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Voyages d'un jeune homme rangé, de Vincent Philippe

Publié le 08 juillet 2017 par Francisrichard @francisrichard
Voyages d'un jeune homme rangé, de Vincent Philippe

L'expression jeune homme rangé a été popularisée par Tristan Bernard, féminisée par Simone de Beauvoir. Elle est reprise aujourd'hui par le journaliste Vincent Philippe, qui, né en 1940, raconte en effet dans Voyages d'un jeune homme rangé, ceux qu'il a entrepris dans les années 1960 (au sens large) et qui l'ont émancipé.

Il a ainsi effectué quatre voyages: à Paris (1959-1960), à Londres (1964), au Canada et aux États-Unis (1967), au Pérou et en Bolivie (1970).  Et pour les raconter, il s'est livré à un exercice périlleux de mémoire (qui lui joue parfois des tours), un demi-siècle plus tard, à l'aide de souvenirs, de notes, de lettres et d'articles retrouvés.

Lors de son voyage en Amérique du Nord, il ne peut avoir recours aux moindres photos, qui pourtant sont un adjuvant efficace pour stimuler la mémoire quand elle défaille ou qu'elle ne peut se reposer sur d'autres supports. Heureusement que de nos jours internet lui permet de la raviver de manière en quelque sorte proustienne...

Dès lors il ne s'agit pas d'une simple autobiographie. Lors de ces voyages qui forment un jeune homme (qu'il n'aime guère à cinquante ans de distance), il se livre à un travail archéologique sur lui-même, laissant apparaître la mentalité d'un petit-bourgeois cultivé de ces années-là, qui passera en fin de parcours au statut d'homme jeune.

Le jeune homme catho est tourmenté. Secrètement, il éprouve, depuis l'adolescence, un désir inavouable pour les garçons. Cela ne se peut donc. Alors, il tente de donner le change, à lui-même comme aux autres, en se lançant dans des conquêtes féminines qui commencent sans aboutir jamais, parce que le coeur n'y est décidément pas.

A Londres il écrit dans son cahier bleu qu'il doute d'y faire l'expérience de ce qu'on appelle "une mauvaise vie". Mais en toute sincérité, je ne sais si c'est par crainte ou par un acte positif de mon esprit. Je crois qu'il y a des deux dans mon attitude. Aujourd'hui il commente: Des phrases qui tournent en rond, et, pour le fond, du sous-Julien-Green...

Il ne s'agit pas d'une simple autobiographie non plus parce que sa fibre journalistique s'affirme au fil de ses voyages et que, ce qu'il en dit, alors et maintenant, sont de véritables reportages sur les êtres et les choses qu'il a pu observer, route faisant, en les replaçant dans leur contexte, si bien qu'au-delà de sa personne, c'est toute une époque qu'il restitue.

S'il fut un jeune homme rangé avant d'entreprendre ces voyages, il ne l'est plus une fois achevés. Qu'il se rassure, le lecteur ne peut trouver son travail impudique, comme il en exprime la crainte dans son avant-propos: il a transformé l'essai tenté, plus ou moins un demi-siècle après, de savoir comment le contact avec l'étranger l'a marqué et façonné.

Francis Richard

Voyages d'un jeune homme rangé, Vincent Philippe, 252 pages Editions de l'Aire


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