), parce qu’il m’ont tapé dans l’œil lors de mes récurrentes balades dans les libraires là bas :

Remember, Remember de Judy Parkinson qui est super facile à lire et trace, à chaque fois en moins d’une page, les événements et personnages clés de l’histoire de l’Angleterre, des Romains à la fin du XXe siècle.

The War of the Roses de Trevor Royle : plus dense déjà mais passionnant, qui parle de l’Angleterre et surtout des rois anglais pendant toute la période clé Guerre de Cent Ans – Guerre des Roses jusqu’à l’arrivée des Tudor. Rien que pour l’épopée de Jeanne d’Arc racontée avec le pragmatisme Anglais, ça vaut le coup.

 Remember  War of the roses 


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