Magazine Humanitaire

Muttur : un crime toujours impuni

Publié le 03 août 2017 par Cmasson

Les 17 travailleurs humanitaires ont été exécutés de sang-froid, d’une balle dans la tête. Tuées par ces mêmes personnes censées les protéger, les victimes l’étaient aussi par le droit international humanitaire (les Conventions de Genève - en temps de guerre, certaines règles fondamentales doivent être respectées, comme par exemple la protection des civils, des membres d'organisations humanitaires), et par la coutume internationale. Ces meurtres sont constitutifs d’un crime de guerre.

Ce drame n’a pas fait que 17 victimes mais eu un impact sur toute la population qui avait besoin de l’aide humanitaire : en 2005, les équipes d’Action contre la Faim aidaient plus de 100 000 personnes. Deux ans après le massacre, Action contre la Faim a quitté l’île après 12 ans de présence.

Le gouvernement sri lankais a failli à son devoir de protection et de justice. En 2009, une commission d'enquête présidentielle créée spécialement pour enquêter sur les violations des droits de l'homme, y compris sur ce crime, reporte bien commodément le blâme sur les Tigres Tamouls, sans poursuivre les auteurs.

Au niveau international, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a donné son avis sur le massacre des 17 travailleurs humanitaires dans le cadre d’un rapport d’enquête sur les crimes menés pendant la guerre civile sri lankaise, et conclut sur l’évidente responsabilité des forces de l’ordre dans ce crime. En 2014, Le Conseil a demandé, de manière explicite, la création d’un Tribunal Spécial à dimension internationale pour enquêter sur cette affaire afin que la justice soit rendue après toutes ces années d’impunité. Malheureusement, cette demande, qui a été approuvée par les Nations Unies et par le gouvernement sri lankais, n’a toujours pas été mise en œuvre.

De plus, en mars 2017, le gouvernement obtient un délai supplémentaire d’un an pour créer le tribunal : le traitement de l’affaire continue à être repoussé et pose la question de la réalité et l’intégrité de la politique de justice et de réconciliation en cours. En effet, le Sri Lanka refuse l’incorporation de juges internationaux dans le futur mécanisme judiciaire. Le massacre de Muttur est reconnu comme un cas emblématique des violations commises pendant la guerre par le Conseil des droits de l’homme. Pourtant, il n’est pas une priorité dans l’agenda de la justice. Cette indifférence, ce mépris des règles internationales, et l’impunité garantie pour les auteurs de ce crime odieux sont un signal honteux vers les pays où les populations et les humanitaires sont confrontés aux mêmes risques et crimes. 

Faire plus pour protéger les humanitaires

Aujourd’hui encore, les pays où les travailleurs humanitaires sont les plus menacés par la violence et les attaques sont ceux qui ont besoin d’aide humanitaire de manière la plus urgente. L’impunité qui prévaut dans le cas de Muttur n’est pas isolée, et ce triste exemple témoigne toujours qu’aucun humanitaire, et donc aucun civil, n’est complètement protégé.

Action contre la Faim appelle la communauté internationale à faire plus pour protéger les humanitaires, notamment en créant un rapporteur spécial en charge d’améliorer la protection de l’action humanitaire.

Onze ans après nous ne les oublions pas et nous ne renoncerons pas à ce que justice leur soit rendue : M. Narmathan, I. Muralitharan, R. Arulrajah, T. Pratheeban, A. Jaseelan, G. Kavitha, K. Kovarthani, V. Kokilavathani, S. Romila, M. Ketheswaran, M. Rishikesan, S.P. Anantharajah, G. Sritharan, S. Koneswaran, S. Ganesh, Y. Kodeeswaran, A.L.M. Jawffar.

Photographie © Action contre la Faim


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