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Dunkerque. L’enfer a une chair

Par Balndorn
Dunkerque. L’enfer a une chair
Dans une mer du Nord d’un bleu profond, s’enfoncent un à un les uniformes bruns. Les longues colonnes de soldats britanniques patientent, éclatantes sur le sable pâle de Dunkerque.Nolan ose la couleur. Génie du son, maître du montage, et désormais savant plasticien et brillant metteur en scène. Dunkerque se situe quelque part entre Eisenstein et Malick : rythme nerveux du montage et puissance sensorielle de l’image.
Un film de guerre en forme de poème. Dunkerque ne cherche pas l’épique majesté d’Interstellar ou le labyrinthique récit d’Inception ; en se regardant lui-même par un réseau de points de vue entrelacés, dont la trame linéaire du montage avance inexorablement vers leur rencontre, le récit s’entrouvre, et, du cœur de ses béances narratives, surgissent de pures séquences d’affects. Autour du bombardier Heinckel qui, par trois fois dans la répétition du montage, frappe mortellement un dragueur de mines, se jouent la déconstruction du grand récit patriotique – unifié, linéaire et téléologique – et l’excavation des petites voix des anonymes. L’Angleterre importe peu au regard du chœur des actions individuelles.
Nolan ne prend pas la guerre de haut. Sur cette horreur, il ne plaque pas de discours idéologique préconçu. Il se met à la hauteur des hommes, et de leur point de vue, fixe l’enfer. Voir Dunkerque, c’est entrer dans un tunnel d’1h40, et ressortir aussi brisé que les soldats sur la plage. Car la musique de Hans Zimmer met les nerfs à rude épreuve : crissements, dissonances, percussions épousent les éclats sonores d’un film quasi-muet et entretiennent une tension constante, à laquelle de rares moments lyriques apportent une bouffée d’oxygène.
Dans ce film où le grand récit nolanien se tait, la musique et l’image prennent le relais. L’émotion supplante la narration, l’expérience le discours. Trouées de micro-ellipses, répétées comme autant de failles anti-linéaires, les scènes palpitent. Porteuses d’une force propre, elles forment chacune une pièce maîtrisée, un poème en elle-même.  Dans le grand tourbillon de la furie guerrière, on s’immerge dans chaque scène, on éprouve chaque tragédie, on vibre pour chaque acte. On vit l’enfer, au plus profond de sa chair.Dunkerque. L’enfer a une chair
Dunkerque, de Christopher Nolan, 2017Maxime

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