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Au creux de la main, de PJ Harvey & Seamus Murphy

Publié le 09 juillet 2017 par Francisrichard @francisrichard
Au creux de la main, de PJ Harvey & Seamus Murphy

Au creux de la main, l'être humain se révèle, qu'il tende ce creux pour mendier ou qu'il le regarde pour en lire quelques lignes, qu'il le forme en tenant entre ses doigts plume ou appareil-photo.

PJ Harvey (chanteuse, auteur-compositrice de rock alternatif), et un photographe, Seamus Murphy, tous deux britanniques, ont fait ensemble, entre 2011 et 2014, des voyages au Kosovo, en Afghanistan et à Washington DC. Ils en ont rapporté mots et images, qui nous parlent dans un recueil à deux voix.

Dans ce recueil (paru en 2015, en anglais, sous le titre The Hollow of the Hand), sont toutefois reproduites des photos antérieures à leurs voyages en commun. Leur continuité donne l'impression que le temps s'est comme immobilisé pendant les presque deux dernières décennies (les plus anciennes de ces photos remontent à 1998).

Prises sur le vif ou sur le mort, en noir et blanc ou en couleurs, les photos de Seamus montrent un monde à l'abandon, au milieu de ruines ou de déchets. Le symbolisent cette carcasse de bovidé, laissée au milieu d'une route bitumée du Kosovo, ou ce cadavre d'homme, couché sur une route de pierres qui mène à Kaboul.

Les mots pour le dire viennent naturellement sous la plume de Polly Jean Harvey. Dans The abandoned village, elle ne trouve, par exemple, que des traces d'une jeune fille qu'elle a pourtant bien cru apercevoir entre deux murs criblés, sous-entendu criblés de balles:

I looked for the girl upstairs. Found

a comb, dried flowers, a ball of red wool

unravelling.

J'ai cherché la fille à l'étage. Trouvé

un peigne, des fleurs séchées, une pelote de laine rouge

déroulée.

De ce monde à l'abandon, de ces ruines, la guerre et la misère, qui ont la plupart du temps partie liée, sont la cause. Seamus photographie le cimetière d'Arlington qu'arpentent deux vieilles grosses dames, remplissant vraisemblablement un devoir de piété, tandis que Polly évoque Two Cemeteries:

A stray dog sleeps against a headstone.

Un chien errant somnole contre une pierre tombale.

A gardener prunes cherry trees

and the warden resets a headstone.

Un jardinier élague des cerisiers

et le gardien redresse une pierre tombale.

La guerre est omniprésente dans le recueil, notamment dans les pages consacrées à l'Afghanistan, où Seamus a saisi, à Kaboul, une foule de passionnés de combats de volatiles. Polly ne peut que constater:

They fight with rams. They fight with larks.

They fight with knucklebones and calves.

There must be something in the air.

There is fighting everywhere.

Ils se battent avec des béliers. Ils se battent avec des alouettes.

Ils se battent avec des osselets et avec des veaux.

Ça doit être dans l'air.

Partout l'ambiance est à la guerre.

Si aussi bien les photos que les poèmes font écho à l'humaine tragédie, les unes et les autres se terminent tout de même par une touche de couleur, car la vie continue. Alors que Seamus capture dans son objectif une fillette noire sous un arbre en fleurs orangé à Washington DC, Polly voit poindre à l'horizon d'Anacostia une lueur crépusculaire:

a tiny red sun

like a tail light

down the overpass

un tout petit soleil rouge

comme un feu arrière

au bas du pont autoroutier

Francis Richard

Au creux de la main, PJ Harvey & Seamus Murphy, 232 pages L'Âge d'Homme

(traduit de l'anglais par Laure Gall et Patrick James Errington)


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